• « 918 Jours » d'Anthony Smith : le combat d’un inspecteur du travail

    « 918 Jours » d'Anthony Smith :

    le combat d’un inspecteur du travail

    Dans 918 Jours, Anthony Smith raconte la bataille kafkaïenne menée pour avoir simplement exercé son devoir, tout en livrant un plaidoyer pour l’indépendance de son métier.

     

    En quelques mois, Anthony Smith est devenu l’un des deux inspecteurs du travail les plus célèbres de France – l’autre étant Gérard Filoche –, mais il se serait bien passé de cette médiatisation soudaine.

    Sa vie bascule en mars 2020, alors que le Covid déferle sur le pays et que les « travailleurs de première ligne » chers à Emmanuel Macron montent au front avec un attirail rudimentaire.

    Appelé au secours par l’Aradopa, une association d’aides à domicile, il constate que la direction refuse de fournir aux employés des équipements de protection basiques, dont des masques.

     

    Dans un premier temps, il se contente d’un simple courrier à l’employeur.

    Mais voyant que la voie non contentieuse reste lettre morte, il décide d’engager une procédure de référé judiciaire comme le prévoit le Code du travail.

    Nous sommes le 11 avril 2020.

    « C’est à ce moment que s’engage la drôle d’histoire que je vais subir, écrit Anthony Smith dans son livre. À 20 h 51, je reçois par mail une convocation de ma hiérarchie pour un entretien en audio le 14 avril. Tout dans ce courrier revêt un aspect prédisciplinaire et mes gestes professionnels y sont largement mis en cause. Je comprends alors, mais sans en maîtriser l’étendue, que des pressions s’exercent pour que je ne dépose pas le référé judiciaire. »

     

    Dans un engrenage qui va bien faillir le broyer

    Le 15 avril dans l’après-midi, il dépose malgré tout le référé devant le tribunal judiciaire de Reims et rentre chez lui avec le sentiment du devoir accompli.

    Il est en réalité pris dans un engrenage qui va bien faillir le broyer.

    « Je viens juste de finir de dîner lorsque, à 20 h 27, je reçois sur mon portable professionnel un SMS de ma directrice régionale qui me notifie la suspension de mes fonctions dans l’intérêt du service, en vue de l’engagement d’une procédure disciplinaire“. »

     

    S’engage alors un bras de fer qui durera exactement 918 jours (d’où le titre du livre), jusqu’à sa victoire en justice en octobre 2022.

     

    L’ouvrage d’Anthony Smith revient évidemment en détail sur l’aventure de l’inspecteur du travail, mais se double aussi d’un vibrant plaidoyer pour l’indépendance de son métier.

    « L’Histoire ne s’arrête pas, écrit-il. Tant que les inspecteurs du travail auront une once de pouvoir dans ce pays, ils se trouveront à faire face à une opposition idéologique mais aussi structurée à travers le patronat et ses relais qui chercheront par tous les moyens à limiter l’exercice de leurs prérogatives. Il en est de même pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses dans les entreprises. »

     

    L’un des grands mérites de son livre est de se hisser au-delà de son cas personnel pour embrasser la cause de tous ceux qui luttent, chacun à leur manière, contre le joug implacable du capital.

    « Mon histoire n’est pas seulement l’affaire Anthony Smith, écrit-il. Elle est celle de tout agent du service public qui refuse de voir la recherche de la rentabilité financière à tout prix l’emporter sur les considérants humains et environnementaux, sur la santé, sur la solidarité, voire sur la démocratie sociale. »

     

    918 jours, d’Anthony Smith, Arcane 17, 180 pages, 13 euros


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter