• Le bon pain des français,

    nos bons saumons et nos bonnes truites.

     

    Le chargé de campagne océan à Greenpeace Afrique, Abdoulaye Ndiaye a indiqué le mois dernier, à Mbour (Sénégal), que la rareté du poisson est la « cause principale » de l’émigration irrégulière des jeunes en direction surtout des îles Canaries.

    « La cause principale de l’émigration irrégulière, c’est le manque de poisson. La pêche ne nourrit plus son homme”, a-t-il souligné, lors de la célébration de la journée mondiale de la pêche, au quai de Mbour. »

     

    Les Sénégalais en pâtissent année après année.

    De 29 kilogrammes  de consommation annuelle en 2014, les sénégalais en consomment 15 kilogrammes seulement en 2023.

    Une situation largement imputable à la « surpêche », a dit encore le chercheur du Centre de recherche océanographique de Dakar-Thiaroye (Crodt-Isra), Moustapha Dème.

    Il intervenait aussi en décembre à Saly (Mbour).

     

    Réputées jusqu’à présent très poissonneuses, et peu surveillées, les eaux du Sénégal, de la Gambie et de la Mauritanie sont devenues les nouveaux « hubs » du marché mondial de farine et d’huile de poisson.

    En moins de dix ans, une trentaine d’usines de transformation ont ouvert leurs portes dans les trois pays.

    Le chercheur économiste des pêches au Centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye (Isra/Crodt), Moustapha Dème, sonne l'alarme sur la nécessité impérieuse de réorienter les formes de subvention octroyées à la pêche sénégalaise.

    Selon lui, ce soutien financier contribue largement à la surpêche, menaçant ainsi les précieuses ressources halieutiques.

     

    Dème souligne l'impact dévastateur du soutien financier accordé par l'État, incluant des détaxes sur les équipements de pêche, des subventions pour le carburant, les moteurs et d'autres avantages liés à la pêche industrielle et aux exportations.

    « Ces investissements massifs ont entraîné une surcapacité dans le secteur, dépassant largement le potentiel des ressources halieutiques », dénonce-t-il.

    Au-delà du désastre écologique que cela représente pour la région, ce business prive surtout les populations côtières de leurs sources de revenus et de leurs ressources en protéines animales principales.

     

    En effet, selon un rapport de Greenpeace et Changing Markets Foundation, chaque année, un demi-million de tonnes de petits poissons frais, des sardinelles et des bongas qui auraient pu nourrir 33 millions de personnes sont ainsi péchées au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest,  pour être transformés en nourriture destinée aux saumons de Norvège, aux truites de Chine ou aux cochons de France.

     

    Les débats que nous avons aujourd’hui entre nous sur l’immigration, méritent un peu mieux que nos invectives franco-françaises.

    La rareté du poisson est la « cause principale » de l’émigration irrégulière des jeunes en direction surtout des îles Canaries.

    Avant de faire ici la chasse aux immigrés, avant de les rendre responsables de tous nos malheurs économiques, interrogeons-nous sur la pertinence de notre diplomatie, et sur la bonne conscience des investisseurs étrangers qui interviennent en Afrique.

     

    (Cofondateur Solidarité et coopération internationale.)


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  • Immigration : les Français y sont-ils aussi opposés qu’on le dit ?

     

    Encore un projet de loi sur l’immigration en débat au Parlement, c’est le 29e depuis 1980, soit en moyenne un tous les 17 mois.

    Cette prolifération est parfois due à la volonté de revenir sur des mesures adoptées par un autre gouvernement, mais elle montre aussi le niveau de crispation atteint à l’égard des immigrés dans nombre de partis politiques.

    Tout se passe comme s’il fallait prouver aux électeurs que le pouvoir mène des politiques efficaces contre l’immigration illégale et pour la sécurité publique.

    De nombreux politiciens semblent persuadés que les considérations négatives envers les immigrés prédominent dans l’opinion publique.

     

    Qu’en est-il exactement ?

    Comment ont évolué les perceptions de l’immigration depuis 40 ans ?

    The conversation >>>>


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  • María Betsabé Espinal

     

    (aussi appelée Espinosa ou Espinoza),

    née à Bello le 25 septembre 1896

    et morte à Medellín le 16 novembre 1932,

    est une fileuse et une des leaders syndicales

    qui a dirigé la première grève d'ouvrières de la Colombie

    dans l'usine de tissus de Bello (Antioquia)

    du 12 février au 4 mars 1920.

     

    Celle-ci n'a pas été la première grève colombienne,

    mais elle est la première

    où des femmes se sont organisées

    pour réclamer des droits du travail.

