• Congrès de la CGT.

    « J’espère que nous allons tous nous retrouver à la fin »

    Alors que s’ouvrira, ce mercredi 29 mars, le débat d’orientation qui fixera la feuille de route de l’organisation pour les trois années qui viennent, trois néocongressites livrent leurs attentes à l’égard de la CGT.


     
     

    Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), envoyée spéciale.

    Parmi les 1 000 délégués de la CGT présents à Clermont-Ferrand, 80 % participent à leur premier congrès confédéral. Ils sont également 200 jeunes en possession d’un mandat. Réunis jusqu’à vendredi, les cégétistes espèrent, au-delà des tensions occasionnées par les débats sur le bilan d’activité et la conduite du congrès, approfondir les enjeux de fond. Ils listent l’organisation des jeunes, la structuration du syndicat ou les problématiques environnementales. Le débat sur l’orientation de la CGT s’ouvre ce mercredi.

    « La CGT est un phare dans la nuit

    pour les mouvements sociaux, climatiques et citoyens »

    Quentin Desmouceaux
    Cosecrétaire du syndicat CGT Naval Group Nantes-Indret

    « J’attends beaucoup de ce congrès pour débattre, exposer nos divergences et nos contradictions, pour réussir à prendre des décisions collectives. La CGT doit devenir un outil performant pour les salariés. L’organisation, et plus précisément sa structuration, est un enjeu important. Penser notre structuration, c’est aussi l’adapter à la société, au salariat d’aujourd’hui. Trop d’unions locales sont en difficulté. Nous devons faciliter le travail de terrain, afin que ces structures ne reposent pas sur une ou deux personnes. L’interprofessionnel est un pilier important de la CGT. Les enjeux climatiques et sociaux concernent tous les champs professionnels. J’espère qu’on arrivera à débattre de ces questions, en étant à l’écoute de chacun. Sinon, on n’en sortira pas grandis. Je suis inquiet pour le syndicalisme en général, parce que la CGT est un phare dans la nuit pour les mouvements sociaux, climatiques et citoyens, et pas seulement en France. Si on se fracture, ou si on cède la place, cela laissera un boulevard à l’extrême droite. »

    « Nous avons besoin de dépoussiérer l’image

    de notre organisation syndicale »

     

    Mathilde Canivet
    Secrétaire générale de la fédération mines-énergie de Charente-Maritime

    « Je veux qu’on sorte de ce congrès avec une CGT qui cultive ses différences, revendicative, dans l’action. Ces dernières années, j’ai trouvé que nous étions encore trop spectateurs. Par exemple, sur les retraites, cinq fédérations appellent à la grève reconductible, mais la Confédération n’a jamais appelé à la reconductibilité du mouvement. Je souhaite également des orientations et des actes concernant la place des jeunes, et surtout des étudiants, dans notre organisation. On le voit bien dans les manifestations, les jeunes ont besoin d’être orientés, d’être organisés. Il leur faut une structure au sein même de la CGT pour qu’ils soient écoutés, entendus. Ces jeunes sont nos futurs militants. Les étudiants ont délaissé les organisations syndicales, mais certains sont investis politiquement. S’ils vont davantage vers les partis politiques, c’est qu’on a loupé quelque chose. Nous avons besoin de dépoussiérer l’image de notre organisation syndicale, tant celle qui lui est collée est vieillotte. Sinon, la CGT va dépérir. Notre syndicat doit jouer son rôle d’éducation populaire. La jeunesse doit y trouver sa place. »

     

    « Dans cette grande famille,

    c’est normal qu’il y ait des moments de tensions »

    Karine Marquant
    Secrétaire générale de la fédération santé-action sociale Val-d’Oise

    « Même si nous, cégétistes, exprimons quelques discordances, nous sommes riches de nombreux combats communs, comme celui sur les retraites, sur lequel nous ne lâcherons rien. Dans cette grande famille, c’est normal qu’il y ait des moments de tensions. Je vis mon premier congrès, et c’est une superbe expérience, un lieu de rencontres, d’échanges d’expériences et de discussions. Sur de nombreux sujets, nous avançons, même si on peut toujours s’améliorer. La prise en compte des problématiques environnementales, impulsée par le collectif Plus jamais ça, est un premier pas, beaucoup reste à faire. Je le vois à l’hôpital. Par exemple, nous générons énormément de déchets. Aucun tri n’est effectué, la part du matériel à usage unique est très importante. Et souvent, nos directions nous fournissent avec ce qui coûte le moins cher. Vendredi, nous élirons un ou une nouvelle secrétaire générale, en espérant qu’au-delà de nos divergences, nous réussirons à tous nous retrouver. »


    votre commentaire
  • Divisée, la CGT rejette le bilan de sa direction

     

    Avec 49,68 % des voix, le rapport d’activité présenté au congrès n’a pas été adopté. Le débat d’orientation doit débuter ce mercredi 29 mars.

     

     

    Publié le Mercredi 29 mars 2023 Naïm Sakhi

    https://www.humanite.fr/social-eco/cgt/divisee-la-cgt-rejette-le-bilan-de-sa-direction-788614

     

     

     

    Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), envoyé spécial.

    Un coup de tonnerre en guise de conclusion du deuxième jour du 53e congrès de la CGT. Réunis à Clermont-Ferrand, mardi, les congressistes ont rejeté le bilan de la direction sortante. Le rapport a été écarté par 50,32 % des voix.

    « Ce n’est malheureusement pas une surprise », commente Sébastien Menesplier, secrétaire général de la CGT mines-énergie. Céline Verzeletti, dont le nom est mis en avant par des fédérations comme alternative possible à Marie Buisson pour succéder à Philippe Martinez, pointe « un désaveu pour la direction sortante », tout en appelant à « comprendre le message envoyé par les syndicats » de la CGT.

    Pour voter, les délégués ont reçu des mandats des syndiqués, après que le rapport d’activité a été discuté dans les structures locales.

