• Inégalités :

    le fossé entre classes sociales,

    toujours nié mais bien réel

     

    Malgré un discours politico-médiatique tendant à les gommer, les différences entre les catégories sociales demeurent structurantes, rappelle l’Observatoire des inégalités, dans son rapport annuel rendu public jeudi 8 juin.

     

     
     
    Selon l'observatoire des inégalités,
    30 % des Français vivent avec moins de 1 500 euros par mois.
     

     

    L’appartenance à une classe sociale est un élément déterminant.

    Le dernier rapport annuel de l’Observatoire des inégalités, rendu public jeudi 8 juin, s’attelle à rappeler cette réalité.

    « Dans le débat aujourd’hui, la question des inégalités est hyperprésente, mais celles de “classes” sont presque absentes.

    Il y a une confusion : le déclin du monde ouvrier, et des organisations qui le représentaient, est analysé comme une disparition, alors qu’il s’agit d’une mutation.

    La réalité, c’est que les parcours, les modes de vie, les expériences concrètes du quotidien sont en grande partie définis par ces classes sociales », explique Louis Maurin, le directeur de l’association.

     

    La surreprésentation des cadres supérieurs dans les médias – ils constituent «  les deux tiers des personnes visibles sur le petit écran », selon une étude citée dans le rapport – peut expliquer en partie cette vision déformée du réel.

     

    30 % des Français vivent avec moins de 1 500 euros par mois

    Cette confusion autour de la réalité économique vécue par les Français commence par le salaire.

    Dans le débat public, le salaire moyen est le plus souvent fixé à 2 500 euros net.

    Mais ce chiffre est biaisé, du fait de la non-prise en compte des temps partiels.

    Or la prégnance du temps partiel, qu’il soit annuel ou mensuel, affecte massivement le niveau de vie des catégories populaires, des jeunes et surtout des femmes.

    L’intégrer dans le calcul fait redescendre le salaire moyen à 1.880 euros.

    Et 30 % des Français vivent avec moins de 1 500 euros par mois.

     

    Même en se concentrant sur les temps pleins, et en comparant les différentes catégories socioprofessionnelles, les écarts apparaissent nettement.

    Selon l’étude, le revenu mensuel moyen des cadres serait de 3 200 euros, contre 2 100 pour les professions intermédiaires et autour de 1 600 pour les ouvriers et les employés.

    À eux seuls, les 10 % des plus aisés captent ainsi un quart de l’ensemble des revenus, quand les 10 % les plus pauvres ne représentent que 3,5 %.

     

    Inégalités : le fossé entre classes sociales, toujours nié mais bien réel

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    D’inévitables conséquences sur la santé

    Souvent négligé dans la réflexion, le patrimoine joue un rôle encore plus important dans les inégalités et leur reproduction.

    Les 10 % de Français les plus fortunés possèdent au moins 700.000 euros de patrimoine,

    alors que les 10 % les moins fortunés ne peuvent compter que sur un «matelas » de 4 400 euros maximum.

    Résultats, à eux seuls, ces 10 % les plus riches ont accaparé près de la moitié de l’ensemble du patrimoine disponible, une part qui a progressé de 6 points depuis 2010.

     

    Pourtant, Louis Maurin appelle à cesser de se focaliser sur les seuls hyper-riches.

    « En faisant cela, on fait disparaître ceux qui sont nantis mais se situent en dessous des 10 % les plus aisés.

    Cela alimente une stratégie politique qui consiste à intégrer ces catégories aisées dans la classe moyenne, pour justifier leur dés­investissement de la solidarité nationale », analyse le responsable associatif.

     

    Les différences de classes ne sont pas seulement financières.

    Elles structurent aussi les modes et les parcours de vie.

    « Humidité du logement, bruit, problèmes de chauffage, les conditions matérielles de vie se situent souvent aux antipodes selon les revenus dont on dispose », rappelle utilement le rapport.

    Le niveau d’éducation entre classes sociales reste très inégal : 74 % des cadres ont un bac + 2 contre 10 % des employés et 3 % des ouvriers.

    Le « capital culturel » s’ajoute au capital financier pour influencer la façon de manger, la pratique du sport ou celle du tabac et de l’alcool.

    Avec d’inévitables conséquences sur la santé.

    Ainsi, l’obésité augmente deux fois plus vite chez les ouvriers et les employés que chez les cadres.

     

    Résultat, « les 10 % les plus modestes ont un risque 2,8 fois plus élevé de développer un diabète que les 10 % les plus riches », note le rapport.

    Ainsi, un cadre a 84 ans d’espérance de vie, contre 77,6 ans pour un ouvrier.

    Les pratiques culturelles et de loisirs sont elles aussi inégalement réparties, restant pour l’essentiel l’apanage des catégories aisées.

    Ainsi, la part de personnes n’ayant lu aucun livre – en augmentation globale –, est de 47 % chez les ouvriers, contre 15 % pour les cadres.

     

    Malgré leur centralité, les classes sociales ne sont pas le seul élément structurant des inégalités.

    Elles se combinent et se renforcent avec d’autres facteurs comme le genre, l’origine ethnique ou l’âge.

    « Même cadre, une femme ou une personne d’origine immigrée n’auront pas le même parcours qu’un homme blanc », explique Louis Maurin.

    On le voit avec de nombreux indicateurs, comme le taux de chômage, ou la précarité dans l’emploi, toujours plus élevés pour les femmes, les jeunes ou les immigrés. 


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  • Fonds Marianne :

    l’étau se resserre autour de Marlène Schiappa

     

    Fonds Marianne. 

    Le rapport de l’Inspection générale de l’administration sur les subventions accordées à un projet mené par Mohamed Sifaoui a provoqué la démission du préfet Christian Gravel.

    La ministre, qui aurait joué l’intermédiaire entre ces deux personnes, reste en poste.

     


     
     

    Marlène Schiappa pourra-t-elle longtemps rester ministre ?

    Le rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA), publié mardi soir, accable l’appel à projets «ni transparent ni équitable» mis en place à la demande de la ministre de la Citoyenneté d’alors.

    Il avait pour but, au printemps 2021, d’attribuer les 2,5 millions d’euros du Fonds Marianne, débloqués après l’assassinat de Samuel Paty pour, officiellement, combattre la propagande islamiste en ligne.

    Conséquence directe de ce rapport : le préfet Christian Gravel, qui était chargé de son attribution, a démissionné de ses fonctions à la tête du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.

     

    Au cœur de l’enquête de l’IGA, la subvention de 355 000 euros dont a bénéficié une association, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (l’USEPPM), et un projet mené par Mohamed Sifaoui, ex-journaliste controversé, promoteur d’une vision de la laïcité proche de celle de Manuel Valls, Jean-Michel Blanquer ou encore… Marlène Schiappa.