     

    Wikipédia >>>>>


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  • Cinq Français atteints d'une maladie incurable

    se livrent sur la fin de vie :

    "La volonté des patients doit être respectée"

    France Info >>>>>


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  • « 918 Jours » d'Anthony Smith :

    le combat d’un inspecteur du travail

    Dans 918 Jours, Anthony Smith raconte la bataille kafkaïenne menée pour avoir simplement exercé son devoir, tout en livrant un plaidoyer pour l’indépendance de son métier.

     

    En quelques mois, Anthony Smith est devenu l’un des deux inspecteurs du travail les plus célèbres de France – l’autre étant Gérard Filoche –, mais il se serait bien passé de cette médiatisation soudaine.

    Sa vie bascule en mars 2020, alors que le Covid déferle sur le pays et que les « travailleurs de première ligne » chers à Emmanuel Macron montent au front avec un attirail rudimentaire.

    Appelé au secours par l’Aradopa, une association d’aides à domicile, il constate que la direction refuse de fournir aux employés des équipements de protection basiques, dont des masques.

     

    Dans un premier temps, il se contente d’un simple courrier à l’employeur.

    Mais voyant que la voie non contentieuse reste lettre morte, il décide d’engager une procédure de référé judiciaire comme le prévoit le Code du travail.

    Nous sommes le 11 avril 2020.

    « C’est à ce moment que s’engage la drôle d’histoire que je vais subir, écrit Anthony Smith dans son livre. À 20 h 51, je reçois par mail une convocation de ma hiérarchie pour un entretien en audio le 14 avril. Tout dans ce courrier revêt un aspect prédisciplinaire et mes gestes professionnels y sont largement mis en cause. Je comprends alors, mais sans en maîtriser l’étendue, que des pressions s’exercent pour que je ne dépose pas le référé judiciaire. »

     

    Dans un engrenage qui va bien faillir le broyer

    Le 15 avril dans l’après-midi, il dépose malgré tout le référé devant le tribunal judiciaire de Reims et rentre chez lui avec le sentiment du devoir accompli.

    Il est en réalité pris dans un engrenage qui va bien faillir le broyer.

    « Je viens juste de finir de dîner lorsque, à 20 h 27, je reçois sur mon portable professionnel un SMS de ma directrice régionale qui me notifie la suspension de mes fonctions dans l’intérêt du service, en vue de l’engagement d’une procédure disciplinaire“. »

     

    S’engage alors un bras de fer qui durera exactement 918 jours (d’où le titre du livre), jusqu’à sa victoire en justice en octobre 2022.

     

    L’ouvrage d’Anthony Smith revient évidemment en détail sur l’aventure de l’inspecteur du travail, mais se double aussi d’un vibrant plaidoyer pour l’indépendance de son métier.

    « L’Histoire ne s’arrête pas, écrit-il. Tant que les inspecteurs du travail auront une once de pouvoir dans ce pays, ils se trouveront à faire face à une opposition idéologique mais aussi structurée à travers le patronat et ses relais qui chercheront par tous les moyens à limiter l’exercice de leurs prérogatives. Il en est de même pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses dans les entreprises. »

     

    L’un des grands mérites de son livre est de se hisser au-delà de son cas personnel pour embrasser la cause de tous ceux qui luttent, chacun à leur manière, contre le joug implacable du capital.

    « Mon histoire n’est pas seulement l’affaire Anthony Smith, écrit-il. Elle est celle de tout agent du service public qui refuse de voir la recherche de la rentabilité financière à tout prix l’emporter sur les considérants humains et environnementaux, sur la santé, sur la solidarité, voire sur la démocratie sociale. »

     

    918 jours, d’Anthony Smith, Arcane 17, 180 pages, 13 euros


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  • ENTRETIEN.

    "Adieu Birkenau" :

    "Il n'y a aucun mot qui puisse expliquer ce qu'on a subi",

    témoigne Ginette Kolinka,

    98 ans, rescapée d’Auschwitz

    Elle va à la rencontre des jeunes depuis plus de 20 ans pour raconter son histoire.

    Ginette Kolinka témoigne mardi sur franceinfo à l'occasion de la sortie de "Adieu Birkenau", une bande-dessinée qui lui est consacrée.

    France Info >>>>>

     


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  • Sur l’interdiction générale du port de l’« abaya » à l’école

    annoncée le 27 août 2023 par le ministre de l’Éducation nationale


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  • L’école, Gabriel Attal et la laïcité « geignarde »

    Par Jean Baubérot

    Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes.

     

    C’est la rentrée scolaire : les médias causent sur l’école et le ministre de l’Education Nationale s’exprime.

    A les écouter ou à les lire, le problème ne serait pas le fait que l’institution scolaire aggrave les inégalités sociales, ni les classes surchargées, ni les suppressions de postes, ni les promesses non tenues de revalorisation des enseignants...

    Non, l’actu ce sont les fameuses « atteintes à la laïcité », qui auraient explosé. 

    Blog perso Médiapart >>>>>

     

    Jean Baubérot >>>>> Blog Médiapart


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  • À l’ombre des Safer,

    la guerre des champs

    Splann! >>>>>


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  • Interdiction de l'Abaya,
    symptôme d'une France
    en pleine panique identitaire
    Médiapart
    Carine Fouteau
    6 septembre 2023
     


    La France se replie sur elle-même.
    Dernier avatar de ses obsessions post-coloniales :
    la polémique autour de l’interdiction du port de l’abaya à l’école,
    qui se traduit par une suspicion généralisée à l’égard des musulmans, et plus précisément des musulmanes,
    et par deux défaites :
    celle de la laïcité
    et celle du droit des élèves à disposer de leur corps.

     

     

    Des enfants – et leurs parents – qui ne mangent pas à leur faim, des enseignant·es non remplacé·es malgré les promesses, des fournitures trop chères, des températures caniculaires dans des salles de classe surchargées…
     
    La rentrée scolaire aurait pu – aurait dû – être consacrée à traiter les vrais sujets des familles, ceux qui concernent les conditions d’apprentissage et de transmission des savoirs, l’explosion de l’inflation, le creusement des inégalités et les effets du dérèglement climatique.
     
    Mais non, voilà plus de deux semaines qu’une tenue vestimentaire occupe les discussions politiques et tient la chronique médiatique.

    Cette année, plus de 5,7 millions d’élèves ont repris le chemin des collèges et des lycées en France.
     
    Et le bilan, dressé dès mardi 5 septembre par l’auteur même de l’interdiction, le ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal, est le suivant :
    298 élèves se sont présentées en abaya
    et 67 ont refusé de la retirer.
     
    Notre pays s’étripe depuis plus de deux semaines sur la longueur des robes des jeunes femmes pour quelques centaines de cas… au détriment des élèves concernées, dont on entend peu la parole, au premier rang desquelles celles qui se sont vu imposer de rentrer chez elles plutôt que d’étudier.  
     
    Cette démesure révèle, une fois encore, une panique identitaire dont seule la France post-coloniale a le secret.
     
    Cette démesure, surtout, cache mal le message implicite envoyé à l’ensemble de la société : on peut en effet estimer, compte tenu de la « rentabilité » de cette interdiction, que la polémique est un prétexte.
     
    Un prétexte pour dire aux musulmans qu’ils doivent « se tenir sages », qu’ils sont sous contrôle, que leurs faits et gestes sont examinés et jugés par le reste de la communauté nationale.
     
    Une manière de leur dire, encore une fois, « vous n’en faites pas partie ».
     
    Ou plutôt : « si vous voulez en faire partie, prouvez-le, changez vos pratiques intimes, abandonnez vos racines ».
     
    La laïcité à la sauce judéo-chrétienne a bon dos 
     
    (lire les pertinentes mises au point de l’historien de la laïcité Jean Baubérot sur son blog de Mediapart).

     

    Car, malgré les dénégations, ce sont bien les musulman·es qui subissent les amalgames véhiculés dans un espace politico-médiatique de plus en plus rance.

    N’en retenons qu’un, tout droit venu du chef de l’État.

    Interviewé lundi 4 septembre par le youtubeur « Hugo décrypte », Emmanuel Macron a cru bon d’évoquer l’attentat islamiste de Conflans-Sainte-Honorine du 16 octobre 2020 pour expliquer le contexte de la décision du gouvernement d’interdire le port de l’abaya. 

    « Nous vivons dans notre société avec une minorité de gens qui, détournant une religion, viennent défier la République et la laïcité.

    Et pardon mais ça a parfois donné le pire.

    On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu l’attaque terroriste et l’assassinat de Samuel Paty dans notre pays », a -t-il déclaré. 

    « Je ne fais aucun parallèle », s’est-il empressé d’ajouter

    – une dénégation osée après avoir lui-même fait le rapprochement.

     
     
     
    Il fut un temps où le président de la République était plus soucieux de déconstruire les préjugés diffusés au nom de la défense de la laïcité.
     
    Alors qu’il n’était encore que candidat à la présidentielle, il dénonçait les dérives islamophobes découlant de l’instrumentalisation de ce principe fondateur de notre République.
     