    Dans les désaccords, la participation de la CGT au collectif Plus jamais ça

    Durant les débats, les désaccords ont notamment porté sur la participation de la CGT au collectif Plus jamais ça. À l’image de Clarisse Delalondre, de la CGT mines-énergie, qui fait valoir la lutte de sa fédération pour empêcher la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « Dans cette lutte, anti- et pro-nucléaires étaient unis pour maintenir l’indépendance de l’IRSN, à une exception près, Greenpeace », pointe-t-elle.

    D’un autre avis, Nadine Castellani-Labranche (CGT éducation, recherche, culture) a affiché sa fierté que la centrale syndicale se retrouve « à la fois aux côtés des salariés de première ligne durant le confinement, tout en disant “Plus jamais ça”, afin d’inverser les logiques de discrimination sur les femmes et sur l’écologie ».

    De son côté, le délégué syndical à la Chapelle-Darblay, Cyril Briffault, a rappelé l’utilité de la convergence des luttes sociales et écologiques dans le sauvetage conquis de haute lutte de la papeterie menacée de fermeture.

    « Camarade Philippe Martinez, qui t’a donné mandat pour parler de médiation ? »

    La proposition de médiation annoncée par l’intersyndicale et confirmée par le secrétaire général sortant de la CGT dans la matinée n’a pas manqué non plus de faire réagir les congressistes, lors du débat de l’après-midi. « Camarade Philippe Martinez, qui t’a donné mandat pour parler de médiation ? » a interrogé Murielle Morand (CGT chimie).

    « Qu’une intersyndicale appelle à mettre la France à l’arrêt le 7 mars ne s’est jamais vu dans l’histoire du mouvement social, a répondu Catherine Perret, secrétaire confédérale. Bien sûr que la CGT est à la pointe de la lutte, mais cette unité syndicale a donné confiance à des millions de salariés. »

    Lundi 27 mars, en début de soirée, les délégués avaient adopté le règlement intérieur du congrès, en supprimant une disposition controversée qui obligeait toute candidature à la commission exécutive confédérale (CEC) à respecter un critère de parité hommes-femmes.

    De fait, la candidature du secrétaire général de la CGT des Bouches-du-Rhône, Olivier Mateu, qui ne se pliait pas à cette règle, peut donc espérer figurer dans la CEC, dans laquelle sera choisi le futur secrétaire général de la Confédération.

    De son côté, la candidate déclarée à la succession de Philippe Martinez, Marie Buisson dédramatisait dès lundi les tensions internes : « Il paraît que la CGT va très mal, mais quand je descends dans la rue, je ne vois pas une centrale qui va mourir, mais bien efficace, utile et combative. »

     

     

     

     

    votre commentaire
  • Sainte-Soline

    Méga-bassines.

    Des blessés graves et des questions en rafale

    Depuis la répression à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, lors d’une manifestation écologiste, samedi 25 mars, le maintien de l’ordre à la française attise les controverses. Un blessé est toujours entre la vie et la mort.


     
     

    Dans la crise actuelle, les Français ont malheureusement fini par s’y habituer.

    Au gouvernement, on ment face caméra.

    Après de nombreuses contrevérités sur les retraites, voilà qu’un ministre – celui de l’Intérieur – déguise encore la réalité.

     

    Cette fois, le mensonge concerne le dispositif policier déployé à Sainte-Soline (Deux-Sèvres)

    autour de la manifestation, interdite par la préfecture, contre les projets de méga-bassines.

    Cette mobilisation qui a réuni 30 000 personnes, le 25 mars, a donné lieu à des affrontements entre les 3 200 gendarmes et une frange violente des opposants, faisant 47 blessés chez les premiers et plus de 200 chez les seconds, dont une personne dans le coma avec un pronostic vital toujours engagé.

     

    Utilisation des grenades GM2L, classées comme matériel de guerre

    Devant la presse, lundi, Gérald Darmanin a assuré qu’« aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre, seulement des armes intermédiaires ».

    Il a aussi dit : « Non, les gendarmes n’ont pas tiré au LBD en quad, seules des grenades lacrymogènes ont été tirées. »

    C’est faux.

     

    L’Humanité a pu constater sur place l’utilisation de grenades dites GM2L, pour grenade modulaire 2 effet lacrymogène, qui atteignent les 160 décibels dans un périmètre de cinq mètres.

    Un niveau sonore pouvant causer des dommages irréversibles.

    Dans le Code de la sécurité intérieure, elles sont classées catégorie A2, parmi les « matériels de guerre ».

     

    De même que les fameux lanceurs de balles de défense (LBD), à nouveau utilisés ce week-end à Sainte-Soline.

    Gérald Darmanin l’a confirmé le soir même, en se contredisant dans l’émission C à vous (France 5) :

    « Ces quads qu’on voit arriver étaient utilisés pour lancer des grenades lacrymogènes pour repousser les personnes. Il y a eu deux lanceurs de LBD, c’est totalement proscrit. Ces gendarmes seront suspendus. »

     

    Mais cette communication du ministre illustre la fuite en avant dans laquelle s’est lancé l’exécutif qui a fait le choix de la répression pour faire taire les contestations.

    En plus des mobilisations contre la réforme des retraites, les violents heurts de samedi ont remis au cœur du débat les méthodes françaises de maintien de l’ordre et, par extension, les violences policières.

     

    Les députés de la France insoumise ont demandé, lundi soir, une commission d’enquête parlementaire « sur les choix qui ont été opérés pour le maintien de l’ordre », pour la manifestation anti-bassines.

    Gérald Darmanin, lui, tente de dévier les regards en mettant son échec sur le dos de la gauche.

     

    Darmanin dresse un continuum des violences entre les députés de la Nupes et  les « groupuscules » d’extrême gauche et autres « black blocs »

    Lors des questions au gouvernement, le locataire de Beauvau a voulu dresser un continuum des violences entre les députés de la Nupes et  les « groupuscules » d’extrême gauche et autres « black blocs », en omettant les dizaines de milliers de manifestants pacifiques.