     

    Sébastien Jallet très flou pendant son audition

    « Le dossier de candidature de l’association a été transmis, pour être initialement financé dans un autre cadre, dix jours avant l’appel à projets», s’étonne l’IGA.

    C’est là que le rôle de la ministre pose question.

    Selon Christian Gravel lui-même, auditionné par la commission d’enquête sénatoriale le 17 mai, il a appris que «cette association allait pouvoir bénéficier du Fonds Marianne après un appel de M. Sifaoui qui me dit sortir d’un rendez-vous (avec) la ministre, qui lui parle du Fonds Marianne, lui faisant comprendre qu’il y avait toute sa place ».

     

    Marlène Schiappa a-t-elle ainsi favorisé Mohamed Sifaoui et promis une subvention – la plus importante attribuée dans ce cadre – avant même que le Fonds Marianne ne soit créé ?

    Son ancien directeur de cabinet, Sébastien Jallet, a assuré au Sénat, mercredi, que « la ministre n’a pas reçu M. Sifaoui à (sa) connaissance ».

    Mais il a reconnu que, de la part de ses collaborateurs, « il y a eu une incitation à envisager un projet associatif pour recevoir un soutien financier ».

     

    Pendant cette audition tendue, l’ancien bras droit de Marlène Schiappa a par ailleurs été très flou sur une réunion du 13 avril 2021, pendant laquelle la demande de subvention de l’USEPPM a été étudiée, et qui n’a fait l’objet d’aucun compte rendu.

     

    « Je vous redis ma surprise, sur un sujet comme celui-ci, de l’absence de traces de cette réunion, a alors insisté le rapporteur de la commission, Jean-François Husson.

    Dans l’exigence de transparence et au vu des annonces autour de ce projet porté sous les feux de l’actualité, ça m’étonne. »

     

    100 000 euros d’abord attribués à SOS Racisme,

    avant d’être retirés

    L’attitude de la ministre, qui a porté dans les médias la création du Fonds Marianne avant de laisser ses équipes se charger de son suivi, interroge également la commission d’enquête.

    « Le cabinet de la ministre suivait de très près, sans s’en mêler…

    La ministre n’y était plus (dans les instances décisionnaires – NDLR) mais on comprend qu’elle y est encore après l’attribution des dotations…», a commenté Jean-François Husson, mercredi.

    Le rapporteur fait ici référence à la dotation de 100 000 euros d’abord attribuée à SOS Racisme, avant d’être retirée par Marlène Schiappa elle-même qui a « arbitré des débats au sein de la commission », selon Sébastien Jallet.

     

    Autre fait troublant pointé à la fois par l’IGA et les sénateurs : comment l’USEPPM et Mohamed Sifaoui ont-ils pu bénéficier d’une enveloppe aussi importante ?

    Ce alors que la structure « n’était pas éligible au bénéfice d’un financement tant du fait de son objet que des manquements dans ses obligations déclaratives », selon le rapport publié le 6 juin.

    L’audition du président de l’USEPPM, Cyril Karunagaran, la semaine dernière, a d’ailleurs confirmé que l’association n’avait jamais, auparavant, travaillé sur les questions de « contre-discours républicain», censé combattre en ligne l’idéologie islamiste.

    Ou encore que son budget annuel de 50 000 euros ne l’a pas empêchée de candidater à une subvention de 1,5 million d’euros sur trois ans, finalement considérablement réduite.

     

    Marlène Schiappa a peu réagi depuis deux mois, se contentant de dénoncer des « calomnies »

    Cyril Karunagaran a avoué à cette occasion que c’est Mohamed Sifaoui qui a d’abord contacté sa structure pour que celle-ci porte son projet de vidéos en ligne, baptisé iLaïc.

    L’association aurait-elle servi de simple véhicule juridique à ce dernier afin de bénéficier de subventions publiques ?

    Voire dans un objectif d’enrichissement personnel ?

    Car, selon les enquêtes de France 2 et de Marianne, à l’origine du scandale, 120 000 euros, un tiers de la subvention, ont servi à rémunérer Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaoui.

     

    Ce dernier recevant des salaires entre 3 280 et 3 500 euros net, parfois à deux ou trois reprises dans le même mois, selon les comptes bancaires de l’association consultés par les journalistes.

    Le reste de la dotation a servi à la production d’une petite centaine de vidéos très peu vues, ou encore à quelques publications sur les réseaux sociaux.

    «L’utilisation faite de la subvention reçue par l’USEPPM n’a pas été conforme aux objectifs fixés», confirme le rapport de l’IGA.

     

    Marlène Schiappa n’a que très peu réagi depuis deux mois sur l’affaire, se contentant de dénoncer des « calomnies » et jugeant « infamant de (l)’accuser de copinage ».

    La semaine prochaine, elle sera auditionnée par la commission d’enquête sénatoriale .

    Elle devra, au minimum, dire si oui ou non elle a incité Mohamed Sifaoui – qui sera également entendu – à demander des subventions, pour des résultats quasi inexistants.

     

    Les questions ne s’arrêteront pas là.

    D’autant que les choix très idéologiques des lauréats du fonds de dotation interrogent aussi les sénateurs.

    Une structure s’est vu refuser des subventions car son « positionnement est explicitement en opposition avec la ligne gouvernementale ».

    Une autre, sans expérience, a fini par produire des vidéos renvoyant dos à dos la gauche et l’extrême droite tout en plaçant Emmanuel Macron dans le « camp de la raison ».

    Ces ­attributions vont rapidement faire l’objet d’un nouveau rapport de l’IGA.

    L’affaire du Fonds Marianne est loin d’être finie.

    Et la démission du préfet Gravel n’en est que la première conséquence.


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  • Ultrariches :

    comment les 378 contribuables les plus fortunés

    ne paient que 2 % d’impôts ?

     

    Quels impôts les milliardaires paient-ils ? Très peu, à en croire une étude de l’Institut des politiques publiques. Le taux d’imposition, progressif jusqu’au 0,1 % des foyers fiscaux les plus riches, régresse ensuite... pour ne représenter qu’une toute petite part des revenus des ultrariches. Décryptage.


     
     
     

    Les ultrariches paient-ils autant d’impôts qu’ils le devraient ?

    La réponse est non, selon une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée le 6 juin.

    Alors que les questions de justice fiscale reviennent régulièrement dans les débats, cette étude démontre que, au lieu de progresser, le taux d’imposition est dégressif à mesure que l’on monte dans l’échelle des plus hauts revenus.

    Pour la première fois, les données de l’impôt sur les revenus sont combinées à celles de l’impôt sur les sociétés

    Ces résultats sont le fruit d’un travail de recherche mené dans le cadre de l’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital enclenchée en 2017. Pour la première fois, les données de l’impôt sur les revenus sont combinées à celles de l’impôt sur les sociétés, pour mesurer un « taux d’imposition global » (1) pour ces ménages.

     

    Ultrariches : comment les 378 contribuables les plus fortunés ne paient que 2 % d’impôts ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jusqu’au 0,1 % des plus grandes fortunes françaises (autour de 600 000 euros de revenu économique annuel), le taux d’imposition est progressif puis régresse fortement, « jusqu’à ne représenter plus que 2 % du revenu économique parmi les 378 ménages les plus aisés ». 

     

    Cette dégressivité s’explique par une substitution du type de revenu : les foyers fiscaux les plus aisés contrôlent plus souvent des sociétés et ont une fortune issue non plus des revenus assujettis à l’impôt sur les revenus, mais des bénéfices des sociétés qu’ils détiennent.

     

    L’impôt sur les socétés, quasiment le seul impôt acquitté pour ces ménages

    L’impôt sur les sociétés devient donc quasiment le seul impôt acquitté pour ces ménages.

    Or, il n’a pas de principe de progressivité, contrairement à celui sur les revenus.

    Le taux global d’imposition chute ainsi de 45 % pour les 0,1 % les plus riches à 26 % pour les milliardaires.

     

    Pire, ces données sont celles de l’année 2016, seule année pour laquelle elles sont disponibles pour le moment.

    Elles ne prennent pas en compte la baisse de l’impôt sur les sociétés passée de 33,3 % à 25 % à partir de 2022.

    Ces taux actualisés pourraient donc s’avérer encore plus bas depuis les réformes fiscales engagées par Emmanuel Macron depuis 2017.

     

    Or, les dispositifs législatifs centrés sur les bénéfices des sociétés sont devenus « de plus en plus faibles », souligne Laurent Bach, l’un des auteurs de l’étude.

    De forts abattements fiscaux sur les plus-values peuvent être mobilisés au moment de la vente des parts des sociétés.

    Quant à l’« exit tax », qui permet de soumettre à l’impôt sur le revenu les bénéfices non distribués accumulés en cas de départ à l’étranger, elle n’a concerné que très peu de personnes.

     

     

    « Le taux d’imposition sur les sociétés était, comme l’impôt sur les revenus, autour de 50 %, avant une baisse généralisée observée à l’échelle européenne »

    Enfin, l’impôt sur la donation de parts a aussi très fortement diminué ces trente dernières années.

    « Cela n’a pas toujours été le cas, le taux d’imposition sur les sociétés était, comme l’impôt sur les revenus, autour de 50 %, avant une baisse généralisée observée à l’échelle européenne il y a une quarantaine d’années pour éviter des effets de concurrence entre pays voisins», souligne Laurent Bach.

    C’est du côté des États-Unis qu’un contre-modèle est avancé : le pays parvient à mieux intégrer les résultats des sociétés dans les feuilles d’impôt des grandes fortunes.

    Ceci en raison d’une taxe spécifique sur les holdings, qui obligent les actionnaires soit à se verser directement les dividendes (et à les déclarer parmi leurs revenus imposables), soit, à ne pas les distribuer.

    En Europe, une directive européenne rend au contraire difficile la taxation des holdings.

     

    Ce que les auteurs de l’étude préconisent, c’est une véritable transparence fiscale des résultats des sociétés.

    « C’est un système déjà en place pour un certain nombre de sociétés en France : les sociétés dites de “personnes” (SCI, SNC, SARL de famille, etc.) voient leurs revenus remonter aux feuilles d’impôt, indique Laurent Bach. Cette transparence fiscale pourrait être généralisée aux autres types de sociétés. »

     

    Si les revenus agrégés de ces groupes se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards, l’IPP évite tout chiffrage précis sur ce qui pourrait être absorbé par l’État français en cas de changement de mode de calcul des taux d’imposition.

    « La baisse de l’impôt sur les sociétés, de 33,3 % à 25 % va faire baisser le taux effectif payé par les grandes fortunes, mais aura aussi probablement des effets d’assiette avec des profils localisés à l’étranger qui peuvent revenir en France, explique Antoine Bozio, directeur de l’IPP.

    La question est : que se passerait-il si l’on doublait leur taux d’imposition effectif ? On n’a aucune idée de la réponse potentielle de ces groupes à de telles réformes. »

     

    (1) Ce « revenu économique » comprend le revenu fiscal, les cotisations sociales non contributives (maladie, etc.), et les profits non distribués des sociétés, au prorata de leur part de détention.

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  • Milliardaires :

    à partir d'une certaine fortune,

    l'impôt diminue,

    selon une étude

    Les chercheurs de de l'Institut des politiques publiques (IPP) expliquent ce résultat grâce aux holdings familiales. Les actions ou les dividendes de ces ultrariches français restent souvent dans ces structures et ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu.
     

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  • Retraites.

    Sophie Binet (CGT) :

    « Cette réforme ne doit pas s'appliquer »

     

    • L’intersyndicale appelle ce mardi à une 14e journée de mobilisation, deux jours avant la proposition d’abrogation à l’Assemblée.
    • Pour Sophie Binet, cette lutte restera au cœur du mouvement social.
    • Que va devenir l'intersyndicale ? Comment continuer le combat contre la réforme des retraites ? Entretien.

     

    L'Humanité du 6 juin 2023

    Sophie Binet (CGT) : « Cette réforme ne doit pas s'appliquer »

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Publié le Lundi 5 juin 2023 Naïm Sakhi - L'Humanité >>>>>

     

    « Il est probable qu’après le 8 juin

    nous entrions dans une nouvelle phase »,

    nous explique la secrétaire générale de la CGT.

     

     

     

     

    À l’heure où l’exécutif fait tout pour assurer que la réforme des retraites est une page tournée – publication des décrets d’application le week-end dernier, obstruction à la proposition de loi Liot visant à supprimer l’âge de départ à 64 ans –, les syndicats remontent au front. Ils appellent ce mardi 6 juin à une nouvelle journée de mobilisation. Et voient plus loin, comme nous l’explique Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.

     

     

    Le retrait de la réforme est-il encore envisageable ?

    Il le sera toujours. D’une façon ou d’une autre, notre objectif est que cette réforme ne s’applique pas. Et si tel était malheureusement le cas, nous chercherons à l’abroger le plus rapidement possible. Cette réforme est violente et économiquement injustifiée. Il existe d’autres sources de financement que d’augmenter la durée du temps de travail.

    Auprès des travailleurs, cette réforme ne passe toujours pas. Nous ne pouvons pas tourner la page. Pour le gouvernement, le décalage de deux ans de l’âge de départ est symbolique. Mais, pour nous, c’est du concret : nos vies vont directement être impactées.

     

    Comment comptez-vous agir sur les décrets d’application, alors que deux d’entre eux, dont celui portant sur le décalage progressif de l’âge légal de 62 à 64 ans, ont été publiés ce dimanche au Journal officiel ?