    C’était sur le plateau de Mediapart, en novembre 2016, quelques mois seulement après les attentats islamistes meurtriers qui avaient endeuillé la France en 2015.  

    « Moi, je crois à la loi de 1905. [...] 
     
    La laïcité c’est une liberté. La bataille n’est pas perdue.
     
    Si les laïcistes gagnent en mai prochain [aux élections présidentielles – ndlr], je pourrai vous dire que j’aurai perdu cette bataille, mais je pense qu’elle n’est pas perdue.
     
    Parce que, au fond, ce n’est pas la laïcité dont les gens parlent.
     
    Ce faisant, ils parlent de leur rapport à l’islam. »
     
    « La question, poursuivait-il, c’est comment on sort de ça ?
     
    On sort d’abord en distinguant les sujets.
     
    Bien souvent dans le débat qu’on a sur l’islam, on confond tout. »

     
    Emmanuel Macron a perdu sa lucidité d’antan.
     
    La vision de la laïcité dont il se rapproche désormais n’est plus celle de la liberté de conscience dans la seule limite du respect de la liberté de conscience des autres citoyen·nes, mais celle, défensive, excluante, répressive, prônée notamment par le Printemps républicain, qui en fait un outil discriminatoire, antireligieux, pour ne pas dire antimusulman.

    Comment le chef de l’État ne voit-il pas non plus qu’un autre biais, sexiste celui-là, traverse la polémique qu’il alimente toute honte bue ?
     
    Car, plus encore que les musulmans, ce sont les femmes musulmanes qui sont dans le viseur.
     
    Après le voile à l’école, dans les universités, dans les entreprises, dans les collectivités territoriales, dans l’espace public ; après le burkini sur les plages ; après le bandana, le turban et la jupe longue, c’est donc au tour des robes jugées trop couvrantes de faire l’objet d’une fixation nationale.
     
    Cette litanie de polémiques est vertigineuse tant à chaque fois se répète la même obsession : celle d’interdire des vêtements à des femmes au motif qu’elles ne devraient pas se laisser imposer leur tenue par d’autres – que cet « autre » prenne la forme de la religion, du mari ou de la communauté.

    C’est du choix vestimentaire, relevant de l’intime, et du corps des femmes musulmanes, constituées en menace au nom des « valeurs de la République », qu’il est à nouveau question sur toutes les ondes de France.
     
    Qu’elles défendent ou non le port de l’abaya, peu importe, elles se retrouvent victimes collatérales d’une suspicion généralisée.
     
    Alors même que leur invisibilisation sociale est la norme, alors même que leur relégation aux emplois les plus précaires ne fait frémir personne, elles subissent de nouveau l’opprobre hexagonal.

     

    Un État arbitraire

    Au-delà de la polémique et de ses effets, c’est l’interdiction posée par l’État qui pose problème.
     
    En édictant ce qui est religieux et ce qui ne l’est pas, l’État français, supposé laïque, sort de son rôle et se piège lui-même.
     
    Alors même qu’existe un débat sur la nature religieuse ou traditionnelle de ce vêtement,
    alors même que la plupart des autorités musulmanes dénient son caractère religieux,
    alors même que les situations individuelles sont inévitablement complexes et entremêlées,
    l’exécutif a décidé de trancher.
     
    Il se met dans la tête des jeunes filles et arbitre à leur place entre ce qui relève d’un attachement culturel, d’un désir de se protéger des regards, d’une croyance religieuse, d’une provocation ou de mille autres raisons encore.
     
    En essentialisant ce vêtement, il enferme paradoxalement les adolescentes qui le portent dans une interprétation univoque.

     
     
     
    Certes, l’État a répondu à une demande de certains proviseurs. 
     
    « Il n’y a pas de cadre clair, on ne sait pas précisément ce qui est une tenue religieuse et ce qui ne l’est pas », déclarait ainsi avant la rentrée le secrétaire national du Syndicat des personnels de directions de l’éducation nationale (SNPDEN-Unsa).
     
    Sauf que l’interdiction arbitraire ne va rien clarifier et risque au contraire d’entraîner les chefs d’établissement dans le piège de l’exécutif.

     
    Selon le cadre de la loi du 15 mars 2004, les vêtements et accessoires ne peuvent être interdits que lorsque le comportement des élèves manifeste ostensiblement une appartenance religieuse. 
     
    « Ainsi,
    explique la Vigie de la laïcité, structure associative formée après la dissolution par le gouvernement de l’observatoire du même nom, 
    un·e élève qui porte systématiquement un couvre-chef pour couvrir ses cheveux et remplacer un voile ou un turban peut être sanctionné·e au titre de la loi de 2004.
     