    « Vous devriez présenter vos excuses aux policiers et aux gendarmes que vous blessez chaque jour, vous devriez présenter vos excuses d’attiser par la colère ce que vous n’avez pas eu par les urnes ! » a-t-il lancé aux bancs de la gauche.

     

    Gérald Darmanin a également annoncé avoir « engagé la dissolution des Soulèvements de la Terre ».

    Un collectif écologiste très implanté dans les luttes locales, coorganisateur de la manifestation anti-bassines, accusé par le ministre de « plusieurs exactions contre les forces de l’ordre, plusieurs destructions de biens, plusieurs appels à l’insurrection ».

    « Les black blocs font le jeu du gouvernement. Quand on crée de la tension, on dit aux gens : “Ne venez pas manifester.” Cela ne doit pas dédouaner Emmanuel Macron de sa responsabilité », répond Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée.

     

    Débats autour de l’arrivée des secours

    Et Clémence Guetté, députée insoumise, de contre-attaquer dès lundi soir : « Nous avons constaté, et cela a été confirmé à la suite par la Ligue des droits de l’homme, que les véhicules de secours étaient empêchés de venir sur place. »

    Selon elle, les forces de gendarmerie ont « délibérément mis en danger des milliers de personnes ».

     

    Plusieurs témoignages affirment également que le Samu a été empêché de se rendre sur les lieux de prise en charge.

    « Il s’est passé au minimum 3 h 40 entre le premier appel et son arrivée au CHU de Poitiers », affirment les organisateurs, à propos du cas de l’un des blessés toujours entre la vie et la mort.

    Le Samu-Smur 79 conteste : « Nous n’avons pas été obstrués dans l’exercice de notre fonction. (…) Envoyer une ambulance en zone d’affrontements, avec de l’oxygène, n’est pas recommandé avec le risque d’explosion. »

    L’un des deux blessés dont le pronostic vital était engagé est hors de danger.

    Mais, touché à la tête, S., militant du black bloc, risque toujours sa vie, malgré un « état stable ».


    votre commentaire
  • La base radicalise le 53 ème congrès de la CGT

    La direction de la CGT

    essuie un revers majeur lors de son 53e Congrès

    Les délégués de la centrale syndicale ont rejeté le rapport d'activité de la direction sortante, une première dans l'histoire récente.
     

    votre commentaire
  • Le 53 ème Congrès de la CGT en direct

    Clermont-Ferrand - 27 au 31 mars 2023

     

    Débats 53e congrès :

    Mardi 28 mars, séance 2

     

    Débats 53e congrès :

    Lundi 27 mars, séance 1


    votre commentaire
  • À Clermont,

    un congrès de la CGT en pleine éruption sociale

    Alors que la contestation de la réforme des retraites bat son plein, la confédération tient ses assises jusqu’à vendredi. Philippe Martinez entend passer la main. Le redéploiement de la centrale et son ouverture à la société civile animeront les débats. Décryptage.

     


     
     

    Tenir un congrès confédéral au cœur d’un puissant mouvement social n’est pas une situation inédite à la CGT.

    En décembre 1995, tandis que le pays était paralysé par la contestation du plan Juppé, la centrale s’était réunie à Montreuil, confirmant à sa tête le secrétaire général sortant, Louis Viannet.

    Et en adoptant la stratégie du « syndicalisme rassemblé », comme une main tendue aux autres organisations syndicales.

     

    En 2023, les protagonistes ont changé, mais les enjeux ne sont pas moins brûlants, alors que 3,5 millions de personnes se sont mobilisées contre la réforme des retraites jeudi 23 mars, après plus de deux mois de grèves et de manifestations.

     

    « On ne fait pas de théorie sans pratique. L’unité syndicale est-elle utile pour le mouvement social ? Le débat sur la notion de syndicalisme rassemblé traverse la CGT. Je constate que, quand les syndicats sont unis, on bat des records de mobilisation », mesurait Philippe Martinez, dans l’Humanité magazine du 16 mars.


    Le secrétaire général sortant passera le relais à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

    Sa succession animera une grande partie des débats, jusqu’à vendredi.

     

    1. Un congrès en plein mouvement sur les retraites

    Galvanisées par la lutte contre la réforme des retraites, les organisations ouvrières ont signé leur retour au premier plan, après une décennie d’ « atonie syndicale », assure Baptiste Giraud, maître de conférences en science politique.

    Fin février, selon un sondage OpinionWay, 54 % des Français estimaient « responsable » l’attitude des confédérations.

    « Ce mouvement est la démonstration du rôle central qu’occupe toujours la CGT, au-delà de sa seconde place en représentativité (derrière la CFDT – NDLR), estime le chercheur. Elle reste la force en capacité de construire des mobilisations collectives. »

    Des fédérations, dont l’énergie, la chimie, les ports et docks et les cheminots, se sont notamment illustrées en lançant des grèves reconductibles, en complément des journées d’action interprofessionnelle décidées par l’intersyndicale.


    Plus encore, durant les six premières semaines du mouvement, la CGT a syndiqué plus de 13 000 salariés. Ces recrutements représentent, par endroits, la moitié des adhésions réalisées sur une année.

    En février, la CGT revendiquait 605 603 adhérents.

     

    Pour 68 % des Français, les syndicats, dont la confédération fondée en 1895, sont renforcés par le mouvement en cours, selon un sondage Elabe pour BFMTV.

    Nul doute que cette situation va influer sur les débats des délégués à Clermont-Ferrand, alors que la stratégie de la CGT, et notamment l’efficacité de l’unité syndicale pour arracher des avancées, est questionnée.

     

    2. Du syndicalisme rassemblé au rassemblement du syndicalisme ?

    Après plus de deux mois de mobilisations, ponctués de manifestations record, et un passage en force à l’Assemblée par l’exécutif avec l’usage de l’article 49.3, l’intersyndicale tient bon. Philippe Martinez y voit la confirmation de la stratégie du syndicalisme rassemblé, initiée dès 1995 par la CGT.

