• L’urgence du débat de fond

    Accepter le débat d’idées, les réflexions stratégiques, la critique, pour mieux continuer la lutte. L’urgence est là, plus que jamais, pour se donner les moyens de construire sur le long terme et de réussir.

    Par Roger Martelli.

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  • NPA

    Résistons au rouleau compresseur, touTEs ensemble !

     

    Dimanche, aux environs de 6h du matin, notre camarade Gaël Quirante, membre de la direction du NPA et secrétaire départemental de Sud Poste 92, a été arrêté chez lui par la police et placé en garde à vue. Un exemple de la montée en puissance de la répression contre toute contestation sociale.

    Pouvoir, police et patrons contre nos revendications

    Si Gaël a été arrêté, ce n’est pas pour « dégradation de biens de La Poste », car c’est bien La Poste qui dégrade le service public, fermant 500 bureaux par an et ayant supprimé 100 000 emplois en dix ans ! C’est parce que depuis bientôt 15 mois, lui et ses 150 collègues du 92 ont engagé un véritable bras de fer avec la direction de La Poste pour stopper la suppression des tournées, l’augmentation de la charge de travail et les réorganisations qui feront voler en éclats le service public postal.

    Les discriminations, voire la répression, contre les militantEs syndicaux sont quotidiennes de la part des patrons d’entreprises et des dirigeants-managers dans les services publics. De façon plus globale, il suffit de regarder comment le mouvement des Gilets jaunes a été traité depuis la mi-novembre pour comprendre que ce pouvoir, qui n’entend rien céder sur le fond, réprime très durement…

    Pourtant forcément partiels, les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur rendus publics il y a quelques semaines, parlent d’eux-mêmes : 8700 gardéEs à vue, 13 460 tirs de LBD 40, 1428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées explosives, et 3830 blesséEs (dont des dizaines de mutiléEs à vie) !

    L’autoritarisme et la répression en marche

    La cheffe de l'IGPN, la police des polices, « réfute totalement le terme de violences policières »… Pourtant, depuis plusieurs mois, le Défenseur des droits, le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et l’ONU s’inquiètent des violences policières et des restrictions des libertés publiques. Des condamnations unanimes, également venues d’ONG et d’associations des défense des droits humains, de syndicats de magistrats, et même de syndicats de policiers... 

    Le pouvoir a choisi de nier l’existence des violences policières… faisant même porter la responsabilité des blessures et mutilations aux Gilets jaunes eux-mêmes ! Ces discours se sont traduits par en actes avec une répression tous azimuts, mais aussi par l’adoption de la loi dite « anticasseurs » en mars dernier (en réalité une loi anti-manifestations), la multiplication des commandes de nouvelles armes de guerre pour la police et la gendarmerie, les interdictions hebdomadaires de manifester, des arrestations de journalistes, etc. 

    Stopper la fuite en avant

    Comme contre toutes les attaques programmées (suppression d’emplois publics, licenciements, retraites, droits des chômeurEs), la résistance doit s’organiser contre l’autoritarisme, les violences policières, et la justice aux ordres. Se battre contre les législations réactionnaires (telle la loi « anti-casseurs »), soutenir tous les répriméEs, toutes les victimes des violences, interdire les armes de guerre (LBD et grenades), défendre les libertés publiques, nécessitent de construire les convergences nécessaires.

    Pour aider les résistances, il faut unir nos forces, les coordonner dans la durée, à commencer par celles des organisations (syndicales, politiques ou associatives), des courants et équipes militantes, de toute la gauche qui veut lutter contre Macron et le patronat. Se regrouper pour agir ensemble et débattre des perspectives pour reprendre la main, il n’y a pas d’autres voies pour stopper l’offensive antisociale et sécuritaire.

    Lundi 17 juin 2019


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  • Autogestion...

    compte-rendu de la réunion-débat samedi 23 mars 2019

     

    Compte-rendu de la réunion-débat qui a eu lieu le samedi 23 mars 2019 à la bourse du travail de Paris et co-organisée par l’Association Autogestion (AA), l’Association des communistes unitaires (ACU), les Amis de Tribune socialiste (ATS), Cerises, l’Observatoire des mouvements de la société (OMOS), le Réseau pour l’autogestion, les alternatives, l’altermondialisme, l’écologie et le féminisme (AAAEF), le Temps des lilas et l’Union syndicale Solidaires.

    https://autogestion.asso.fr/quel-exercice-de-la-democratie-23-mars-2019/


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  • Pourquoi tant de haine

    contre Jean Luc Mélenchon et la France Insoumise ?

    • 12 juin 2019
    • Par Gérard Prévost
    Comment comprendre la haine à l’encontre de Jean Luc Mélenchon et de la France Insoumise ? Tout se passe comme si elle était devenue un lieu commun, une sorte de politiquement correct, sinon une précaution oratoire, qui s’impose dans l’espace public venant de sphères intellectuelles et journalistiques ou de certaines catégories sociales, avec nombre de formules plus ou moins malveillantes.
     

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  •  Médiapart

    Olivier Besancenot

    La gauche sociale et politique

    «Est-il possible d’oublier les élections 30 secondes?»

    Pour la création de «coordinations permanentes»

     

    Mediapart : Ces derniers jours, on vous a entendu dans les médias appeler la gauche partisane et sociale à se rassembler. Pourquoi prendre position en ce sens aujourd’hui ?

    Olivier Besancenot : Du fait de l’urgence politique d’abord. Lors des élections européennes, les pires ennemis du monde, le couple Macron/Le Pen – autrement dit, le meilleur ami du capitalis-me et le pire adversaire de la classe ouvrière – a réussi à phagocyter la vie politique.

    Or même si cette apparente hégémonie électorale de la droite et de l’extrême droite n’est pas raccord avec la réalité politique française, les accidents de parcours ne sont plus à exclure. Il faut prendre la mesure des choses. En l’absence d’une réaction sociale et politique à la hauteur des enjeux, finira par arriver le moment où, compte tenu de ce qu’est la politique de Macron et du rejet qu’elle suscite, la stratégie du « dernier rempart contre le RN » n’opérera plus.

    La perspective de voir Le Pen accéder au pouvoir n’est plus un cas d’école. Le champ de ruines qu’est la gauche de la gauche à l’issue des élections européennes, nous oblige à réagir. La gauche radicale n’est pas seulement émiettée, elle est profondément affaiblie et peine à peser concrètement sur le rapport de force.

    Pourtant, la mobilisation sociale des « gilets jaunes » notamment – mais je pourrais évoquer toutes les autres luttes qui ont lieu aujourd’hui dans l’Éducation nationale, l’hôpital public, etc. – a montré que le mécontentement était massif. Et que la révolte n’était jamais très loin. Ce décalage entre perspective politique et combativité des mobilisations sociales nous interpelle tous.

    Comment expliquez-vous ce hiatus ?

    Nous assistons à un bouleversement global des relations sociales et politiques, marqué par une évolution mondiale où la crise historique des partis institutionnels profite en premier lieu aux populismes, aux courants de droite et d’extrême droite, voire aux mouvements fascistes.

    Cette crise politique totalisante renvoie elle-même à un mouvement de bascule du capitalisme international, qui entre probablement dans un nouveau stade de son développement, post-mondialisation libérale.

    Ce tournant percute tout l’édifice de la société, et fragilise considérablement le mouvement ouvrier traditionnel – qui n’avait pas besoin de cela. Plus que jamais, il s’agit donc d’être disponible politiquement au renouvellement de la lutte des classes, tel qu’il a lieu, et pas seulement tel qu’on aurait aimé qu’il se produise.

    De mon point de vue, le rendez-vous manqué, en grande partie, entre la gauche radicale et le mouvement inédit des gilets jaunes, est révélateur de cette situation. Notre incapacité à intervenir loyalement, de manière forte, unie et assumée au sein de ce mouvement, est un échec qu’on ne peut plus se payer le luxe de reproduire.