    Nous allons user de l’ensemble des leviers juridiques à notre disposition. Deux décrets ont été publiés à la hussarde, à la veille de la journée d’action du 6 pour tenter de démobiliser, mais il en manque encore 29. L’application au 1er septembre se fera dans des conditions désastreuses, c’est irresponsable : les salariés ne peuvent pas préparer leur départ et reconstituer leur carrière de façon sereine ; les agents des caisses de retraite travaillent dans des conditions désastreuses et nous disent qu’il risque d’y avoir de nombreuses erreurs de calcul.

    Le 8 juin, les députés doivent pouvoir se prononcer sur la proposition de loi d’abrogation transpartisane. Il est de la responsabilité de Yaël Braun-Pivet de garantir le respect du droit des parlementaires. Le respect du Parlement, avec le serment du Jeu de paume, est un événement fondateur de la Révolution française. La Macronie est en train de fouler aux pieds les chambres parlementaires.

    Les Macronistes ont vidé de sa substance, en commission, la proposition de loi d’abrogation du groupe Liot. Le vote de l’abrogation dans l’Hémicycle pourrait être empêché par l’article 40. Qu’est-ce que cela révèle de l’état de notre démocratie ?

    Les passages en force, depuis janvier, sont d’une violence inédite. Dès qu’une porte de sortie de conflit apparaît, l’exécutif et Emmanuel Macron en particulier nous la claquent à la figure.

     

    Approfondissant un peu plus la crise sociale, démocratique et désormais institutionnelle. Pendant ce temps, l’extrême droite prospère sur ces passages en force. Les manœuvres macronistes viennent nourrir l’antiparlementarisme et l’idée selon laquelle les députés sont inutiles.

    Après le 8 juin, la CGT compte-t-elle continuer le combat contre la réforme des retraites ? Sous quelles formes ?

    La semaine prochaine, l’intersyndicale échangera sur l’avenir de cette mobilisation. Nous continuerons à rester unis. Une mobilisation sociale connaît nécessairement différentes phases. Il est probable qu’après le 8 juin nous entrions dans une nouvelle phase.

     

    Sur les retraites, nous n’accepterons jamais la réforme, mais les suites dépendent de la mobilisation de ce mardi. C’est une 14e journée interprofessionnelle, après six longs mois de lutte. Une telle longévité est inédite. Certains en sont à 40 journées de grève. La fatigue est présente et le gouvernement s’en sert.

    L’intersyndicale a élargi ses revendications, notamment sur l’augmentation des salaires, l’égalité femmes-hommes et la représentativité des élus du personnel. Pensez-vous aboutir à une plateforme revendicative ?

    En réalité, ces annonces sont la première étape de cette plateforme. C’est un premier agenda social intersyndical, qui sera complété par la suite. L’intersyndicale a constitué des groupes de travail, notamment sur les ordonnances Macron et l’assurance-chômage. La CGT espère aussi avancer sur le dossier de la démocratie sociale.

     

    Les organisations syndicales vont-elles continuer à parler d’une même voix, quitte à masquer leurs désaccords ?

    Nous allons changer de forme. L’intersyndicale ne sera pas permanente. Ce rassemblement s’est construit sur la base du respect de nos différences, en partant du principe que ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise. Cette méthode va perdurer.

    Ces six mois de luttes communes, précédés de six mois de travail dans l’ombre, vont laisser des acquis profonds »

    Ponctuellement, sur un maximum de sujets, nous échangerons et, si c’est possible, nous pourrons aboutir à des approches communes. Il n’est pas question de masquer nos désaccords. Ces six mois de luttes communes, précédés de six mois de travail dans l’ombre, vont laisser des acquis profonds, nous permettant une meilleure coordination.

    Avant cette mobilisation sur les retraites, le dialogue était totalement rompu entre les centrales, et singulièrement entre la CGT et la CFDT. À vous entendre, cette séquence est révolue ?

    Oui, et c’est une très bonne chose. La CGT porte dans son ADN l’unité syndicale, car elle est déterminante dans un rapport de force. Nous l’avons vu dans la capacité à mobiliser ces derniers mois. Cette unité nous évite de discuter sur la base d’une feuille de route imposée par le gouvernement ou le patronat.

    Cela nous permet de renverser la table et d’imposer que la négociation se fasse sur la base des propositions intersyndicales. D’ailleurs, je note que le gouvernement et le patronat mettent toute leur énergie à casser l’intersyndicale.

    Ce rassemblement les empêche de faire leur marché entre les organisations et d’obtenir, à moindres frais, des accords. Notre unité permet d’augmenter le niveau d’exigence. La CGT réclame l’ouverture de négociations tripartites.

    Matignon a tenu des rencontres avec les syndicats et le patronat. L’exécutif semble vouloir avancer sur un agenda, avec notamment la conditionnalité du RSA et une lettre de cadrage sur la gouvernance de l’assurance-chômage. La CGT va-t-elle s’inscrire dans ce cadre de discussion ?

    En réalité, nous ne connaissons pas concrètement cet agenda. Nous n’avons pas eu de retour à la suite de ce cycle de rencontres bilatérales. Il est lunaire de découvrir dans la presse qu’Olivier Dussopt lance huit chantiers, alors que le gouvernement assurait vouloir reprendre le dialogue avec les organisations syndicales. On se moque de nous.

    La CGT ne s’inscrira pas dans un agenda social régressif. Nous n’irons pas discuter de la conditionnalité du RSA. Le dialogue doit se faire sur les besoins des travailleuses et des travailleurs, repris par les propositions de l’intersyndicale : les salaires, la conditionnalité des aides publiques, les conditions de travail, la démocratie sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes, les questions environnementales.

     

    Des discussions entre syndicats et patronat débouchent sur des accords nationaux interprofessionnels. La CGT n’a pas signé celui sur le partage de la valeur, mais vient de signer celui sur la branche de la Sécu accidents du travail-arrêts maladie. Ce genre de négociation sans le gouvernement est-il une stratégie à suivre ?

    Depuis que le syndicalisme existe, nous négocions avec le patronat. Nous signons l’accord sur les accidents du travail parce que c’est une question clé. Avec 2 500 accidents par jour, la France détient le record d’Europe.

     

    Sur le partage de la valeur, le sujet central est celui des salaires, qui n’est pas abordé dans cet accord. Ce dernier contient des contrevérités, allant nier la déformation dans le partage des richesses au détriment du travail. Nous appelons d’ailleurs à des discussions dans l’ensemble des entreprises pour augmenter les salaires.

    Le combat victorieux des Vertbaudet a remis dans l’actualité les luttes sociales pour les salaires. Dans les semaines à venir, quelles formes peuvent prendre les actions revendicatives ?

    Les luttes pour les salaires et la sauvegarde de l’industrie se multiplient. La magnifique victoire des ouvrières de Vertbaudet envoie un message à toutes les travailleuses : le meilleur moyen de gagner la revalorisation des métiers féminisés, c’est de se syndiquer et d’agir collectivement !

     

    De même, après cinq années de lutte pour l’avenir de la centrale de Gardanne, nous avons enfin reçu une réponse positive du gouvernement qui permet d’envisager un avenir pour le site. Ces victoires donnent confiance dans l’action syndicale et vont faire tache d’huile. À l’automne, nous avons la perspective d’une journée de mobilisation avec une manifestation européenne contre l’austérité, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats.

    C’est un moyen de peser sur la Commission européenne afin que les règles budgétaires soient assouplies. C’est notamment à cause d’elles que des contre-réformes régressives sont imposées dans les pays membres. Cette journée de mobilisation doit aussi nous permettre de peser, au niveau national, sur les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale qui seront débattus à l’automne.


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  • Dix ans après la mort de Clément Méric,

    la menace fasciste plane

     

    VIOLENCES Depuis le meurtre du militant antifasciste par des activistes d’extrême droite, les attaques et menaces de groupuscules se sont multipliées, particulièrement depuis deux ans. Avec de nouveaux exemples ces derniers jours.


     
    Le 4 juin 2023, à Paris, 5000 personnes ont rendu hommage à Clément Méric, tué le 5 juin 2013.
     

    Une forêt de mains levées, frappant au rythme de slogans

    comme « Le fascisme, c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève ».

    À Paris, ce dimanche, environ 5 000 militants antifascistes, des membres de Solidaires, du NPA et d’Act Up ont rendu hommage à Clément Méric, tué il y a dix ans.

    Le 5 juin 2013, ce jeune membre du groupe Action antifasciste Paris-banlieue est attaqué avec plusieurs de ses camarades par des militants du groupuscule d’extrême droite Troisième Voie.

    Après huit années de procédure et deux procès, deux des protagonistes, Samuel Dufour et Esteban Morillo ont été condamnés à cinq et huit ans de prison.

     

    À l’époque des faits, trois groupuscules d’extrême droite sont dissous – dont certains ont repris depuis leurs activités sous d’autres noms – et une très grande majorité des responsables politiques s’émeuvent de ce drame.

    À l’exception de Marine Le Pen, qui demande la dissolution du groupe antifasciste auquel appartenait Clément Méric…

    « Aujourd’hui, l’antifascisme est mis sur le même plan que l’extrême droite par le gouvernement, alors que les fascistes gagnent du terrain partout, s’inquiète Manon, bandeau Solidaires autour du front.

    À travers notre hommage à Clément, nous voulons surtout poursuivre ses luttes, antiraciste, antihomophobe, antispéciste. »

    « Nous manifestons aussi pour rétablir une vérité : ce sont les fascistes qui tuent, explique Sabrina, 42 ans. C’est encore plus vrai qu’il y a dix ans, tous les mois et plus seulement à Paris, ils attaquent les racisés, les musulmans, les LGBTQI+, les militants politiques… »

     

    Le silence du gouvernement

    En mars 2022, l’ancien rugbyman Federico Martin Aramburu est tué en pleine rue par Loïk Le Priol et Romain Bouvier, deux militants du GUD.

    Le 23 décembre, William Malet, récidiviste aux motivations racistes, a tué trois personnes en attaquant le centre culturel kurde de la rue d’Enghien à Paris.

    L’incendie de la maison du maire de Saint-Brevin (Loire-Atlantique), Yannick Morez, provoquant sa démission le mois dernier, s’inscrit aussi dans cette multiplication des violences d’extrême droite.

    Encore ce week-end, le maire de Montjoi (Tarn-et-Garonne) a été placé sous protection de la gendarmerie car des militants fascistes «appellent à (l)’attraper, à (le) passer à tabac et au viol », explique Christian Eurgal à la Dépêche.

    Des intimidations qui font suite à la vidéo, coproduite avec Valeurs actuelles, du youtubeur de la fachosphère Papacito, se filmant avec trois hommes cagoulés et armés, en train de menacer le maire, accusé d’avoir lésé un éleveur dans une affaire qui l’oppose à un voisin britannique.

    Jeudi 1er juin, à Aix-en-Provence, une vingtaine de militants du groupuscule Tenesoun et de l’Action française ont attaqué le cortège d’une manifestation, faisant plusieurs blessés.

    Le même jour, un catholique intégriste a été arrêté après l’attentat à l’explosif d’un centre LGBT à Tours le 22 mai.

     

    Dans tous ces cas, le silence du gouvernement, incapable de désigner «l’extrême droite », comme après la démission de Yannick Morez, est glaçant.

    Pourtant, une source des services de renseignement nous confirme que, partout en Europe, la menace terroriste que représentent les fascistes suscite autant, voire davantage de vigilance que le risque de nouveaux attentats islamistes.

    Et particulièrement en France.

    Selon Europol, près de la moitié des arrestations liées au risque terroriste « d’ultradroite » ont eu lieu en France en 2021 : 29, alors que ce chiffre ne dépassait pas la dizaine les vingt années précédentes.


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  • Vertbaudet :

    victoire pour les grévistes,

    la fin d’une lutte sociale exemplaire

     

    Les 72 salariées de Verbaudet soutenues par la CGT, en grève pour leurs salaires, ont signé un protocole avec la direction, avec une augmentation de salaire à la clé.

     


    Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, en soutien aux grévistes de Vertbaudet devant le siège du groupe le 23 mai dernier.
     

     « Victoire », clame ce vendredi soir la CGT.

    Les 72 salariées de l’entrepôt logistique de Vertbaudet, à Marquette-lez-Lille (Nord), annoncent la fin de leur grève débuté le 20 mars dernier. 

    « Le conflit est terminé, le travail reprend », a déclaré à l’AFP Amar Lagha, secrétaire général de la CGT commerce et services.

    Se félicitant d’une « victoire sans précédent », le cégétiste a confirmé les informations donné un peu plus tôt par la direction du groupe de puériculture.

    L’accord signé avec la CGT de l’entreprise, « comprend la levée du piquet de grève » à minuit « et le retour au travail des 72 grévistes » mardi, explique la direction, après un lundi consacré à « une journée d’apaisement et de discussion lundi », confirme Samuel Meegens, de l’Union locale CGT de Tourcoing.

     

    De 4 à 7% d'augmentation

    « Aucune sanction ne sera prise contre les grévistes, alors que certains avaient été convoqués pour des entretiens préliminaires à licenciement, et le versement aux grévistes du treizième mois sans déduction des jours de grève », a spécifié le représentant CGT.

     

    La direction avait ouvert la voie à une fin de conflit en débutant entre le 26 mai et le 1er juin des négociations anticipées sur les salaires pour 2024.

    Celles-ci se sont conclues sur un projet d’accord prévoyant  « une refonte » de la grille salariale, l’une des grandes revendications des grévistes.

    L’accord débouchera ainsi sur « une revalorisation à hauteur d’au moins 1.860 euros brut par mois sur 13 mois (soit +7%) pour tous les employés ayant 12 ans d’ancienneté » et une « revalorisation du salaire minimum à hauteur de 1.810 euros brut par mois sur 13 mois (soit +4%) pour tous les salariés dès le 1er juillet 2023 », explique la CGT.

    Les représentants du personnels FO et CFTC, majoritaires au sein de Vertbaudet, qui n’ont pas soutenu la grève, s’engagent à signer cet accord.

    Ce conflit social mené par des salariées sûres de la légitimité de leur revendication de 150 euros nets supplémentaires par mois, a pris une dimension nationale lorsque la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, est venue les soutenir mi-avril, appelant au boycott de la marque si la direction ne mettait pas fin à ses méthodes pour briser la grève (recours à des intérimaires, appel aux forces de police pour mettre fin au piquet de grève).

    La manifestation organisée devant le siège parisien de l’actionnaire principal de Vertbaudet, a fini de faire connaître ce mouvement social exemplaire.


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  • Centenaire du Secours rouge,

    la solidarité comme arme internationaliste

     

    Il y a cent ans, était fondé en France, une organisation communiste de défense des prisonniers politiques, engagé dans le combat anticolonialiste.

    Il est l’ancêtre du Secours populaire français.

     

    Dans son édition du 5 mai 1923,

    l’Humanité annonçait la naissance d’une nouvelle organisation

    au sein du mouvement ouvrier, le Secours rouge.

    Impulsé par le Parti communiste et la CGTU (scission communiste de la CGT), il résulte de la fusion de plusieurs petits comités spécialisés dans l’accueil des révolutionnaires étrangers en exil et des victimes du fascisme italien.

    Il est la branche française du Secours rouge international (SRI), fondé quelques mois plus tôt par l’Internationale communiste (ou Komintern) dans un contexte de reflux de la poussée révolutionnaire qui avait ébranlé le Vieux Continent à la sortie de la Première Guerre mondiale.

    Alors que s’établissent dans toute l’Europe des régimes anticommunistes et autoritaires, la constitution d’un organisme transnational de secours aux victimes de la « terreur blanche » s’est imposée comme une nécessité pour assurer la survie des organisations ouvrières.

     

     

    Un appui moral et matériel aux détenus

    Le Secours rouge, dirigé notamment par d’anciens prisonniers emblématiques comme André Marty, a marqué de son empreinte la société française de l’entre-deux-guerres par les nombreuses campagnes qu’il a organisées en faveur des militants politiques ou syndicaux frappés par la répression.

    Répondant aux offensives judiciaires menées à l’encontre du PCF, son action de solidarité embrasse une grande variété de profils : animateurs des luttes sociales, antimilitaristes et anticoloniales traînés devant les tribunaux, manifestants interpellés, soldats et marins poursuivis pour mutinerie, antifascistes inculpés à la suite de confrontations de rue avec l’extrême droite, travailleurs immigrés ou réfugiés politiques menacés d’expulsion…

    Le SRI leur fournit une aide juridique, mettant à disposition ses avocats et prenant à sa charge les frais de justice.

    Il apporte aussi un appui moral et matériel aux détenus, s’occupe de leur famille et de leurs enfants, veille au respect du régime politique de détention et mène campagne pour l’amnistie.

     

    Engagé contre l’exécution de Sacco et Vanzetti

    Dès sa fondation, le SRI a inscrit la solidarité internationale au cœur de son activité, défendant le droit d’asile et organisant l’accueil des exilés révolutionnaires italiens, hongrois, polonais, puis des antifascistes allemands et espagnols dans les années 1930.

    Il multiplie dans le même temps les mobilisations contre la « terreur blanche » en Europe centrale et dans les Balkans, en envoyant des avocats sur place et en sollicitant le concours d’intellectuels pour interpeller l’opinion publique mondiale.

    À l’été 1927, la campagne engagée contre l’exécution aux États-Unis des deux anarchistes italiens Sacco et Vanzetti propulse le Secours rouge sur le devant de la scène médiatique.

    Quelques années plus tard, après l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne, le SRI mobilise ses réseaux pour organiser l’évacuation de centaines de réfugiés politiques.

     

    Intervention en Indochine et sur le continent africain pour défendre les militants indépendantistes

    Dans les colonies, où toute remise en cause de la domination française est immédiatement étouffée et durement réprimée, le Secours rouge devient l’un des principaux agents de l’activité anticoloniale du Komintern.

    Par l’intermédiaire des avocats dépêchés sur place et des marins qui assurent les liaisons depuis la métropole vers les grands ports coloniaux, le SRI intervient en Indochine et sur le continent africain pour défendre les militants indépendantistes et révolutionnaires.

    Il participe aussi à la construction de mouvements légaux pour mener la lutte, comme à Madagascar où la formation d’une section du SRI a précédé celle du Parti communiste.

     

    Alors que le PCF engage, en 1934, un tournant unitaire majeur pour contrer le danger fasciste, le Secours rouge s’inscrit dans la dynamique de rassemblement des forces de gauche et antifascistes.

    Il s’attelle à traduire dans le domaine de la solidarité le nouveau mot d’ordre de « front populaire », adopté par les communistes afin de fédérer de plus larges couches de la population.

    En pleine croissance – passant de 32 000 adhérents en 1932 à 180 000 en 1938 –, la section française du SRI change de nom et devient, en 1936, le Secours populaire de France, affirmant ainsi son ancrage national et son inscription dans une culture républicaine.

     

    Interdit en 1939, 

    le Secours populaire se reforme clandestinement sous l’Occupation

    Au moment où Paris s’impose comme capitale européenne de la solidarité antifasciste internationale, le Secours populaire élargit son champ d’intervention.

    Il développe des pratiques de type humanitaire lors de la guerre d’Espagne, tout en ouvrant ses portes aux victimes d’injustices sociales et de calamités naturelles.

    Le Secours populaire fait alors sienne la maxime « Tout ce qui est humain est nôtre », bientôt érigée en devise de l’association.

     

    Interdit en septembre 1939, en même temps que le PCF, le Secours populaire se reforme clandestinement sous l’Occupation.

    Il faudra attendre la fin de la guerre pour assister à sa renaissance au grand jour, avec la fondation en novembre 1945 du Secours populaire français, résultat de sa fusion avec l’Association nationale des victimes du nazisme.

     

    Corentin Lahu

    Historien


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  • « Nous sommes dans une espèce de démocrature »,

    dénonce André Chassaigne, député PCF

     

    Après le torpillage de l’abrogation de la retraite à 64 ans, le président du groupe GDR, André Chassaigne, s’alarme de la « dérive antidémocratique » du pouvoir.

    Entretien. 


     
    Lors de la commission des Affaires sociales, quatre journalistes ont été menacés d’être évacués par « la force ».
     

    De mémoire de député, élu depuis plus de vingt ans, c’est inédit.

    Le communiste André Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocratique et républicaine (GDR), n’avait jamais observé de telles manœuvres.

    Selon lui, la Macronie, depuis qu’elle n’a plus de majorité absolue à l’Assemblée, s’engouffre dans une « dérive antidémocratique extrêmement grave ».

    Une étape supplémentaire a été franchie, mercredi 31 mai, lors de l’examen, en commission des Affaires sociales, de la proposition de loi Liot visant à abroger la retraite à 64 ans.

    Les parlementaires des groupes macronistes, soutenus par LR, ont tout manipulé pour éviter de perdre, allant même jusqu’à balayer l’ensemble des amendements de la gauche sans fondement juridique solide.

    Une nouvelle attaque en règle des droits de l’opposition par Emmanuel Macron et ses amis, qui s’apprêtent désormais à détourner la Constitution pour déclarer budgétairement « irrecevable » l’abrogation.

     

    Comment analysez-vous les combines macronistes lors de l’examen de la proposition de loi Liot ?

     

    Cela s’inscrit dans la continuité du précédent épisode de la motion référendaire, où ils avaient déjà détourné le règlement avec une volonté politique de la présidente de l’Assemblée de propulser le RN en première ligne.

    Cette fois, une présidente de commission décide d’elle-même de ne pas examiner les amendements.

    C’est anticonstitutionnel. Nous sommes face à un pouvoir de plus en plus autocratique, dans une espèce de démocrature, selon le terme de Pierre Rosanvallon, où la séparation des pouvoirs est écrabouillée et le pouvoir législatif remis en cause, en tordant la Constitution.

     

    Quel précédent cela crée-t-il ?

    C’est d’autant plus grave qu’on ouvre ainsi la porte à une jurisprudence qui pourra demain être utilisée par l’extrême droite, si elle arrive au pouvoir, pour museler le Parlement.

    Comme pour la Constitution, le fonctionnement de l’Assemblée nationale est régi par une part de jurisprudence. Il y a la lettre et l’usage. Ce qui permettait d’instiller une dose d’expression de l’opposition est en train de disparaître. Tout abus est accepté, car il n’existe pas d’institution capable de contrer cela.

     

    Dans quel contexte cela s’inscrit-il ?

    Nous sommes dans une mécanique de broyage de la démocratie parlementaire. Il y a d’abord eu l’utilisation combinée des différents articles les plus régressifs de la Constitution (49.3, 47.1…) pendant l’examen de la réforme des retraites. Ils avaient déjà porté un coup inimaginable au Parlement.

    Maintenant, ils vont dévoyer l’article 40, dont l’utilisation coutumière est circonscrite aux amendements sur un projet de loi. Et ce, alors que la proposition de loi a déjà été jugée recevable par le bureau de l’Assemblée. Ils font en sorte qu’il n’y ait plus d’initiative parlementaire, car l’immense majorité des propositions de loi nécessitent un financement, et sont donc « gagées » sur le prix du tabac.

    En termes de hiérarchie des normes, cela ne peut être contesté. Les deux propositions de loi que j’ai fait passer sur les retraites agricoles avaient un coût, et n’ont pas été déclarées irrecevables. Ils utilisent tous les leviers possibles pour que le Parlement ne puisse pas s’exprimer majoritairement sur une disposition législative.

     

    À gauche, des voix s’élèvent pour déposer une nouvelle motion de censure si Yaël Braun-Pivet active l’article 40. Y êtes-vous favorable ?

    Ce sera une décision du groupe, mais on ne peut pas rester l’arme au pied. Nous devons utiliser tous les outils possibles pour mettre en cause le pouvoir en place.

    Parmi ces instruments de riposte, il y a la motion de censure. Mais pas seulement. Cela doit donner lieu à une réflexion collective dans le groupe, dans la Nupes mais aussi en lien avec l’intersyndicale.

     

    Lors de la commission des Affaires sociales, quatre journalistes, dont un reporter de l’Humanité, ont été menacés par un agent de l’Assemblée d’être évacués « par la force » de la salle pourtant ouverte à la presse. De quoi est-ce le signe ?

    Ils veulent que les choses se passent en vase clos. Toute médiatisation de leurs actes de force contredit leur stratégie d’atténuation. Nous sommes dans une dérive antidémocratique extrêmement grave.

     

    Certains déclarent que la bataille des retraites est terminée. Que dites-vous aux acteurs du mouvement social ?

    On ne lancera pas, seuls, des initiatives, mais dans une démarche unitaire, avec l’intersyndicale. Si nous lançons une pétition citoyenne, cela doit se faire en bonne intelligence.

    Aux millions de Français opposés à la réforme des retraites, nous disons que la bataille n’est pas finie. La violence de la pratique du pouvoir par la majorité relative en est le révélateur. C’est aussi devenu une lutte démocratique et on ne lâchera rien.


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  • Retraites. La Macronie torpille le texte du groupe Liot

     

    La commission des Affaires sociales a appliqué le plan de l’exécutif à la lettre en supprimant l’article revenant sur l’âge de départ à 64 ans.

    La gauche a fini par quitter la salle, excédée par cette manœuvre visant à empêcher un vote le 8 juin dans l’Hémicycle.

     


     
     

    Le coup de force est bien permanent.

    La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a supprimé mercredi 31 mai l’article 1er de la loi Liot abrogeant le recul de l’âge de départ légal à la retraite à 64 ans.

    Après plusieurs heures de débats houleux, la Macronie a donc de nouveau tordu la procédure parlementaire dans le but d’empêcher un vote à haut risque pour elle le 8 juin, notamment en faisant tomber d’autorité les amendements de gauche.

    L’atmosphère s’est révélée électrique dès le début de la journée.

    Réunis dans une salle trop petite, tous les députés présents ne peuvent pas s’asseoir.

    La gauche proteste contre ces conditions jugées « déplorables».

     

    La menace d’un usage « de la force » contre les journalistes

    Les journalistes sont priés de quitter la salle pour faire place.

    Ils protestent et se voient opposer la menace d’un usage « de la force»

    La présidente de la commission, la macroniste Fadila Khattabi, s’attaque dès le début de la séance à la décision d’Éric Coquerel, président de la commission des Finances, qui a jugé recevable la proposition de loi du groupe Liot la veille.

    Pour assurer les arrières, le groupe LR échange deux de ses députés au sein de la commission afin de garantir un vote conforme aux vœux d’Éric Ciotti.

    L’objectif est de faire tomber l’article 1er, ­

    visiblement coûte que coûte…

     

    « Je voudrais me féliciter qu’on puisse examiner ce texte et je me félicite de la décision du président Coquerel », déclare, une fois la séance ouverte, le communiste Pierre Dharréville.

    La gauche et le groupe Liot entament alors une bataille de plusieurs heures pour empêcher la droite et Renaissance d’accomplir un nouveau coup de force.

    Le rapporteur de la proposition de loi, Charles de Courson, qualifie sa démarche de « chance pour l’Assemblée nationale de retrouver la confiance de nos concitoyens ».

    Il invite les députés à « sortir de la crise politique et sociale provoquée par l’utilisation de l’article 49.3 » sur la ­réforme des retraites.

     

    Un ton autoritaire à l'égard des parlementaires de l'opposition

    En face, la droite se lâche sur le député Liot.

    Le LR Alexandre Vincendet le qualifie de « Che Guevara de la Marne ».

    Le macroniste Sylvain Maillard ajoute :

    « C’est un coup politique, une arnaque. Tout le monde sait que cette proposition de loi ne sera jamais votée au Sénat, tout le monde sait qu’elle est inconstitutionnelle. »

     

    Alors que tout est mis en œuvre de la part de la présidente de la commission pour torpiller le projet de loi, celle-ci ironise à l’attention des députés de la Nupes qui demandent la parole : « J’espère que vous n’êtes pas en train de faire de l’obstruction. »

    Tout au long de cette journée, elle adoptera un ton autoritaire à l’égard des parlementaires de l’opposition.

     

    Est-ce que vous mesurez le mal que vous faites au pays et à la démocratie ?  

    Vous faites sécession d’un pays qui vous dit non »

    François Ruffin, député FI

     

    La gauche tente de sauver l’article 1er du projet de loi.

    « Est-ce que vous mesurez le mal que vous faites au pays et à la démocratie ? » interroge l’insoumis François Ruffin.

    « Vous faites sécession d’un pays qui vous dit non », accuse-t-il.

    « Une force républicaine ne refuse pas le débat », lance le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, en dénonçant les manœuvres de la Macronie pour éviter un vote le 8 juin (via la suppression de l’article 1er en commission puis l’usage de l’article 40 dans l’Hémicycle afin d’empêcher qu’il ne soit représenté par voie d’amendement).

    Les prises de parole de la gauche se multiplient pour empêcher la commission de faire tomber l’article 1er, alors que le rapport de force est ici favorable à la Macronie et à la droite.

     

    Le temps de parole des députés limité à une minute

    Pour gagner du temps et aller à un vote qui est acquis, Fadila Khattabi s’attaque au temps de parole des députés, le limitant à une minute.

    La tension monte encore d’un cran.

    Mathilde Panot, présidente du groupe FI, accuse les macronistes de «dérive mafieuse ».

    En milieu de journée, alors que la présidente de la commission n’accepte plus de nouvelles prises de parole de la Nupes, la suppression de l’article 1er est votée par 38 députés contre 34.

    À la reprise de la séance, Fadila Khattabi serre encore la vis pour l’examen des deux autres articles de la proposition de loi.

    À nouveau, un article du règlement, le 41, est invoqué pour rejeter tous les amendements déposés par la gauche.

     

    C’est un droit constitutionnel

    qui appartient à chaque député de pouvoir amender. »

    Charles de Courson, député Liot

     

    La présidente de la commission qualifie leur travail parlementaire de «pléthore d’amendements en veux-tu en voilà »

    Assis à côté d’elle, Charles de Courson conserve son flegme et avertit la présidente :

    « C’est un droit constitutionnel qui appartient à chaque député de pouvoir amender. »

    « Attention madame la présidente, ajoute le député Liot, de quel droit vous décidez à un moment de dire “je balaie tout ça” ?

    On n’est plus dans le respect des institutions. »

     

    Peu importe, la députée macroniste va au bout de sa mission pour torpiller la proposition de loi.

    Une réunion du bureau et un soutien en ce sens de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, lui permettent d’avancer à marche forcée.

     

    Le communiste Pierre Dharréville est le premier à annoncer son départ de la réunion

    En face, la Nupes finit par jeter l’éponge.

    Le communiste Pierre Dharréville est le premier à annoncer son départ de la réunion.

    Tous les autres groupes lui emboîtent le pas en dénonçant une mise en cause historique de leurs droits de parlementaires.

     

    Désormais sans adversaires, la Macronie expédie la suite : les articles 2 et 3 de la proposition de loi sont votés dans la foulée, réduisant le texte à la seule conférence sur le financement des retraites.

    Le parcours n’est pas terminé pour autant.

    Le 8 juin, c’est cette version expurgée de son article emblématique qui arrivera dans l’Hémicycle.

     

    À l’issue de la commission des Affaires sociales, Charles de Courson a annoncé qu’il déposerait ce jour-là un nouvel amendement ramenant l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans.

    C’est là que Yaël Braun-Pivet devrait entrer en action, comme elle l’a annoncé, pour déclarer cet amendement « irrecevable », piétinant la décision du président de la commission des Finances.

    Dans la foulée, une motion de censure pourrait être déposée, « toutes les hypothèses » étant sur la table, comme le rappelle le socialiste Arthur Delaporte.

     

    En attendant, cette manœuvre destinée à empêcher les députés de voter sur l’âge de départ à la retraite abîme un peu plus un Parlement qui s’est fait tordre le bras depuis janvier.

    Le RN, peu offensif sur la réforme des retraites, tente de surfer sur les combines de la Macronie :

    « Ce qui nous reste, c’est 2027, la seule espérance c’est la victoire de Marine Le Pen », déclare ainsi la députée d’extrême droite Laure Lavalette à la sortie de la commission.

     

    Le matin, le communiste Sébastien Jumel avait ainsi résumé l’effet des coups de force à répétition de Macron et de sa majorité :

    « Vous savez ce qu’on dit chez moi ? On n’en peut plus de vous. On ne vous supporte plus. »

     

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    Mobilisation : la CGT et la NUPES devant l’Assemblée

    Des centaines de personnes se sont réunies, ce mercredi, à proximité de l’Assemblée nationale, pour affirmer leur opposition à la réforme des retraites.

    « 64 ans, c’est toujours non », pouvait-on lire sur les pancartes.

    Les drapeaux de la CGT ont côtoyé ceux des organisations de gauche, au son de nombreuses casseroles.

    Au micro, les députés de la Nupes se sont succédé pour rappeler que la réforme peut encore être abrogée, via la proposition du groupe Liot.

    « Les macronistes peuvent utiliser tous les subterfuges qu’ils veulent, à la fin des fins, seul le peuple est souverain », a clamé la présidente du groupe FI Mathilde Panot, en insistant sur la nécessité d’un départ à la retraite « dès 60 ans, dans le prolongement de l’héritage du CNR ».

    En commission, la majorité faisait tout pour museler son opposition en lui retirant ses droits d’amendement.

    « Aucun gouvernement n’est allé aussi loin dans la remise en cause des contre-pouvoirs », a assuré la députée EELV Sandra Regol.

    Rendez-vous est pris le 6 juin, pour une grande mobilisation populaire.


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