    Selon Stéphane Sirot, cette stratégie, « outil efficace pour entraîner le plus grand nombre » dans des manifestations, demeure plus « compliquée » à mettre en œuvre au moment de durcir le rapport de force, notamment dans la reconduction des grèves.

    L’historien du syndicalisme voit là « un sujet de débat majeur » au sein de la centrale cégétiste.

     

    « Nous n’avons pas de véritable stratégie, c’est là le problème », confie à l’Humanité un cadre d’une grande fédération, qui pointe la difficulté, hors grand mouvement social, de mobiliser les salariés pour peser dans le rapport de force national, dans un paysage social atomisé par les lois Macron et El Khomri.

    La CGT consacre une partie de son document d’orientation au problème de la convergence des luttes et à celui de l’unité pour dépasser « la division syndicale » en avançant vers l’unification du syndicalisme.

    La centrale présente « les échanges réguliers et anciens » avec la FSU comme « un socle solide », tout en tendant la main à Solidaires, sans préciser, pour l’heure, le cadre de ces rapprochements.

     

    À la dernière Fête de l’Humanité, Philippe Martinez assurait : « Nous avons un socle commun très important de revendications, d’idées de transformation. Ce débat ne doit pas rester un débat de chefs. Un échange d’expériences doit se faire dans les entreprises et sur les territoires. »

    Pour Stéphane Sirot, « une défragmentation du champ syndical est nécessaire, car il n’y a jamais eu autant d’organisations avec aussi peu de syndiqués. Deux grandes propositions de syndicalisme demeurent. Celle portée historiquement par la CGT, en rupture avec le capitalisme. Et celle de la CFDT, de culture chrétienne, portant la conception de partenariat social ».

    Prudent, Baptiste Giraud souligne la complexité de la démarche : « Intégrer des militants venus d’une autre organisation est toujours difficile, car ils sont dotés de cultures syndicales différentes, avec des liens militants parfois conflictuels. »

     

    3. Le défi de l’ouverture de la CGT à la société civile

    C’est sans doute le principal héritage de l’ère Philippe Martinez à la tête de la centrale. En juin 2020, à l’issue du premier confinement, la CGT, Attac, la Confédération paysanne, Oxfam, Greenpeace et d’autres constituent le collectif Plus jamais ça.

    Dans la centrale, ce rapprochement fait débat, notamment à cause de la présence de Greenpeace, aux positions divergentes de la CGT sur les questions énergétiques.

    « Au dernier congrès, la CGT a décidé, pour transformer la société, de s’ouvrir aux autres, pointe un responsable fédéral. Mais cela pose plusieurs questions : avec qui, comment, pourquoi, et sur quelles bases ?

    Ce débat n’a pas eu lieu concernant la participation de la CGT à Plus jamais ça, et des fédérations et des UD (unions départementales) ont l’impression que ça leur a été imposé. »

    En particulier, la fédération mines-énergie a exprimé son désaccord avec la mention, dans les documents du collectif, de l’arrêt des investissements dans le nucléaire et les énergies fossiles, contradictoire de son point de vue avec la défense de l’emploi dans la production électrique.

    Copilote du collectif environnement, Marie Buisson estime de son côté que « la crise climatique, les aberrations du capitalisme et la répartition des richesses entre le capital et le travail démontrent l’urgence de construire des fronts avec d’autres syndicats, des associations et des ONG pour gagner ».

    Selon la secrétaire générale de la Ferc-CGT (éducation, recherche, culture), cette démarche va de pair avec le développement de la CGT,

    « outil syndical qui fait la preuve de son utilité dans le mouvement social».

    Et le fait que « la CGT continue de mener ses batailles sur l’augmentation des salaires, avec une campagne depuis plus d’un an autour d’une rémunération minimale à 15 euros brut de l’heure, les 32 heures et la retraite à 60 ans ».

     

    Pour Stéphane Sirot, Plus jamais ça, à l’instar du Pacte du pouvoir de vivre, regroupant la CFDT, le Secours catholique et la Fondation Abbé-Pierre, traduit la recherche de solutions à « une relative faiblesse du syndicalisme ».

    « Le champ syndical était hégémonique sur le discours de transformation sociale, c’est moins le cas aujourd’hui », poursuit l’historien, qui rappelle que « dans son histoire, la CGT s’est déjà rapprochée d’un certain nombre de mouvements ».

     

    4. Une nouvelle secrétaire générale ?

    Le départ de Philippe Martinez, après huit ans de mandat, est un des événements de ce 53e congrès confédéral.

    Pour sa succession, le secrétaire général sortant propose la candidature de Marie Buisson.

    Un choix approuvé par un vote de la direction confédérale.

    « Marie partage la conception d’ouverture de la CGT votée au précédent congrès, observe Philippe Martinez. Sa fédération est loin d’être la plus petite. La Ferc est l’une des rares à progresser, chaque année, en nombre d’adhérents, c’est un signe. »

     

    Si ce choix est validé par le comité confédéral national (CCN) durant le congrès, Marie Buisson deviendrait la première femme à occuper cette fonction.

    Cependant, selon Baptiste Giraud, « la succession de Philippe Martinez s’annonce difficile, des surprises ou un revirement ne sont pas à écarter».

    Le secrétaire de l’UD des Bouches-du-Rhône, Olivier Mateu, opposant à la stratégie du « syndicalisme rassemblé », se porte candidat.

    « Le choix de Marie Buisson n’est pas partagé par l’ensemble des fédérations et des UD, estime un animateur de l’une de ces dernières, parce qu’elle a porté la démarche de Plus jamais ça, avec tous les débats que cela pose. »

    L’intéressée assume ses convictions.

    «  Le changement climatique et l’épuisement de nos ressources vont impacter en premier lieu nos modes de production, tranche Marie Buisson.

    La lutte des classes est fondamentale.