    Pourtant, La France insoumise et le NPA se sont beaucoup investis sur les ronds-points…

    Oui, bien des choses ont été faites, et quelques initiatives unitaires ont réussi, notamment contre la répression policière. Mais centralement, nous n’avons pas su ou voulu afficher notre volonté commune d’en être. Les questionnements du début de mouvement étaient légitimes. Reste que la lutte des classes n’est jamais « chimiquement pure ». Ce type de mouvement nous déstabili-se, mais il est devant nous, durablement inscrit dans le décor pour les années qui viennent. Dans ces temps incertains, nous devons réapprendre à agir ensemble. Cette séquence est une leçon de choses.

    Qu’enseigne-t-elle ?

    Que si nous sommes repartis pour un tour de discussions habituelles, hantées par les sempiternelles perspectives électoralistes et hégémoniques, on va se planter à coup sûr. Je pose la question : est-il possible d’oublier les élections 30 secondes ?

    Il ne s’agit pas d’en faire un tabou ou de censurer qui que ce soit, mais seulement de tenter collectivement de nous extraire, le temps d’un instant au moins, du calendrier de la République, en inventant et bâtissant notre propre temps politique, notre propre espace démocratique commun.

    Bref, se libérer, ici et maintenant, autant que faire se peut, du carcan institutionnel qui présidentialise tout, et dont nous sommes prisonniers. Car cette fois-ci, nous n’avons plus d’autre choix que de réussir : face à nous, le gouvernement mène une politique libérale singulière.

    Prenant le relais des vingt ou trente ans d’alternance libérale, ce pouvoir souhaite, cette fois-ci, porter réellement le coup de grâce. Sur fond de politique violemment répressive et outrageu-sement autoritaire, il entend systématiser les réformes structurelles en mettant en place la retraite par points, en sortant des milliers de gens de l’assurance-maladie, ou en démantelant pièce par pièce les services publics.

    Nous vivons en direct la tentative revendiquée d’éradiquer l’ensemble de notre système de protection sociale. Ou de ce qu’il en reste. Nous y sommes pour de bon. Cela aura des conséquences irrémédiables dans la vie quotidienne de millions de personnes. Voilà le défi auquel nous sommes tous confrontés.

    C’est pourquoi nous avons la responsabilité d’engager des batailles immédiates, sur une dizaine, une vingtaine, peu importe, d’objectifs communs. Des actions à travers lesquelles la gauche radicale, politique et sociale, peut se retrouver, mais cette fois-ci de façon permanente, pour agir dans la durée.

    Une leçon d’humilité

    Au printemps dernier, lors du mouvement des cheminots, plusieurs rencon-tres à huis clos avaient déjà eu lieu à l’initiative, là encore, du NPA. Dans ces rendez-vous, il y avait La France insoumise, Génération.s, le PCF, des écolo-gistes d’Europe Écologie-Les Verts… Et pourtant, la bataille a été perdue.

    Oui, la mobilisation a échoué, faute notamment de généralisation de la grève. Mais aussi modeste qu’il ait été, notre soutien unitaire a eu sa part d’utilité. En décembre et en janvier, durant la séquence la plus forte du mouvement des gilets jaunes, nous avons réussi finalement à nous réunir plusieurs fois, et de manière plus large qu’auparavant, puisque le cadre n’était pas que celui des formations politiques. Étaient présents des syndicats, comme Sud ou l’UD CGT, le Syndicat de la magistrature, mais aussi Attac, Copernic, le collectif Adama-Traoré… une forme intéressante d’alliance entre la gauche sociale et la gauche politique.

    Sur quoi ces réunions ont-elles débouché ?

    Sur rien de durable, malheureusement. Raison pour laquelle nous suggérons de créer précisément une ou des « coordinations permanentes ». Peu importe le qualificatif qu’on donnera à ce regroupement. L’idée serait de se voir régulièrement, localement comme nationalement, pour agir, lutter et débattre…

    Je ne crois pas qu’à terme la solution politique fédératrice puisse émerger du développement linéaire d’une seule formation politique ou sociale ou d’un seul courant de pensée. Après les élections européennes, les cartes sont rebattues : c’est l’occasion de remettre les choses à plat et de se parler, dans le respect mais aussi la franchise, car les sujets de discorde demeurent eux aussi.

    Quelle est la différence entre un appel unitaire et votre appel à une coordination permanente ?

    Peut-être la volonté d’agir ensemble comme préambule de toute chose. Je ne sais pas, mais il me semble qu’au-delà des désaccords (il en existe et pas des moindres : le rapport aux institu-tions, aux questions de propriété, l’internationalisme…), il existe de nombreuses revendications que nous portons souvent en commun, dans les grèves ou les manifestations : salaires, retraites, services publics, contre la répression, réchauffement climatique, les combats féministes, antiracistes…

    Prenons le temps de cerner ce qui nous rassemble, pour agir, sans craindre de débattre franche-ment sur ce qui nous sépare. Mais cessons d’aller dans les mobilisations de manière non coor-donnée. C’est aussi peut-être de cette manière que nous pourrons être entendus du milieu qui ne nous suit plus, ou pas. Car il n’est pas question de créer un cartel ou une énième combi-naison de la gauche de la gauche, mais de tenter de créer une dynamique qui dépasse toutes nos forces, nos courants, nos collectifs et nos individualités additionnés.

    Au-delà de l’action sur le terrain, que faites-vous de la question électorale ?

    Avant de nous intéresser à l’« au-delà » électoral, commençons par rester sur terre.

    Vous avez soutenu Lutte Ouvrière aux européennes, un parti qui est contre tout rassemblement avec les autres forces de gauche. Par ailleurs, le NPA s’est, ces derniers jours, prononcé contre l’union de la gauche. Ne vous sentez-vous pas seul dans votre volonté de rassembler au sein de votre propre camp ?

    Au NPA, nous sommes contre toute forme d’« union de la gauche » qui, au-delà du souvenir tragique qu’elle a laissé dans les consciences, ait comme vocation de mettre en selle, à l’occasion des élections, les futurs dirigeants de gauche ; lesquels, une fois portés au pouvoir, finiront par mener une politique de droite. Merci, on a donné !

    Mais s’engager sur des actions communes avec d’autres mouvements, nous sommes pour, bien sûr, et nous le faisons tout le temps ! Là, il serait question de tenter de le systématiser. Après, il faut faire avec la gauche radicale telle qu’elle est, et respecter les formations dans leur autonomie et leur pluralité : le NPA, Lutte ouvrière, La France insoumise, le PCF, Génération.s, les antifascistes, les militants écologistes, les militants du mouvement social et syndical…

    Ce qu’il manque aujourd’hui, c’est un peu l’équivalent des bourses du travail qui existaient au 19è siècle. Des lieux ouverts où, motivé par la volonté d’en découdre, chacun s’écoutait, discutait, échangeait, s’engueulait au besoin, mais toujours dans l’idée de participer à ce que notre camp social, celui des exploités et des opprimés, parle et agisse en son propre nom.

    Un espace démocratique, ouvert, où l’on entre et sort, et où il n’existe aucune obligation d’être d’accord sur tout… Je crois qu’il est nécessaire que la gauche radicale abandonne cette logique mortifère du « tout ou rien ». Paradoxalement, lorsque la gauche radicale joue la comédie et mime d’être d’accord sur tout, les actions et les discussions unitaires, elles, progressent le moins. Maintenant, il est vrai qu’une fois dit tout cela, je n’ai pas de solution toute faite ou de méthodologie clés en main à proposer…

    La question de l’incarnation ne se pose-t-elle pas ?

    La question de l’incarnation ne règle rien. Elle pose même à la gauche radicale plus de problè-mes que de solutions. Couper des têtes ou en porter d’autres au pouvoir, cela ne change pas fondamentalement le système et les règles du jeu que nous décrions. Si elle n’évacuait pas la question du « haut », Rosa Luxembourg disait qu’il faut partir du bas.