    De même, le port d’une robe couvrante que certain·es qualifieraient d’“abaya” peut être interdit s’il est systématique et s’oppose, par exemple, au port d’une tenue adaptée en éducation physique et sportive ou en travaux pratiques. » 
     
    Il en découle qu’« une interdiction générale, sans prise en compte d’un comportement marquant une appartenance religieuse, de toute robe couvrante pouvant être communément portée par des élèves en dehors de toute signification religieuse renverrait à une police du vêtement parfaitement contre-productive, suscitant les provocations d’élèves et entraînant davantage de replis en réaction ».
     

    Dit autrement, la laïcité est une pratique vivante,
    au cas par cas,
    qui suppose de comprendre le sens que donnent les élèves à leur tenue et d’apporter une appréciation sur leur caractère « manifestement ostentatoire ».
     
    Sa mise en œuvre implique avant tout dialogue et échange – c’est ce qui a lieu dans l’immense majorité des établissements.
     
    L’interdiction telle qu’elle a été édictée va immanquablement conduire les proviseur·es à décider, a priori, sans tenir compte de la parole des élèves.
     
    Comment vont-ils s’y prendre pour différencier une abaya d’une robe longue ordinaire ?
     
    Ils risquent de se référer, plus ou moins consciemment, à l’idée qu’ils se font de l’identité religieuse des jeunes femmes, de la couleur de leur peau ou de la consonance de leur nom, autrement dit cela pourrait se traduire par des pratiques discriminatoires.  
     

    L’exécutif est entré dans une spirale infernale.
     
    Chaque nouvelle interdiction en appellera mécaniquement d’autres.
     
    Initialement conçue comme une « loi de liberté », la laïcité devient un outil d’humiliation, de contrôle et d’exclusion.
     
    La traduction judiciaire de cette interdiction ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : dans une circulaire du 5 septembre adressée aux procureur·es, le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti demande « une réponse pénale ferme, rapide et systématique » en cas d’atteinte grave à la loi dans les établissements scolaires.

     
     
    Emmanuel Macron, qui citait Aristide Briand en 2016, aurait dû relire ses mises en garde, qui s’inscrivent dans l’histoire de France puisqu’il est l’un des principaux concepteurs de la loi originelle de 1905.
     
    La question des vêtements s’était déjà posée à l’époque.
     
    Et Aristide Briand avait pris parti contre l’interdiction du port de la soutane : il estimait tout d’abord que, par principe, la loi de 1905 ne devait pas « interdire à un citoyen de s’habiller de telle ou telle manière » et il considérait ensuite, par souci d’efficacité, que le résultat serait « plus que problématique » : la soutane interdite, on pourrait compter sur « l’ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs » pour créer un « vêtement nouveau ».
     

    Comme le rappelle la Vigie de la laïcité, « la façon la plus efficace de lutter contre tout repli communautaire réside dans le renforcement urgent de la mixité socio-culturelle à l’école. Dans chaque établissement où elle a été renforcée, les atteintes à la laïcité ont drastiquement chuté ». 
     
    À force d’utiliser à tort et à travers la laïcité contre les élèves de confession musulmane, l’exécutif risque de les faire douter des valeurs de liberté et de respect portées par cette notion, de semer la confusion et de renforcer les dérives les plus radicales.
     
    Pour lutter efficacement contre l’intégrisme religieux, qui se nourrit des discriminations, du racisme et des violences policières, l’école, plutôt que de souffler sur les braises, doit jouer à plein son rôle émancipateur, en promouvant les valeurs de solidarité, d’égalité, particulièrement entre les femmes et les hommes, de justice et de mixité sociale. 

     
     
    Faisant droit à des exigences venues de l’extrême droite, notamment des maires de Perpignan et de Béziers, le passage de relais entre l’interdiction de l’abaya et l’expérimentation de l’uniforme en dit long : comme souvent, les injonctions concernant telle ou telle minorité servent de laboratoire, avant leur extension à la population entière.
     
    Avec la mise en cause de la liberté fondamentale des élèves à disposer de leur corps, à vivre leur diversité et à inventer leur pluralité, la jeunesse dans son ensemble pourrait être la prochaine victime expiatoire d’un gouvernement en mal d’autorité.
     
     
    Serait-ce la seule leçon qu’Emmanuel Macron a tirée des révoltes ayant enflammé les quartiers populaires au début de l’été après la mort de Nahel tué à bout portant par un policier à Nanterre ?
     
    Mettre au pas la jeunesse en l’enfermant dans un uniforme ?
     

    Carine Fouteau


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