    Et l’égalité salariale et les violences sexistes et sexuelles sont avant tout des questions qui touchent le travail.

    Le syndicalisme n’est pas que théorique.

    Il faut s’interroger sur sa matérialisation et faire front pour obtenir des améliorations concrètes et rapides au bénéfice de celles et ceux qui vivent du travail. »

     

    Certaines fédérations avancent également le nom de Céline Verzeletti, membre du bureau confédéral.

    Pour l’heure, l’intéressée assure ne pas postuler à la succession de Philippe Martinez .

    La candidature de Marie Buisson à la fonction de secrétaire générale de la CGT reste la seule statutairement enregistrée.

     

    5. Quelle structuration de la CGT face à la mutation du travail ?

    C’est un enjeu de fond de ce congrès.

    Comment faire évoluer les structures de la CGT pour représenter l’ensemble des travailleurs, notamment les ubérisés ou employés dans la sous-traitance ?

    « Les fédérations font parfaitement le travail pour ce qui concerne les syndicats d’entreprise. Mais le mouvement social en cours montre que la force de la CGT est aussi sa présence sur tout le territoire dans les structures interprofessionnelles, note Marie Buisson.

    Les unions locales (UL) sont les portes d’entrée dans la CGT quand une entreprise n’est pas dotée de délégués ou de syndicats. »

     

    Pour Stéphane Sirot, « la question posée est celle du fédéralisme de la CGT », rappelant que la Confédération s’est construite sur les branches professionnelles et les bourses du travail.

    L’historien ajoute que « la Confédération est passée à côté de la compréhension du mouvement des gilets jaunes ».

     

    Selon lui, « les rares épisodes de rencontres entre des cégétistes et des gilets jaunes se sont produits grâce aux structures locales ».

    Rattachés majoritairement aux UL, les adhérents dépourvus de syndicats d’entreprise représentent 15,5 % des troupes cégétistes.

    Le document d’orientation prévoit l’organisation d’états généraux à ce sujet et la mise en œuvre d’un « travail avec les UD et les dix fédérations les plus concernées ».

    Pour la candidate à la fonction de secrétaire générale, « les structures de la CGT doivent évoluer avec la situation des travailleurs » pour « mieux les représenter ».

    Marie Buisson ajoute : « Qu’importe la forme de travail, tout le monde doit trouver sa place à la CGT. »

    Enfin, outre la syndicalisation des jeunes, notamment au sein des Sela (syndicats d’étudiants salariés, lycéens et apprentis), la CGT ambitionne de syndiquer 60 000 à 70 000 travailleurs supplémentaires chaque année.

     

    Le mode d'emploi du congrès

    Vendredi 31 mars, la CGT aura une nouvelle personne à sa tête.

    Le choix de la succession de Philippe Martinez fera partie de l’ordre du jour du congrès, qui réunit mille délégués à partir de ce 27 mars à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

    Dès le lendemain, le vote du rapport d’activité donnera la tonalité des débats.

    La désignation du futur secrétaire général suit un processus bien codifié.

    Le futur dirigeant de la centrale doit être membre de la commission exécutive confédérale (CEC).

    Les candidats à l’exécutif sont proposés, de manière paritaire, par les organisations.

    La liste du CEC retenue, ainsi que celle de la commission financière de contrôle (CFC) feront l’objet d’un vote, lors de la réunion du comité confédéral national (CCN) du congrès, mercredi.

    Véritable parlement de la centrale, le CCN est composé des secrétaires généraux des fédérations et des unions départementales, « dûment mandatés par ces organisations », précisent les statuts.

    Le CCN fixera aussi le nombre d’élus au sein de la CEC.

    La CEC et la CFC seront ensuite élues par le congrès, jeudi.

    Le quatrième jour de congrès sera aussi celui du vote du document d’orientation.

    « Chaque délégué vote conformément au choix du ou des syndicats qui l’ont mandaté. Chaque syndicat représenté au congrès a droit à un nombre de voix calculé sur la base de la moyenne des cotisations réglées », précise le guide du délégué au congrès.

    Vendredi, enfin, une nouvelle réunion du CCN élira le bureau confédéral, ainsi que le nouveau ou la nouvelle secrétaire général(e).


    votre commentaire
  • Interventions musclées et arrestations en nombre :

    le service après-vente du 49.3 façon Darmanin

     

    Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin assume un tournant répressif dans le suivi du mouvement social, chauffé à blanc par l’utilisation du 49.3.


     
     

    Le projet de réforme des retraites a un nouveau porte-parole.

    Depuis jeudi 16 mars et le 49.3, Gérald Darmanin s’est vu confier le service après-vente du texte gouvernemental.

    Le ministre de l’intérieur a depuis assumé un virage sécuritaire au suivi d’un mouvement social chauffé à blanc par le passage en force de l’adoption sans vote à l’Assemblée.

     

    « L’opposition est légitime, les manifestations sont légitimes, le bordel ou la bordélisation non », a-t-il déclaré le 17 mars sur RTL, soulignant le bilan des interpellations en marge des manifestations de la veille : 310 personnes interpellées, dont 258 rien que pour le rassemblement de la Concorde, à Paris.

     

    Les interventions se doublent d'une violence accrue

    Bis repetita samedi soir, avec 169 interpellations, dont 122 dans la capitale.

    Les forces de sécurité justifient leur célérité par les incidents – feux de poubelle, bris de vitrines et de devantures de permanences de parlementaires – et les affrontements très localisés en marge de protestations à Paris, Amiens et Lille, Dijon, Bordeaux, Rennes, Lille, Lyon ou Strasbourg.

    Mais leurs interventions se doublent d’une violence accrue.

    Ema, observatrice indépendante des pratiques policières en manifestation, l’a remarqué à Paris ce ­week-end :

    « Les deux rassemblements à la Concorde étaient similaires.

    La différence, c’était la présence samedi de la compagnie d’intervention avec son commissaire réputé pour sa gestion brutale.