    Qu’est-ce qui vous fait dire que votre appel à des « coordinations permanentes » trouverait, cette fois-ci, un écho ?

    Ce qui me fait espérer que nous sommes tous placés au pied du mur… Qui peut prétendre aujourd’hui porter seul une dynamique ? Regrouper tout le monde derrière lui ? C’est une leçon d’humilité. Pour nous également.

    Quels seront les prochains chantiers ?

    Il y a les urgences à l’hôpital, bien sûr, les licenciements, la réforme des retraites, mais aussi le référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris… Au moment du débat sur le Traité constitutionnel européen, en 2005, nous avions organisé des meetings communs où il y avait énormément de monde et beaucoup d’espoirs. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce succès ?


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  • Manuel Bompard :

    « Fédérer le peuple, c’est ramener la gauche au peuple »

    Manuel Bompard a été élu député européen de la France insoumise le 26 mai dernier. On fait le point avec lui sur les critiques qui émergent au sein de son mouvement quant à son avenir, sur la Fédération populaire, sur la gauche et sur le peuple. Il est l’invité de #LaMidinale.

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  • Un long chemin avant un référendum

    Le dispositif de recueil des signatures pour le référendum d’initiative partagée (RIP) contre la privatisation du groupe ADP (Aéroports de Paris) doit être présenté le 13 juin par le ministère de l’intérieur. Ce dispositif sera ouvert pendant 9 mois. Les promoteurs du référendum doivent recueillir le soutien de 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4 717 396 Français, a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 mai, validant la proposition de loi référendaire déposée le 10 avril par 248 parlementaires de tous bords politiques.

    Si le nombre de signataires est atteint, le Parlement devra, dans un délai de 6 mois, se prononcer sur cette proposition de loi. Si l’Assemblée nationale et le Sénat mettent tous deux ce texte à leur ordre du jour, le référendum n’aura pas lieu. Mais si une seule des deux chambres se prononce, ou aucune d’entre elles, alors le président de la République sera tenu de l’organiser. La privatisation d’ADP, dont le capital est détenu à 50,6 % par l’Etat, a été adoptée par le Parlement le 11 avril lors du vote de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), promulguée le 22 mai.

    Tribune. C’est maintenant à portée de main : un référendum, enfin. Un référendum sur la vente de Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris). Un référendum pour ne pas laisser ce trésor à Vinci, qui a déjà emporté nos autoroutes. Un référendum, surtout, sur l’avenir : l’avenir que nous refusons, l’avenir que nous désirons.

    D’emblée, le premier ministre, Edouard Philippe, s’est étranglé : « Cela pose un vrai et grave problème démocratique ! [...] Cela créerait une situation dangereuse ! »Ils suffoquent, lui, les autres. Car ce n’est pas la question, seulement, des aéroports de Roissy, d’Orly, qui est soulevée. Cela va bien au-delà. C’est l’occasion d’un coup d’arrêt, d’un « non » franc et massif, d’un désaveu géant : nous ne voulons plus du monde qu’ils incarnent, qu’ils promeuvent.

    Des mots cadavres

    « Concurrence », « croissance », « compétition », « déficit », « mondialisation »… Ces mots nous sont répétés pour vendre les aéroports. Ces mots nous sont répétés depuis quarante ans pour vendre à la découpe le gaz, l’électricité, la santé et bientôt les retraites. Ces mots nous sont répétés comme des mantras, pour guider la société et nos existences. Ces mots sont désormais des mots cadavres. Nous n’y croyons plus. Nous n’en voulons plus : ils creusent notre tombe écologique. Nous aspirons au contraire à la coopération, à l’entraide, à placer les humains et la planète avant les chiffres, il en va de notre survie commune.

    « Pour nous, la démocratie, c’est la reprise en main de notre destin commun »

    Car le premier ministre a bien raison : c’est la « démocratie » qui est en jeu. Pour lui, pour eux, la démocratie, c’est quand ils s’arrangent en famille, quand ils confient les bijoux de l’Etat à leurs amis, et qu’ils en retirent des prébendes et des dividendes. La voilà, la démocratie qu’ils apprécient : la démocratie sans le peuple ! Ni dans la rue, ni sur les ronds-points, ni dans les urnes. Ou alors, une fois tous les cinq ans. Et entre-temps, circulez, braves gens ! Pour nous, au contraire, la démocratie, c’est la reprise en main de notre destin commun. Et il faut bien commencer par un bout, même petit : alors allons-y par le bitume des aéroports de Paris. Avant de passer à nos écoles, nos champs, nos hôpitaux, nos tribunaux, nos forêts…

    Maintenant, une bataille est engagée. Nous, nous signons. Surtout, nous ferons signer, parmi nos collègues, dans les bureaux, dans les associations, dans les usines, dans les facultés, à la Fête de la musique et à la Fête des voisins, dans les vestiaires du club de foot et dans les colloques universitaires. Et cette belle bataille, populaire, démocratique, nous invitons à la mener ensemble, tous ensemble, par-delà les chapelles et les querelles, les « avec gilet » et les « sans gilet », les encartés et les non-encartés, les syndiqués et les non-syndiqués, unis dans une action. Unis pour produire une contagion de signatures, une épidémie de pétitions, et qu’on parvienne aux 4,7 millions. Aux stylos, citoyens ! Marchons ! Signons !

     Les 16 premiers signataires : Daniel Bertone, secrétaire général CGT d’ADP ; François Boulo, avocat « gilets jaunes » ; Dominique Bourg, philosophe ; Pauline Boyer, porte-parole d’Alternatiba ; David Cormand, secrétaire national de EELV ; Anny Duperey, comédienne ; Annie Ernaux, écrivaine ; Sébastien Jumel, député PCF ; Guillaume Meurice, humoriste ; Claire Monod, coordinatrice nationale de Génération.s ; Claire Nouvian, cofondatrice de Place publique ; Michel Onfray, philosophe ; Patrick Pelloux, médecin urgentiste ; François Ruffin, député LFI ; Marie Toussaint, eurodéputée EELV, initiatrice de « L’Affaire du siècle » ; Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac.

     Hakim Amokrane, musicien 
    Mouss Amokrane, musicien 
    Salah Amokrane, militant associatif (Takticollectif)
    Philippe André, syndicaliste (SUD Energie)
    Paul Ariès, politiste 
    Manon Aubry, députée européenne (LFI)
    Clémentine Autain, députée (LFI)
    Alain Badiou, philosophe 
    Guillaume Balas, coordinateur national de Génération.s 
    Gilles Balbastre, documentariste 
    Karim Baouz, réalisateur et journaliste 
    Grégori Baquet, acteur 
    Pierre-Emmanuel Barré, humoriste 
    Stéphane Barré, maire d’Oissel-sur-Seine (PCF)
    Fouad Ben Ahmed, militant associatif 
    Esther Benbassa, sénatrice (EELV)
    Chantal Benoit, maire du Caule-Sainte-Beuve (PCF)
    Ugo Bernalicis, député (LFI)
    Judith Bernard, metteure en scène
    Patrick Bernard, syndicaliste (CGT Métallurgie)
    Aurélien Bernier, militant associatif 
    Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste 
    Laurent Binet, écrivain 
    Fabienne Bock, historienne 
    Jacques Bonnaffé, metteur en scène 
    Séverine Botte, conseillère départementale du canton de Saint-Etienne-du-Rouvray (PCF)
    François Boulo, avocat gilet jaune 
    Dominique Bourg, philosophe
    Marie-Hélène Bourlard, syndicaliste (CGT retraités)
    Pauline Boyer, Alternatiba
    Youcef Brakni, collectif « Vérité pour Adama » 
    Moethai Brotherson, député (GDR)
    Céline Brulin, sénatrice (PCF)
    Marie-George Buffet, députée (PCF)
    Boris Chenaud, militant associatif (La Carmagnole)
    Tayeb Cherfi, militant associatif (Takticollectif)
    Jean-Paul Civeyrac, cinéaste 
    Eric Coquerel, député (LFI)
    Alexis Corbière, député (LFI)
    David Cormand, secrétaire national de EELV 
    Laurence De Cock, historienne 
    Anne De Haro, syndicaliste (CGT)
    Laurent Degousée , syndicaliste (SUD commerce)
    Stéphane Delepeyrat, conseiller régional de Nouvelle Aquitaine (Génération.s)
    Thomas Dietrich, militant associatif 
    Laetitia Dosch, comédienne, auteur, metteuse en scène 
    Jean-Paul Dufrègne, député (PCF)
    Anny Duperey, comédienne 
    Cédric Durand, économiste 
    Annie Ernaux, écrivain 
    Txetx Etcheverry, Bizi 
    Jérôme Ferrari, écrivain 
    Gérard Filoche, militant 
    Bernard Friot, économiste 
    Jean Gadrey, économiste 
    Khaled Gaiji, Les Amis de la Terre 
    Pascal Greboval, rédacteur en chef de Kaizen 
    Alain Guiraudie, cinéaste 
    Myriam Illouz, psychanalyste 
    Laurent Jacques, maire du Tréport (PCF)
    Régis Juanico, député (Génération.s)
    Sébastien Jumel, député PCF
    Razmig Keucheyan, sociologue 
    Pierre Khalfa, Copernic 
    Philippe Labarde, journaliste 
    Fabrice Lallement, syndicaliste (CGT Métallurgie)
    Nicolas Lambert, comédien, metteur en scène 
    Aude Lancelin, journaliste 
    Nicolas Langlois, maire de Dieppe (PCF)
    Mathilde Larrère, historienne 
    Yvan Le Bolloc’h, musicien 
    Patrick Le Hyaric, ex-député européen (PCF)
    Olivier Leberquier, directeur général délégué de la coopérative Scop-Ti. 
    Patrick Lehingue, politiste 
    Noël Levillain, maire de Tourville-la-Rivière (PCF)
    Pierre Lieutaghi, écrivain et ethnobotaniste 
    Frédéric Lordon, philosophe 
    Benjamin Lucas, secrétaire général de Génération.s 
    Roxane Lundy, membre du Collectif national de Génération.s 
    Corinne Masiero, comédienne 
    Caroline Mecary, avocate aux barreaux de Paris et du Québec 
    Jean-Luc Mélenchon, député (LFI)
    Sébastien Menesplier, secrétaire général CGT Mines – Energies 
    Daniel Mermet, journaliste 
    Guillaume Meurice, humoriste 
    Jean-Claude Michéa, philosophe 
    Claire Monod, coordinatrice nationale de Génération.s 
    Marion Montaigne, autrice 
    Gérard Mordillat, cinéaste, auteur 
    Corinne Morel-Darleux, Conseillère régionale, écologiste 
    Chantal Mouffe, politiste 
    Philippe Mühlstein, syndicaliste (Solidaires)
    Benoît Murraciole, militant associatif (ASER)
    Hervé Naillon, militant écologiste 
    Marielle Nicolas, universitaire 
    Gérard Noiriel, historien 
    Claire Nouvian, co-fondatrice de Place publique 
    Agathe Novak-Lechevalier, maître de conférences en littérature française 
    Luc Offenstein, militant contre les nuisances du transport aérien
    Michel Onfray, philosophe 
    Jean Ortiz, écrivain 
    Jon Palais, ANV-Cop21 
    Mathilde Panot, députée (LFI)
    Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic 
    Patrick Pelloux, médecin urgentiste
    Pascal (Imhotep) Perez, musicien 
    Gilles Perret, cinéaste 
    Pierre Pica, linguiste 
    Michel Pinçon, sociologue 
    Monique Pinçon-Charlot, sociologue 
    Thomas Portes, syndicaliste (CGT Cheminots)
    Christine Poupin, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste 
    Philippe Poutou, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste 
    Christophe Prudhomme, médecin hospitalier syndicaliste 
    Denis Robert, journaliste 
    Roberto Romero, conseiller régional d’Ile de France, adjoint au Maire de Bagneux (Génération.s)
    Bertrand Rothé, auteur 
    François Ruffin, député France Insoumise
    Germain Sarhy, Emmaus Lescar Pau 
    Pierre Schoeller, cinéaste 
    Guy Sénécal, maire d’Arques-la-Bataille (PCF)
    Léonor Serraille, cinéaste 
    Pablo Servigne, auteur, collapsologue 
    Alexis Spire, sociologue 
    Eric Stemmelen, écrivain 
    Sophie Taillé-Polian, sénatrice (Génération.s)
    Baptiste Talbot, syndicaliste (CGT services publics)
    Jacques Testart, biologiste 
    Annie Thebaud-Mony, sociologue 
    Marie Toussaint, eurodéputée EELV, initiatrice de l’Affaire du siècle
    Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac
    Emmanuel Vire, syndicaliste (SNJ CGT)
    Florian Vivrel, médecin hospitalier syndicaliste 
    Eric Vuillard, écrivain 
    Hubert Wulfranc, député (PCF)


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  • France insoumise : la nuit des petits couteaux

    Marianne >>>>> Abonnés


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  • Repenser le fonctionnement de la France Insoumise

    [Note intégrale]

    • 7 juin 2019 Blog Médiapart
    Pour parer à une désaffection militante préoccupante, plusieurs dizaines de militant.e.s et dirigeant.e.s de la France Insoumise réclament dans une note interne d'importants changements démocratiques en son sein.
    Et notamment, «d'acter le principe d'une assemblée constituante du mouvement pour la rentrée prochaine» dès l' «Assemblée représentative» convoquée le 23 juin.
     
     

    Le fort recul électoral de la France insoumise aux élections européennes par rapport aux dernières élections présidentielle et législatives a de multiples causes que nous ne prétendons pas analyser ici. Force est de constater que nous n’avons pas, après la séquence présidentielle de 2017, su maintenir la dynamique et nous ancrer fortement et durablement dans la société. Des signes avant-coureurs nous laissaient craindre un recul, même si nous ne nous attendions pas à ce qu’il soit aussi marqué, notamment l’affaiblissement du réseau militant et les départs de plusieurs responsables. Si les causes de l’échec sont multiples, notre conviction est qu’il est en grande partie lié au mode de fonctionnement de notre mouvement depuis sa création. Sur cette question comme sur d’autres, une sérieuse analyse interne est indispensable.

    Cette note est donc une contribution interne et positive pour nourrir la réflexion et nous aider à faire face à l’avenir dans l’inquiétant panorama politique actuel. Elle témoigne également que ce mouvement est notre bien commun et que nous souhaitons le promouvoir.
    Faute d’instances de débat et de délibération communes, nous n’avons pas d’autres solutions que de l’adresser aux principaux responsables et élu.e.s du mouvement.

    La France insoumise, née autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, a voulu se constituer comme un mouvement large, ancré dans la société, souple dans son fonctionnement et qui ne répète pas certains travers des partis politiques traditionnels (luttes entre fractions et personnes, etc.). De cette conception est notamment née une organisation en groupes locaux (d'abord « groupes d'appui » puis « groupes d’actions ») disposant chacun d’une grande autonomie et permettant de regrouper des personnes ne souhaitant pas s’ « encarter » dans un parti politique.

    Mais, en parallèle, aucune véritable instance de décision collective ayant une base démocratique n’a été mise en place. Ceci ne signifie pas que les membres de la France Insoumise ne soient pas consultés, ne puissent pas donner leur avis (consultations en ligne sur les programmes ou sur les campagnes, conventions) ou ne puissent pas s’impliquer dans le travail national au travers notamment les équipes thématiques. Mais les décisions stratégiques fondamentales sont finalement prises par un petit groupe de personnes, dont on ne connaît même pas précisément la démarcation - prérogatives, champ d'action, identité, statut ­ sans qu’ils aient pour autant reçu de véritable délégation de la part du mouvement pour le faire.