    J’ai été choquée par les arrestations arbitraires, les charges sur des gens immobiles.

    On ne cherche pas à sécuriser, mais à réprimer et punir.

    Parmi les centaines d’interpellés, il y a très peu de poursuites.

    La suite s’annonce intense… »

     

    Matthieu en témoigne.

    Samedi soir, après avoir quitté la place de la Concorde pour rentrer chez lui, il se trouve dans le quartier de l’Olympia à proximité d’une cinquantaine de personnes « parties » à la sauvage

    « mais qui ne représentaient pas de danger.

    La Brav-M (brigade de répression de l’action violente motorisée) nous a foncé dessus, chargeant tout le monde et interpellant à tour de bras ».

     

    « Les policiers dissuadaient les personnes arrêtées

    de faire appel à un avocat ou à un médecin  »

     

    Interpellé, le jeune homme a été privé de liberté plus de 20 heures durant, à l’issue desquelles aucune charge n’a été retenue contre lui.

    « La garde à vue, c’est une maltraitance en soi, souligne-t-il.

    Mais le plus choquant, c’est que les policiers dissuadaient les personnes arrêtées de faire appel à un avocat ou à un médecin, affirmant qu’ils resteraient plus longtemps. Ce qui est faux. 

     

    Chercheur au CNRS spécialiste de l’usage de la force par la police en France, Fabien Jobard décrypte la nouvelle situation sécuritaire :

    « Tant que le projet de réforme était au Parlement, il y avait un lieu de discussion.

    Dès lors que ce lieu n’existe plus, les manifestants qui privilégient les actions plus directes se retrouvent plus nombreux dans les cortèges, plus souvent en première ligne et plus légitimes au regard des autres manifestants.

    D’autant que dans le même temps, le 49.3 a changé la donne.

    Depuis 2003, tous les gouvernements avaient fait leur le slogan de Raffarin “la loi ne se fait pas dans la rue mais au Parlement”.

    Ce n’est plus le cas.

    C’est le gouvernement qui fait la loi.

    La vraie radicalisation relève de la perte de confiance dans la démocratie représentative. »

     

    (1) Le prénom a été modifié.

    votre commentaire
  • Le gouvernement Borne échappe de justesse à la censure

     

    La première ministre et son équipe ont eu très chaud.

    La motion de censure transpartisane a échoué à neuf voix près.

    L’exécutif en ressort très affaibli, alors que la lutte contre la réforme se poursuit.

     


     
     

    À neuf voix près.

    Le gouvernement Borne a survécu à la journée du 20 mars, mais il a senti de très près le souffle chaud du boulet.

    À l’Assemblée nationale, la motion de censure transpartisane déposée à la suite du 49.3 – celle qui avait le plus de chance de réussir – n’a pas atteint le seuil des 287 voix nécessaires (278 voix).

    Sans surprise, celle du RN a connu le même sort (94 voix), la plupart des députés refusant de voter une motion venant de l’extrême droite.

     

    Conséquence immédiate : la réforme des retraites est considérée comme adoptée (mais il reste encore plusieurs étapes avant qu’elle entre en vigueur).

    Une victoire pour l’exécutif, certes, mais à la Pyrrhus.

    Jamais depuis la censure de 1962 un gouvernement n’avait paru aussi proche du précipice.

    D’autant que les coups ont à nouveau plu lors de l’examen des motions.

     

    Micro coupé au moment où le député parlait de « laisser la parole à la démocratie »

    À la tribune, le centriste Charles de Courson,

    porteur de la motion transpartisane, n’a pas mâché ses mots :

    « Vous avez délibérément détourné l’esprit de la Constitution pour passer en force. Vous avez échoué à rassembler, à convaincre, choisi la facilité pour éviter la sanction du vote. Vous l’auriez probablement perdu, mais c’est la règle en démocratie. »

     

    Un discours coupé au bout de dix minutes par la présidente de l’Assemblée nationale, au nom du règlement, au moment où le député parlait de «  laisser la parole à la démocratie ».

    Qu’à cela ne tienne. Charles de Courson a achevé son propos micro éteint, sous les applaudissements de la Nupes.

     

    « Emmanuel Macron siffle une musique dangereuse à l’oreille des Français : la démocratie ne suffit plus à se faire entendre »,

    a ensuite déploré l’insoumise Mathilde Panot, voyant dans le chef de l’État

    « un Caligula ivre de pouvoir (…) qui volera deux ans de vie à tous les Français».

    La présidente du groupe FI a rappelé que 71 % des Français souhaitent que le gouvernement chute avec sa réforme.

     

    « Depuis le 7 mars, il y a un point de rupture entre le président et tout un peuple »,

    a relevé pour sa part l’écologiste Cyrielle Chatelain.

    «  Je me demande comment vous pouvez être encore là, à défendre votre réforme scélérate, qui n’a pas de majorité dans cette Assemblée, qui en a encore moins dans le pays,

    a enchaîné le communiste Pierre Dharréville.

    Vous vous trompez lourdement si vous pensez que vous pouvez vous en tirer comme ça, que c’était juste un mauvais moment à passer, que tout ça sera bientôt oublié. »

     

    Au final, 19 députés LR ont voté la motion

    Même Olivier Marleix, président du groupe LR, venu expliquer pourquoi son groupe ne voterait pas (en partie) la motion de «  ceux qui tirent le pays vers le fond », a décoché une flèche vers les bancs de l’exécutif :

    « Le bras d’honneur ne peut pas être une méthode de gouvernement : réformer oui, fracturer non. »

    La censure ne pouvait passer qu’avec un nombre conséquent de députés LR prêts à assumer d’être les tombeurs du gouvernement pour s’opposer à une réforme sur laquelle ils n’ont pas de désaccord idéologique majeur.

    Au total, 19 l’ont votée, insuffisant malgré la volte-face de dernière minute de l’ancien vice-président exécutif du parti Aurélien Pradié.

    «  Pour sortir de ce chaos, de ce spectacle d’affaiblissement démocratique, il faut voter la motion »,

    avait déclaré le député du Lot dans la matinée.

     

    « L’alliance de la gauche et d’un député de la Manif pour tous », dixit Elisabeth Borne

    Mais l’essentiel du groupe ne l’a pas suivi et a respecté la consigne du patron de LR, Éric Ciotti, qui a toujours enjoint ses troupes à voter une réforme qu’il a négociée en amont à Matignon.

    La majorité présidentielle, elle, a fait pression jusqu’au dernier moment sur la droite pour qu’elle ne rejoigne pas, dixit Élisabeth Borne, «l’alliance de la gauche et d’un député de la Manif pour tous ».

     

    «  Une motion de censure transpartisane devient de facto un programme commun ! » a lancé la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, aux oppositions (comme si la censure valait forcément dissolution et alternance), crachant au passage sur chaque groupe :

    LR et «  ses calculs personnels »,

    la gauche «  qui ne répond qu’à Jean-Luc Mélenchon »,

    Liot «  dont certains avaient pourtant soutenu la réforme de François Fillon »,

    le RN «  qui n’a rien dit pendant les débats ».

    Dernière à prendre la parole avant le vote des motions, la première ministre a fustigé « l’antiparlementarisme » des oppositions sous leurs huées.

    Le groupe insoumis a, lui, quitté l’Hémicycle et boycotté son discours.

     

    Sauvée mais toujours affaiblie, la Macronie cherche maintenant à faire croire que ce vote siffle la fin du match, et donne à la réforme la légitimité parlementaire qui lui manquait.

    Mais le choix de lier le sort du gouvernement et de la réforme a changé la nature de la question posée aux députés, et donc biaisé le scrutin.

    La preuve ?

    Le chantage au chaos auquel se sont livrés les élus de la majorité.

    «  Faire tomber le gouvernement, ce serait ajouter du chaos au désordre », s’est ainsi inquiété Laurent Marcangeli, le président du groupe Horizons, alors que précisément c’est bien la réforme, maintenue envers et contre tout, qui est vectrice de désordre depuis plusieurs semaines.


    votre commentaire
  • Le journaliste français Olivier Dubois,

    otage depuis près de deux ans au Mali,

    a été libéré

    Olivier Dubois avait été kidnappé le 8 avril à Gao, dans le nord du Mali, par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance jihadiste au Sahel, liée à Al-Qaïda. Un autre otage, l'Américain Jeffrey Woodke, a également été libéré.
     

    votre commentaire
  • Retraites. Qui sème le 49.3 récolte la censure ?

     

    Le devenir de la réforme et du gouvernement Borne se joue ce lundi 20 mars à l’Assemblée nationale.

    La Macronie s’expose à un désaveu cinglant sous la forme d’une motion de censure.

     


    Dans les cortèges et sur les réseaux sociaux, les appels se sont multipliés ce week-end pour enjoindre aux députés de voter la censure.
     

     

    Le centième 49.3 sera-t-il celui de trop ?

     

    L’arme constitutionnelle du gouvernement pour forcer l’adoption de la réforme des retraites pourrait bien s’enrayer et lui exploser au visage, ce lundi 20 mars.

    Élisabeth Borne, « fusible » assumé, a décidé d’imbriquer son destin politique à celui d’un texte rejeté par le plus grand nombre.

     

    Risqué, alors que des manifestations spontanées partout en France ont rythmé le week-end, réclamant le retrait de la réforme et la démission de l’exécutif.

    Les regards sont désormais tournés vers l’Assemblée.

    Élisabeth Borne doit faire face à deux motions de censure,

    l’une déposée par le RN,

    l’autre portée par le groupe central Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) et l’intergroupe Nupes.

    Celles-ci devraient être mises en débat vers 16 heures.

    Si l’une des deux venait à être votée, le gouvernement devrait démissionner et la réforme serait enterrée.

    Peu importe l’issue, jamais un exécutif n’avait paru aussi isolé, sur le point de vaciller.

     

    Décryptage.

     

    1. Le gouvernement Borne peut-il perdre son pari ?

    Esquiver un vote qu’il savait perdu : voilà le pari hasardeux qu’a pris, jeudi 16 mars, le gouvernement quand il a décidé de recourir à l’article 49.3 de la Constitution, qui lui permet d’adopter un texte de loi sans vote du Parlement.

    À une nuance près : « Sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée », est-il inscrit dans le texte fondamental.


    Deux motions ayant été dégainées par les oppositions, la tête de l’exécutif est maintenant dans les mains de la représentation nationale.

    Mais cette fois encore, il pense pouvoir sauver sa peau.

    De façon certaine, il gagnera au moins un vote : la plupart des députés refusent d’apporter leurs suffrages à la motion du RN.

    Elle n’a aucune chance d’atteindre la majorité absolue, fixée à 287 voix avec la prise en compte des quatre sièges vacants.

     

    Pour la motion transpartisane Liot-FI-PCF-PS-EELV, c’est une autre affaire.

    Portée par le groupe Liot, et notamment le très respecté centriste Charles de Courson, elle est bâtie pour agréger des députés de tous bords.

    Ce qui, sur le papier, ferait s’additionner les 20 parlementaires Liot avec les 149 de la Nupes, 5 non-inscrits et 88 élus du RN, qui ont déjà annoncé qu’ils la voteraient.

    Total : 262, à l’hypothétique condition que tout le monde l’approuve.

     

    Il manquerait alors 25 voix à aller chercher, pour une large part dans le groupe « Les Républicains », divisé sur la question.

    Officiellement, LR refuse de faire tomber Élisabeth Borne et ses ministres.

    Mais une dizaine de frondeurs ont prévu de désobéir, comme Ian Boucard ou Fabien Di Filippo.

     

    L’avenir de l’exécutif pourrait se jouer à une quinzaine de voix.