    Les positions politiques publiques proviennent essentiellement du groupe parlementaire, qui a bien entendu toute légitimité pour prendre des positions, mais qui n’a pas reçu de mandat de la part du mouvement pour le faire en son nom. Ne pas reproduire les travers des partis traditionnels est évidemment une problématique cruciale ; mais si nous n'y prenons garde, notre mouvement finira par tomber dans les excès de ceux qu'on a appelés des « partis d'élus ». Les équipes thématiques peuvent également prendre des positions, mais généralement sans qu’elles ne soient assumées par le mouvement en tant que tel et sans possibilité d’utiliser les outils de la FI (site internet) pour les faire connaître, ce qui constitue d’ailleurs bien souvent un facteur de découragement des militant.e.s impliqué.e.s dans les équipes thématiques. La campagne des élections européennes a été particulièrement impactée par ces incertitudes (tiraillements programmatiques autour de la stratégie plan A/plan B, mot d’ordre de « référendum anti Macron », relativisation du rôle des députés européens, procédures d’arbitrage autour des questions animales/agricoles ou bien des droits d'auteur en lien avec le programme et les livrets, manque de liaisons entre les équipes thématiques, les candidat.e.s et les réponses de l'équipe de campagne aux courriers extérieurs, annonce d'une « fédération populaire » à venir...). Une certaine logique descendante a été ressentie à la base par les insoumis.es dans les groupes d’actions et les ex­-candidats signataires en ont souvent été témoins durant la campagne sur le terrain.

    Les Conventions nationales remplissent certes une fonction de communication, les méthodes issues de l’éducation populaire avec des participant.e.s tiré.e.s au sort peuvent permettre de « prendre le pouls » des participants sur différentes questions, mais elles ne peuvent en aucun cas structurer un débat démocratique impliquant les membres, les groupes locaux et des instances représentatives et n'aboutit pas à des décisions. Quant au travail d’élaboration programmatique, les décisions finales relatives aux amendements des insoumis.es sont prises hors de toute délégation explicite et sans transparence sur les circuits de décision et motivations des choix réalisés en notre nom. Les textes sont bien sûr finalement approuvés par voie de consultation internet, mais sans aucune exigence particulière quant au niveau de participation et sans que les insoumis.es ne soient invité.e.s à trancher les éventuels points faisant débat, et qui au demeurant ne sont pas identifiés.

    Ce type de fonctionnement n'a pas posé de réel problème tant que nous étions dans la campagne électorale pour les élections présidentielle et législatives. Nous avions alors en effet besoin d’un mouvement pleinement engagé dans la campagne tel une « armée en marche ».
    Mais, un tel fonctionnement n’a plus de justification et n’a pas d’avenir une fois cette phase passée. Et il est dangereux pour l’avenir du mouvement. Or, les évolutions attendues par beaucoup en termes de fonctionnement démocratique ne sont pas arrivées. Nous sommes nombreux à avoir été consternés, et sans instance pour en parler, de voir que, le temps passant, aucun processus de structuration démocratique n’était engagé. Les annonces faites quant à la mise en place d'une instance permettant une « meilleure coordination » entre les différents « espaces » du mouvement ne résolvent en aucun cas ces problèmes de fond. Il est d'ailleurs à noter que les outils annoncés lors de la convention de décembre ne sont toujours pas institués, et que la synthèse des réflexions sur la structuration du mouvement n’est toujours pas publiée à notre connaissance. Elle était pourtant brandie comme devant répondre aux inquiétudes que certains d'entre nous exprimaient dans un courrier interne daté du 9 janvier. Et à nouveau, il est prévu d'y réfléchir lors de l'assemblée représentative du 23 juin... Mais que deviennent les contributions ?

    De même, le fonctionnement pouvait ne pas poser de problème majeur tant qu’il n’y avait de pas débats de fond à arbitrer (question européenne, relations avec le reste de la gauche...), tant que l’attitude et la stratégie des dirigeants semblaient incontestables et tant que la question de la nomination de candidats à une élection nationale ne se posait pas. Mais, dès que ces conditions n'ont plus été réunies, suite notamment aux perquisitions et dans le cadre de la préparation des élections européennes, nous avons pu constater que les problèmes pouvaient surgir très rapidement. Et bien entendu, nos ennemis ont su exploiter la situation, contribuant à notre affaiblissement.

    Les réponses faites à ce type de critiques sont connues : « Nous ne voulons pas fonctionner comme un parti politique classique, nous sommes un mouvement ». Mais d’où vient cette idée qu’un mouvement perdrait son identité de mouvement dès lors qu’il se doterait de véritables instances collectives et démocratiques de débat et de délibération ? Bref, dès lors qu’il installerait, en l’améliorant, ce qu’il y a finalement de plus positif dans le fonctionnement de certains partis politiques ou tout simplement d’autres organisations du mouvement social que nous côtoyons ?

    Cette prétention de construction d’un mouvement suffisamment « gazeux » pour être à l’abri des tensions entre « courants » ou « fractions », et à l’abri des enjeux de pouvoir, est un leurre.

    D’une part, il existera toujours des sujets de débat. Refuser d’organiser démocratiquement ces débats c’est se condamner à ce que, peu à peu, tous ceux et toutes celles dont le point de vue n’aura pas été retenu par la « direction » s’écartent du mouvement, que ce soit ou non de manière silencieuse : non pas parce que leur position n’aura pas été reconnue comme majoritaire, mais parce qu’ils n’auront pas eu la possibilité de la défendre et de la voir tranchée démocratiquement. Ou alors il faudrait que le petit groupe décisionnel ait la capacité suffisante de construire des consensus entre les différents points de vue, ce qui est beaucoup lui demander. De plus, un consensus est accepté par les uns et les autres quand il est ressenti comme un consensus où les uns et les autres ont renoncé à leur position initiale (sur le modèle des ateliers des lois). Une même position a priori consensuelle, mais élaborée et tranchée par un petit groupe sans légitimité démocratique, risque fort d’être rejetée alors même qu'elle aurait été acceptée dans le cadre d’un processus participatif et partagé de construction de ce même consensus. D'autre part, les ambitions individuelles et enjeux de pouvoirs semblent ne pas pouvoir être supprimés. La question est alors de savoir comment les réguler, c'est-à-dire de déterminer les modalités d'un accès démocratique à des responsabilités (dans les instances internes ou en matière de candidature aux élections) à l’issue d’un débat éclairé. Dans le cas contraire, le mouvement ne fera que nourrir les frustrations et accélérer le départ de celles et ceux qui sont écarté.e.s.

    Enfin, comme en témoignent plusieurs épisodes de la campagne des européennes, l'absence de statuts – définissant notamment la qualité de « membre » du mouvement et les modalités de son « exclusion » ou encore édictant des règles de cumul de fonctions au sein du mouvement – est particulièrement préjudiciable, puisque ces faits sont systématiquement exploités par nos adversaires et minent par ailleurs la confiance des militants dans le mouvement.

    Finalement, l’ambition que nous avions pour certains au sein du Parti de gauche de constituer un « parti creuset » et la prolongation, voire le renforcement de cette logique dans le cadre du mouvement de la France insoumise, apparaît contradictoire avec le fonctionnement actuel de la FI qui combine une certaine horizontalité en termes de fonctionnement, mais une grande verticalité en termes de décisions collectives. Les événements des derniers mois en témoignent. Mais, au-delà du départ de personnalités connues, le plus inquiétant est l’affaiblissement global du mouvement et les départs silencieux de celles et ceux qui ne reviennent plus car tout simplement ils.elles ne se sentent plus « à l’aise » ou « utiles » dans le mouvement. En d’autres termes, l’identification au mouvement s’estompe, sans que les causes profondes ne soient nécessairement exprimées, voire analysées de leur part.

    Il est indispensable de comprendre qu’en France et au XXIème siècle, il n’y a pas de viabilité à moyen et long terme d’un mouvement fortement ancré dans la société sans une pleine identification de ses membres au mouvement. Ceci implique, au­-delà de l’engouement lors d’une campagne pour un homme/une femme et un programme, qu’ils se sentent pleinement partie prenante des décisions et souverains sur la composition des instances et la nomination des responsables du mouvement et des candidats aux élections. La perte d'un nombre considérable de militants, mettant même en péril la possibilité de présenter des listes aux municipales, devrait à elle seule retenir l'attention des dirigeants.

    Sans trancher ici sur les alternatives possibles, nous considérons qu’il y a urgence à nous doter d’une véritable structuration démocratique qui soit notamment en mesure d’organiser l’indispensable débat interne sur notre stratégie pour les mois et les années à venir.

    En tout état de cause, pour l'Assemblée représentative du 23 juin, il est indispensable que :

    1. De véritables débats contradictoires puissent avoir lieu, ce qui implique que le temps nécessaire y soit consacré. De ce point de vue, l'organisation en ruches paraît parfaitement insuffisante si elle ne débouche pas sur des prises de parole en pour et contre qui laissent se déployer les arguments ;
    2. Les insoumis aient la possibilité de proposer des textes au vote de l'Assemblée, textes qui trancheront la ligne politique à suivre et surtout les contre-pouvoirs internes permettant de la valider tout au long des prochaines séquences, électorales ou non ;
    3. Le principe d'une assemblée constituante du mouvement soit acté pour la rentrée prochaine, en charge notamment de définir la structuration et le mode de fonctionnement démocratiques de notre mouvement.

    Nous demandons en conséquence que le processus d'organisation en amont soit transparent, la plate-forme numérique soit d'ores et déjà ouverte pour accueillir les propositions ; que l'ordre du jour de l'Assemblée soit voté par celle-ci ; que cette Assemblée ne soit pas clôturée par un grand discours mais par une synthèse des travaux.

    Le 5 juin 2019.

    Sonia ANTON , militante FI Le Havre.
    Raphaël ARCIS, militant FI Paris 14 e .
    Krimau BELKACEMI , militant et ancien candidat FI aux élections législatives.
    Brigitte BLANG, militante FI Moselle, co-animatrice du Livret « Forêt ».
    Pascale BRACHET, militante FI Le Havre.
    Jean-Marie BROHM, militant FI Strasbourg, ancien candidat aux élections européennes.
    Thomas CHAMPIGNY, ancien candidat aux élections européennes, rapporteur del’équipe « Numérique ».
    Christiane CHOMBEAU, journaliste, Rédactrice en Chef de L’Heure du Peuple, membre du Comité électoral.
    Philippe COLLIN, paysan, militant FI à Blacy (Yonne), membre de l’équipe « Agriculture ».
    Hendrik DAVI, militant FI Marseille, co-animateur Livret « Enseignement Supérieur et Recherche ».
    Martine DORRONSORO , militante FI à Eysines et Blanquefort, co-animatrice du GA « Portes du Médoc »
    Romain DUREAU, militant FI Clermont-Ferrand, ancien candidat aux élections
    européennes, membre de l’équipe « Agriculture et alimentation », co-rapporteur du
    chapitre « Planification écologique » de l’AEC.
    Pascal ETIENNE , coordinateur et représentant de GA.
    Matthieu FAURE , militant FI Nîmes, co-animateur de l'équipe « Numérique ».
    Jean-Philippe FLEURY , militant FI Bordeaux.
    Clément FRADIN , militant FI Paris 5 e .
    Hélène FRANCO , militante FI Paris, co-animatrice du livret « Justice ».
    Charlotte GIRARD , ex-responsable du programme « L’Avenir en Commun ».
    Alain GRAUX, FI Ouche et montagne, Côte d’Or.
    Nicolas GUILLET , co-animateur du GA Le Havre centre-ville, ancien candidat aux élections européennes.
    Lauriane JOURDAIN-CASAURANG , militante FI Bordeaux, co-animatrice du GA fonctionnel « Programme » de Bordeaux.
    Catherine LENGELLE, militante FI, Sainte Geneviève des bois (Essonne).
    Murielle KOSMAN , militante FI Caen, ancienne candidate aux élections européennes.
    Manon LE BRETTON , responsable de l’Ecole de Formation Insoumise, ancienne candidate aux élections européennes, co-animatrice du GA Castelnaudary Insoumise.
    Jeannick LEGADEC , maire-adjointe LFI de Champigny-sur-Marne (94).
    Laurent LEVARD , militant FI Paris 17eme, co-coordinateur des équipes thématiques de la FI, coanimateur de l’équipe « Agriculture et alimentation ».
    Jean-Charles LALLEMAND, militant FI Paris 11ème , ancien co-animateur du livret «Droits nouveaux - LGBTI ».
    Laurence LYONNAIS , militante FI Haut Doubs, ancienne candidate aux élections européennes, membre de l’équipe agriculture et alimentation et du livret «Planification écologique ».
    Denise MARSETTI, militante FI Alès.
    Alain MIH, militant FI Moselle, ancien candidat LFI 1ère circonscription desPyrénées Orientales.
    Pierre-Yves MODICOM , militant FI Bordeaux, co-rapporteur de l’équipe thématique « Enseignement Supérieur et Recherche ».
    Jean NADAL, militant PG/FI Groupe de Sartrouville.
    Jonathan OUTOMURO, militant FI Moselle, candidat à Forbach aux élections législatives de 2017.
    François PAPIAU , militant FI Cadaujac, co-animateur de GA, ancien candidat aux législatives.
    Louise ROUAN , co-animatrice de l'équipe Numérique
    Lucie ROUSSELOU , animatrice GA Alès, ancienne candidate aux élections législatives pour la France insoumise.
    Victor SAILLARD , militant LFI Caen
    Alexandre SCHON , militant FI Paris, membre de l'équipe « Numérique ».
    Geneviève TEYSSIER , militante FI Parempuyre.
    Frédéric VIALE , ancien candidat aux élections européennes, membre de l’équipe thématique « Produire en France » et du groupe de « Questions
    internationales ».
    Karine VOINCHET, animatrice GA « LAMI Nîmes », ancienne candidate aux élections législatives pour la France insoumise.


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  • Crise chez La France insoumise :

    Charlotte Girard,

    ex-responsable du programme de Jean-Luc Mélenchon,

    quitte le parti

    Dans une longue lettre postée sur Facebook, elle dénonce le fonctionnement de LFI et le manque de consultation au sein du mouvement. 

    France Info >>>>>

    Le Monde >>>>>

    Le Figaro >>>>>

     

    ----------------------------------------------------

    Lettre de Charlotte Girard (Facebook)

    Les chemins

    Mes cher.e.s camarades,


    Je n’ai jamais voulu déranger.

    J’ai été élevée comme ça.

    Quand les désaccords sont venus, j’aurais beaucoup donné pour pouvoir partir sur la pointe des pieds.

    On m’a dit alors que ça n’allait pas être possible.

    Se rendre à l’évidence : ni vous, ni les journalistes n’auraient laissé faire.

    Vous, parce que vous auriez voulu comprendre davantage ;

    les journalistes, parce qu’on ne va tout de même pas laisser passer une telle occasion de montrer les dissensions dans la France insoumise.

     


    Comment faire alors pour dire ce qu’il y a à dire ...et pour partir ?

    Surtout quand il n’y a pas de lieu permettant de s’adresser aux insoumis.es sans qu’une nuée de caméras et de micros fasse écran entre vous et moi.


    J’avais d’abord pensé venir avec d’extravagantes lunettes noires comme maître Gims et lire ce texte à l’Assemblée représentative.

    Puis j’ai pensé faire lire le texte par mon amie Manon Le Bretton à la même Assemblée.

    Mais là encore c’était perdu d’avance : mes cheveux m’auraient trahie et puis c’était risquer de déranger davantage les débats à venir dans l’Assemblée.

    Autant que vous puissiez travailler en pleine connaissance du nouveau contexte et sans surprise.

     


    Alors pourquoi je quitte mes fonctions de coordination du programme et pourquoi j’arrête ma participation à la France insoumise ?


    La question de ma mise en retrait n’est plus posée.

    C’est un fait acquis.

    Mais être là sans être là, ce n’est une situation confortable pour personne ; ni pour la France insoumise, ni pour moi.

    Toute la difficulté était de trouver la bonne distance : la distance respectueuse.

     

    Respectueuse vis-à-vis des camarades pleinement engagés et sincères, qui, en particulier, faisaient la campagne des européennes.

    Ne pas exprimer de divergences sur la ligne comme sur la stratégie au risque d’ajouter encore plus de trouble et de difficulté.

    Et puis ce n’est pas quand la campagne est lancée qu’on jette le doute, surtout depuis une dernière place.

    Or ces doutes exprimés lors de la constitution de la liste et de la rédaction chaotique du programme n’ont pas trouvé de cadre où être travaillés et élaborés suffisamment pour qu’il en sorte une perspective claire et partagée ;

    en l’occurrence une véritable stratégie politique qui oriente à proprement parler la campagne et, au-delà, le mouvement lui-même.

     


    Respectueuse vis-à-vis de moi-même aussi.

    Ne pas battre les estrades avec des directives au mieux brouillées, au pire contraires à mes préférences et mes raisonnements.

    Il n’en sortirait rien de bon et rien du niveau de conviction qui avait été celui de la présidentielle.

    Souvenons-nous de la présidentielle.

    Des interventions toujours fondées sur l’explication, jamais sur l’invective.

    Une anticipation précieuse qui avait permis que tout le monde s’approprie les contenus chemin faisant.

    Parler à l’intelligence.

    Mes camarades des ateliers des lois et des méthodes d’éducation populaire savent bien de quoi il s’agit.

     


    La campagne est passée.

    Les camarades sont restés avec leurs questions pendant tout ce temps, quoique certains, dont je suis, ont alerté, à plusieurs reprises, au sujet du fonctionnement – juste le fonctionnement – de la France insoumise.

    Il avait été dit que des réponses seraient données après les Européennes.

    C’est ce qui devrait avoir lieu lors et à la suite de l’Assemblée représentative.

    C’est une bonne chose si ça arrive.

     

    Mais pour ma part, le chemin fléché par la France insoumise s’arrête.

    J’ai donné tout ce que je pouvais tant que je pensais que l’outil – le mouvement – était conforme au but – la révolution citoyenne.

    Mais je n’en ai plus la certitude et je n’ai pas la certitude non plus que les efforts qu’il faudrait fournir pour obtenir la refondation interne de l’outil seront au rendez-vous.

    Que ma défiance ne soit pas un obstacle à l’aspiration au changement et à l’effort de réflexion collective qui aura lieu.

    De toutes façons il n’y a pas d’autre voie que le collectif.

     

    Allons au bout de l’explication.


    Ma défiance porte sur l’outil d’abord.

    La désorganisation que je ne suis pas seule à déplorer produit une telle perte d’énergie que c’en est désespérant.

    Or les voies pour y remédier demeurent opaques et difficiles à emprunter.

    Il n’y a pas de mode d’emploi, ni pour utiliser, ni pour réparer.

    Il est donc aussi usant de faire que de chercher un moyen de faire.

    Résultat : tant qu’on est d’accord tout va bien.

    Mais il n’y a pas de moyen de ne pas être d’accord.

    Or une dynamique politique – surtout révolutionnaire – dépend de la capacité des militants à s’approprier des raisonnements, c’est-à-dire potentiellement à les contester.

    Cette option est obstruée pour le moment, d’autant plus que dernièrement, on a eu parfois du mal à identifier avec quoi être d’accord ou pas.

    Le reproche d’inefficacité se confond finalement avec celui du manque de démocratie.

    J’en prends ma part.

    Juste après les législatives, je n’ai pas réussi à convaincre que le chantier de l’organisation était nécessaire et urgent.


    Après le début de la campagne des Européennes, les Gilets jaunes ont fait irruption.

    Hors de tout ce que ce mouvement nous a fait découvrir sur la capacité de mobilisation vivace des gens, il nous a dit beaucoup sur notre organisation, en particulier l’écart que nous n’avons pas comblé entre le monde militant institutionnel et les gens.

     

    C’est la seconde raison qui me conduit à penser que l’outil, trop tourné vers l’exercice institutionnel du pouvoir, en l’occurrence l’exploitation du seul contre-pouvoir parlementaire que nous avons encore, n’a pas permis de travailler à réduire cet écart.

    Or la révolution citoyenne dépend essentiellement du succès de la jonction entre ce que le mouvement insoumis produit idéologiquement et le peuple.

    Sur le fond, on a touché du doigt cette rencontre quand on a réalisé que les revendications étaient les mêmes que celles de l’Avenir en commun.

    Et pourtant la jonction n’a pas eu lieu.


    La forme institutionnalisée de notre mouvement ajoutée à son expression électoraliste ont révélé deux handicaps auxquels il n’était pourtant pas possible d’échapper.

    Un mouvement même gazeux est un groupement politique régi par la constitution et la loi.

    Et nous présentions une liste aux élections en cours.

    Il n’est pas question ici de prétendre que nous n’aurions pas dû.

    Cet état de fait a permis de réaliser le caractère auto-contradictoire de notre situation.

     


    L’exercice du pouvoir dans le cadre stérilisant de la Ve République – serait-ce un contre-pouvoir aussi énergiquement et brillamment investi par le groupe insoumis à l’Assemblée nationale – produit une défiance immédiate du peuple lorsqu’il prend conscience de ce que précisément ce cadre est hostile.

    Lorsque la répression atteint un tel niveau de violence, non seulement la démobilisation par l’effroi augmente, mais il n’est plus possible de distinguer un consentement minimal aux règles qui permettent des expressions politiques comme la nôtre et une compromission avec le pouvoir qui menace.

    Dans ce contexte de grande violence – et il n’est pas possible qu’un projet aussi alternatif que l’Avenir en commun n’y conduise pas par réaction du pouvoir oligarchique –, l’outil FI identifié à la conquête du pouvoir en Ve République ne peut suffire à produire cette jonction incontournable.

     

    J’ajoute qu’il ne faut pas confondre cette jonction avec une approbation électorale.

    Ce qu’il faut rechercher est un niveau de conscience populaire acquise non seulement à ce qu’il existe une oligarchie bien identifiée qui est dangereuse pour soi socialement et écologiquement, mais aussi à l’idée qu’un rôle politique légitime incombe souverainement à soi en tant que peuple.

    Rien de nouveau ici ; c’est la stratégie de l’ère du peuple.

     

    Mais c’est l’instrument pour produire ce niveau de conscience menant à la révolution citoyenne qui pose problème et qu’il faut résoudre.

    Une piste a été suggérée, celle des « cercles constituants », ni un parti, ni une association, sans doute encore un mouvement ; à ceci près qu’ils n’ont pas d’objectif électoraliste et qu’ils ne concurrencent donc pas l’outil FI tourné vers la conquête du pouvoir d’État en Ve République.

    Et s’il s’agissait au fond de distinguer la perspective constituante et la perspective électorale sans pour autant les opposer ?


    C’est ce questionnement qui gît sous les demandes de réflexion sur le fonctionnement ; pas une minable demande de reconnaissance individuelle.

     


    Comme il ne m’apparaît pas qu’on ait bien perçu cet enjeu soit en niant avec constance la dimension centrale de l’objection relative au fonctionnement, soit en persévérant dans une ambition de sauvetage à court-terme de l’outil, je préfère me libérer des préoccupations et projections qui m’éloignent de cette recherche.


    En attendant, nos chemins se séparent ici pour les raisons que j’ai dites avec la certitude que rien n’a été vain.

     

    La suggestion poétique est de Manon Le Bretton.

    Voici cet extrait de Caminante no hay camino du poète républicain espagnol Antonio Machado.

    Caminante, son tus huellas

    [Toi qui marches, ce sont tes traces]


    el camino y nada más;

    [qui font le chemin, rien d'autre ;]


    caminante, no hay camino,

    [toi qui marches, il n'existe pas de chemin,]


    se hace camino al andar.

    [le chemin se fait en marchant.]

     

    Al andar se hace camino

    [En marchant on fait le chemin]


    y al volver la vista atrás

    [et lorsqu'on se retourne]


    se ve la senda que nunca

    [on voit le sentier que jamais]


    se ha de volver a pisar.

    [on n'empruntera à nouveau.]

     

    J’ajouterais le vers qui précède et que Manon ne m’avait pas suggéré :

    Nunca perseguí la gloria.

    [Je n'ai jamais cherché la gloire.]

     

    À vous, camarades de lutte.
    Charlotte.

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    Médiapart

    Charlotte Girard quitte La France insoumise: le mouvement plus que jamais au bord du gouffre

     

    8 juin 2019 Par Pauline Graulle

    La démission de cette figure de proue du mouvement créé par Jean-Luc Mélenchon est un énième coup de tonnerre dans cette formation en très grave crise interne depuis les élections européennes. Avec quelles conséquences ?

     

     

    C’est un départ de plus, mais pas un départ comme les autres.

    Charlotte Girard, figure de proue de La France insoumise (LFI), très appréciée des militants pour sa loyauté et sa retenue, a annoncé ce samedi 8 juin, en plein week-end de Pentecôte, qu’elle quittait le mouvement.

    Dans un long texte publié par sa camarade Manon Le Bretton – son propre compte Facebook a été supprimé hier –, cette ancienne très proche de Jean-Luc Mélenchon expose, avec une délicatesse qui tranche avec les récentes sorties à la kalachnikov de certains cadres de LFI – notamment celles de Jean-Luc Mélenchon ou de Manuel Bompard –, les raisons de son départ.

    « Comment faire pour dire ce qu’il y a à dire… et pour partir ? Surtout quand il n’y a pas de lieu permettant de s’adresser aux insoumis·es sans qu’une nuée de caméras et de micros fasse écran entre vous et moi », écrit celle qui ne veut pas « déranger ».

    Reste que le contenu de sa note, en dépit de sa subtilité, voire du fait même de son ton calme et serein, est pour le moins « dérangeant ».

    La désormais ex-Insoumise, artisane du programme « L’avenir en commun » de la présidentielle, et qui apparaissait en dernière position (inéligible) de la liste aux européennes, revient sur les ratés des derniers mois.

    La rédaction « chaotique » du programme des européennes ou les « doutes » sur la constitution de la liste – qui avait ouvert une crise au sein du mouvement, après l’apparition des premières interrogations dans la foulée des législatives compliquées de juin 2017.

     

    Elle exprime sa nostalgie pour la campagne présidentielle de 2017 : les « interventions [du candidat d’alors] toujours fondées sur l’explication, jamais sur l’invective », l’époque où LFI « parl[ait] à l’intelligence » et s’occupait « d’éducation populaire ».

    Un anti-portrait de ce que le mouvement, au fil des mois, est devenu : resserré sur lui-même, porté par un Jean-Luc Mélenchon impulsif et explosif, et doté d’une direction coupée de sa base militante.

    « Pour ma part, le chemin fléché par La France insoumise s’arrête. J’ai donné tout ce que je pouvais tant que je pensais que l’outil – le mouvement – était conforme au but – la révolution citoyenne.

    Mais je n’en ai plus la certitude et je n’ai pas la certitude non plus que les efforts qu’il faudrait fournir pour obtenir la refondation interne de l’outil seront au rendez-vous.

    Que ma défiance ne soit pas un obstacle à l’aspiration au changement et à l’effort de réflexion collective qui aura lieu.

    De toute façon, il n’y a pas d’autre voie que le collectif. Allons au bout de l’explication »,

    invite-t-elle, sans probablement trop y croire.

     

    Cela fait des mois que Charlotte Girard s’était mise en retrait.

    À l’automne dernier, elle avait refusé de conduire la liste aux européennes pour des raisons officiellement « personnelles », mais aussi, officieusement, pour des raisons politiques ayant trait à l’organisation interne, jugée trop verticale.

    Cette prise de distance, espérait-elle, susciterait un électrochoc dans le mouvement.

    Mais le changement n’a pas eu lieu.

     

    Quelques mois plus tôt, aux Amfis d’été de LFI organisés en août à Marseille, elle s’interrogeait déjà devant quelques journalistes sur le chemin emprunté par le mouvement, alors même qu’il se tournait vers une ligne plus ouverte à la gauche traditionnelle, mais aussi sur le mode de fonctionnement interne de LFI, selon elle insuffisamment démocratique.

     

    Une critique qu’elle réitérera dans des notes internes ayant fuité dans la presse.

    Dernière en date, celle publiée par Le Monde jeudi dernier , qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans ce mouvement déjà grandement fragilisé par le mauvais score aux européennes et les diverses mésaventures, notamment les perquisitions d’octobre 2018, qu’il avait traversées ces derniers temps 

    « Comme il ne m’apparaît pas qu’on ait bien perçu cet enjeu [de démocratie interne] soit en niant avec constance la dimension centrale de l’objection relative au fonctionnement, soit en persévérant dans une ambition de sauvetage à court-terme de l’outil, je préfère me libérer des préoccupations et projections qui m’éloignent de cette recherche », conclut-elle aujourd’hui.

     

    Charlotte Girard s’était aussi exprimée dans une tribune de Libération pour déplorer le rendez-vous manqué entre LFI et les « gilets jaunes ».

    Persuadée qu’il faut renouer avec le terrain hors du champ partidaire ou institutionnel, elle a lancé, avec des camarades comme François Cocq – qui fut « banni » de LFI par un tweet de Jean-Luc Mélenchon cet hiver –, Manon Le Bretton ou Frédéric Viale, des « cercles constituants » dans plusieurs départements.

     

    Quel sera l’impact de cette démission sur le mouvement ?

    Il est à craindre que son retentissement soit énorme.

    Alors que LFI est en pleine crise interne, que l’hémorragie militante s’accentue et que la « base » soutient de moins en moins une direction jugée de plus en plus illégitime, ce départ très symbolique sera sans doute ravageur.

    Et pourrait annoncer une énième série de départs dans les jours ou semaines à venir.

     

    Mais qui pour prendre sa place ?

    François Ruffin, le très apprécié député de la Somme, n’imagine pour l’instant pas reprendre ce mouvement tumultueux dont il s’est toujours prudemment tenu à l’écart.

    Quant aux députés Alexis Corbière ou Adrien Quatennens, ils sembleraient plus enclins à mettre les mains dans le « cambouis ».

    À moins qu’ils ne jugent eux aussi que LFI est devenue un trop lourd fardeau.

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    Repenser le fonctionnement de la France Insoumise

    [Note intégrale]

    • 7 juin 2019 Blog Médiapart
    Pour parer à une désaffection militante préoccupante, plusieurs dizaines de militant.e.s et dirigeant.e.s de la France Insoumise réclament dans une note interne d'importants changements démocratiques en son sein.
    Et notamment, «d'acter le principe d'une assemblée constituante du mouvement pour la rentrée prochaine» dès l' «Assemblée représentative» convoquée le 23 juin.
     

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