    Elles pourraient provenir des LR, régulièrement qualifiés de traîtres par la Macronie depuis le 16 mars, ou, plus baroque, des rangs des soutiens au président, à l’instar de Richard Ramos (Modem), qui veut « un gouvernement qui rebatte les cartes, avec des ministres capables d’écouter le peuple français, et pas une bande d’arrogants qui expliquent aux Français pourquoi ils sont idiots ».

    Chiche ?

     

    2. À quoi sert une motion de censure ?

    S’il fallait choisir un mot pour résumer la communication gouvernementale sur sa réforme des retraites,

    nul doute que le terme « enfumage » ferait figure de favori.

     

    Car, après avoir menti sur les pensions à 1 200 euros ou le dispositif carrières longues, l’équipe d’Élisabeth Borne interprète à sa sauce la Constitution.

    Le vote d’une motion de censure provoquerait le « désordre politique », d’après le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, et servirait même, selon son homologue du Travail Olivier Dussopt, à « voir s’il existe une majorité alternative ».

    C’est faux.

     

    D’après la loi fondamentale, l’adoption d’une motion de censure consécutive à l’utilisation d’un 49.3 a deux conséquences : l’obligation pour le gouvernement de remettre sa démission au président de la République et le rejet du projet de loi.

    Ni plus ni moins.

    Concernant les motions de censure du 20 mars, il s’agit donc du seul vote possible, par l’Assemblée nationale, sur la réforme des retraites.

    « Ce sera le vote de ceux pour ou contre la réforme », a même résumé, sur TF1 vendredi 17 mars, la première ministre.

     

    3. Les Français y sont-ils favorables ?

    Durant le week-end, les appels directs ou indirects aux députés se sont multipliés, dans les cortèges et sur les réseaux sociaux, pour les enjoindre à voter la censure.

    Selon un sondage Harris Interactive, 71 % des Français souhaitent que la motion aboutisse et que le gouvernement démissionne.

    Sans surprise, une écrasante majorité de sympathisants de gauche comme du RN y sont favorables.

    Et même les soutiens de LR veulent à 53 % la chute du gouvernement.

    Comme 27 % des électeurs macronistes.

     

    4. Que se passe-t-il si elle est votée ?

    Si une majorité de députés se prononce pour la censure, le projet de loi est rejeté et le gouvernement doit démissionner.

    Ce serait la première fois depuis 1962, et la première fois tout court qu’un gouvernement serait sanctionné par l’Assemblée pour avoir utilisé un 49.3.

     

    La Macronie a beau agiter l’épouvantail du chaos politique, cela ne veut pas dire que la France serait un canard sans tête pour autant.

    Le président peut nommer un nouveau gouvernement.

    D’un point de vue strictement légal, rien n’empêche d’ailleurs Emmanuel Macron de refuser la démission, voire de l’accepter puis de garder les mêmes aux postes qu’ils occupent actuellement.

     

    Toutefois, reconduire une équipe désavouée par les députés et l’opinion publique serait politiquement intenable.

    Rien ne lui interdit, non plus, d’agir en forcené et de proposer un nouveau projet de loi sur les retraites.

    Il faudrait alors reprendre à zéro le chemin législatif.

     

    L’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée, menace brandie par l’Élysée en cas de censure, n’a rien d’automatique.

    En 1962, c’est ce qu’avait fait Charles de Gaulle. Le général était alors ressorti renforcé des nouvelles législatives.

    Pour Emmanuel Macron, le contexte politique est autre : sa réforme a agrégé un large front du rejet et d’éventuelles élections risqueraient de se transformer en sanction collective pour tous les élus ayant défendu la retraite à 64 ans. Le crash politique serait alors complet.

     

    5. Et si la motion est rejetée ?

    Si la motion de censure ne passe pas, la réforme des retraites est considérée comme adoptée.

    Mais pas encore promulguée : la bataille institutionnelle ne s’arrêterait pas là.

    Le Conseil constitutionnel devra encore se prononcer sur les recours qui contestent le véhicule législatif choisi par le gouvernement (le PLFRSS et le fameux article 47.1) et l’insincérité des débats parlementaires (absence d’étude d’impact, mensonges sur les pensions minimales…).

    Les juges constitutionnels pourraient, sur cette base, censurer tout ou partie du projet de loi.

    Parallèlement, la Nupes a annoncé vouloir lancer une campagne pour que la réforme fasse l’objet d’un référendum d’initiative partagée (RIP).

    Le 17 mars, 252 parlementaires ont déposé la proposition de loi pour un RIP sur les retraites.

    Si le Conseil constitutionnel donne son feu vert, la gauche aura ensuite neuf mois pour recueillir la signature de 4,7 millions de Français (10 % du corps électoral) et faire advenir le référendum.

    Une gageure, mais qui aurait le mérite de mobiliser sur la durée le mouvement social, tout en bloquant la réforme pendant neuf mois.

    Enfin, même en cas de promulgation du texte, Emmanuel Macron peut toujours, sous la pression, retirer sa réforme.

     

    6. Emmanuel Macron peut-il tenir ?

    Bien qu’il puisse encore gagner sur le plan légal, Emmanuel Macron a déjà politiquement perdu sur tous les tableaux.

    Si la motion de censure transpartisane est adoptée, il sera contraint de se reconnaître battu et minoritaire, alors que moins d’un an après sa réélection, sa légitimité est plus que jamais questionnée.

    Au point que des conseillers présidentiels anonymes envisagent, dans la presse, une possible démission du chef de l’État, qui ne désespérerait pas de revenir ensuite.

    Si elle n’est pas adoptée, une réforme largement rejetée pourrait être promulguée.

    Il lui resterait alors plus de quatre ans de mandat à traîner ce boulet.

    Quatre années difficiles pour un président à la cote de popularité au plus bas (28 % d’opinions favorables seulement, d’après un sondage Ifop).

     

    Un niveau comparable à ce qu’il était en pleine crise des gilets jaunes.

    Preuve qu’on ne peut sans dommages gouverner contre son peuple.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique