• Vénézuela - Suite...

    Vénézuela - Suite...

     

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    Bonjour,

    Vous trouverez ci-dessous un article de Franck Gaudichaud et Pedro Huarcaya (l'article est sur le site du cadtm), suivi d'un entretien avec des camarades libertaires de Caracas (article sur le site de Alternative Libertaire). Il y a aussi pas mal de choses sur le site du NPA.

    Ces textes disent à peu près la même chose que le texte de Marea Socialista  : la raison de la crise violente qui frappe le Vénézuela est pour l'essentiel due à des raisons internes. Dire cela, ce n'est pas ignorer la violence des groupes d'extrême-droite, l'ingérence US ou la pression des multinationales.

    De nombreux mouvements de gauche soutiennent le point de vue qu'au Vénézuela, il s'agit d'un pouvoir démocratique et populaire agressé par la droite et l'impérialisme US. C'est le cas de nombreux partis communistes d’Amérique  Latine (Parti communiste du Brésil , de Bolivie, du Chili ou d'Argentine, par exemple), qui félicitent Maduro pour la participation populaire à l'élection constituante et sont solidaires avec le pouvoir contre les ingérences et les agressions fascistes.

    Je ne partage pas ce point de vue. L'argument de l'agression, qui est bien réelle, est très pratique pour éviter de questionner le pouvoir venézuelien. Bien sûr qu'il faut être solidaire, mais il est important de savoir avec qui, et cela dépend forcément de l"analyse qui est faite de la situation.

    Je ne sais pas si le communiqué de Ensemble! fait vraiment débat entre nous. Au vu des échanges, je ne pense pas. En tous cas, personnellement je le trouve très pertinent. C'est un bon point de départ pour débattre et affiner notre position sur cette situation que je trouve très importante pour nous. Le Chavisme/Bolivarisme a été un moment politique marquant pour toute la gauche, bien au-delà de l'Amérique Latine. Il est important de pouvoir en faire un bilan raisonné et critique. Il ne s'agit pas ici d'avoir la prétention de donner des leçons (à qui et quel titre ?), mais d'en tirer des enseignements utiles sur notre façon de construire l'alternative et de voir l'articulation pouvoir d'Etat/partis politiques/mouvements sociaux.

    Amicalement,

      

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    http://www.cadtm.org/Venezuela-Chaos-economique

    Venezuela : Chaos économique, violences et recherches d’alternatives

    2 mai par Franck Gaudichaud , Pedro Huarcaya

     

    La polarisation entre soutiens et détracteurs du gouvernement Maduro s’accentue au Venezuela avec des conséquences tragiques sur fond de crise économique profonde et de retournement de conjoncture politique dans toute l’Amérique du Sud.

    Depuis plusieurs semaines, le Venezuela semble plongé dans le chaos où les manifestations de l’opposition et contre-manifestations du gouvernement Maduro, suivie d’affrontements violents, sont à l’origine de la mort de plus de vingt personnes. La MUD (Table de l’Unité Démocratique), coalition hétéroclite, revendique la tenue d’élections générales immédiates pour mettre fin au gouvernement de Nicolás Maduro. La situation s’est envenimée lorsque, le 30 mars dernier, le Tribunal Suprême de Justice (acquis à l’exécutif) a choisi de déposséder l’Assemblée Nationale (aux mains de l’opposition) de ses prérogatives, en se basant sur la présence de 3 parlementaires élus de manière frauduleuse en son sein. Face au scandale qu’une telle mesure a soulevé, les autorités vénézuéliennes ont finalement fait marche arrière, tout en condamnant le candidat de l’opposition aux deux dernières élections présidentielles, Henrique Capriles, à quinze ans d’inéligibilité…

    Cette dérive autoritaire du gouvernement ne touche pas seulement les élites politiques opposantes. Les élections régionales et syndicales sont aussi reportées sine die… Des « Organisations de Libération du Peuple » (OLP), chargées de rétablir la sécurité dans les quartiers populaires, sont accusées de plusieurs dizaines d’assassinats par les organismes de défense des droits de l’homme. Et des formations politiques jusque-là proches du « chavisme critique » et indépendantes du PSUV (parti de Maduro) comme Marea Socialista ou le Parti Communiste Vénézuélien, doivent désormais se plier à des conditions draconiennes pour tenter de conserver une existence légale.

    Quant à la MUD, elle est clairement dominée par les néolibéraux et centrée sur un projet politique de revanche sociale, proimpérialiste et de restauration d’un gouvernement « stable » au service des classes possédantes et du capital international. Rappelons que lors du coup d’État avorté d’avril 2002, ces mêmes opposants avaient destitué immédiatement toutes les autorités légales et exercé une répression immédiate sur la population et les partisans de Chávez…

    Que Nicolás Maduro se maintienne au pouvoir ou qu’un gouvernement « d’union nationale » soit mis en place, la situation des classes populaires vénézuéliennes demeure très préoccupante. L’économie du pays, prisonnière de l’extractivisme et la rente pétrolière, subit de plein fouet la chute brutale des cours du pétrole depuis l’été 2014. Dans une fuite en avant désespérée, le gouvernement accélère son megaprojet d’exploitation minière autour de la frange de l’Orénoque, sous contrôle des militaires et en alliance avec des multinationales, qui à terme devrait concerner 12% du territoire national, au détriment de l’environnement, de la biodiversité exceptionnelle de cette zone et des nombreuses communautés indigènes qui y vivent.

    D’autre part, l’explosion du marché noir, l’effondrement de la monnaie nationale, la « guerre économique » menée par une partie des grandes entreprises privées et l’immense corruption de nombre de hauts fonctionnaires et d’une « bourgeoisie bolivarienne » toujours plus arrogante, font que les Vénézuéliens sont confrontés à d’immenses pénuries de nourriture, de services et de médicaments : la faim est en train de réapparaître dans plusieurs quartiers de Caracas. Un autre phénomène concourt à l’affaiblissement de Maduro : l’arrivée au pouvoir des droites conservatrices dans plusieurs pays latino-américains et ainsi une perte de soutien régional.

    Cette situation générale de régression politique et sociale n’augure rien de positif pour les classes populaires vénézuéliennes. Si nous dénonçons évidemment toute tentative de déstabilisation extérieure, notre solidarité va avant tout au mouvement social, indigène et ouvrier du pays, à celles et ceux d’en bas et aux forces de la gauche critique qui tout en dénonçant les projets de restauration néolibérale de l’opposition et le népotisme « boli-bourgeois » cherchent à se frayer, dans des conditions très difficiles, une voie indépendante du gouvernement, clairement anticapitaliste et autogestionnaire.

     

    Auteur.e

     

    Franck Gaudichaud 

    est maître de conférences en études latino-américaines à l’Université Grenoble-Alpes (France) et actuellement chercheur invité à l’Université du Chili. Membre du collectif éditorial du site www.rebelion.org et de la revue ContreTemps (papier et web). Co-président de l’association France Amérique Latine. Contact : franck.gaudichaud@u-grenoble3.fr.

     

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    http://www.alternativelibertaire.org/?El-Libertario-Venezuela-Le-chavo-madurisme-n-est-rien-moins-qu-une-dictature

     

    El Libertario (Venezuela) : « Le « chavo-madurisme » n’est rien moins qu’une dictature pure et simple »

     

    Le Venezuela est en prise avec un mouvement social sans précédent. Le gouvernement Maduro se maintient au pouvoir et use d’une sanglante répression, faisant peser le spectre d’une véritable guerre civile. L’illusion d’une prétendue « Révolution bolivarienne » au service du peuple, telle qu’elle était vendue par Hugo Chavez à l’aube du XXIe siècle, craquelle sous le joug d’une réalité sociale dramatique. Entretien avec des militant-e-s du groupe El Libertario de Caracas sur leur action et leur analyse.

    Alternative Libertaire : Depuis quatre mois, la situation politique et sociale au Venezuela est très tendue avec des manifestions constantes contre le gouvernement Maduro. Pouvez-vous revenir sur les raisons de cette révolte ?

    El Libertario : Le gouvernement prétend que ce mouvement est le résultat d’une vaste conspiration de l’impérialisme US, de la bourgeoisie et de l’opposition d’extrême droite. Cette explication, très empreinte de vieilles recettes staliniennes, est simpliste et en grande partie fausse.

    Les causes essentielles du mécontentement sont en lien avec la situation économique qui est catastrophique, conséquence de notre dépendance exclusive de l’exportation de "notre" pétrole. Maintenant, que cette extraction est moindre et que, surtout, les cours du pétrole sont en chute libre, c’est toute l’économie du pays qui s’en ressent. Le mirage économique du Venezuela de Chavez et l’idée fausse de cette inépuisable rente pétrolière, qui il y a quelques années faisait encore illusion de "construire le socialisme", est entrain de s’effondrer, et avec eux les acquis sociaux et une paupérisation vertigineuse des classes populaires.

    Un autre aspect à mettre en avant, dans ce contexte de révolte populaire, a trait à la nature même des gouvernements qui se sont succédé depuis 1999, avec comme caractéristiques communes : une corruption galopante, une incompétence réelle et un autoritarisme exaspérant avec son lot de répression et de violence d’Etat.

    Aujourd’hui, le "chavo-madurisme" n’est rien moins qu’une dictature pure et simple.
    L’opposition institutionnelle au Chavisme, une alliance de partis socio-démocrates et de droite, appelée Table d’Unité Démocratique (MUD), prétend être l’unique représentant de ces manifestations de masse. Dans les faits, le mouvement est la conséquence de la crise économique et de la lassitude populaire de voir cette caste politico-militaire s’accrocher au pouvoir.

    Élément relativement nouveau, c’est la participation, désormais, massive aux manifestations du “peuple d’en bas”. Quels éléments expliquent cette rupture entre le peuple et le Chavisme ?

    Il y a toujours eu des secteurs critiques au sein du peuple, notamment dans le monde syndical, qui ne nourrissaient aucune confiance envers les sirènes de Chavez. Ces groupes minoritaires il y a encore 14 ou 12 ans, n’ont cessé de croître avec la disparition de l’incontestable charisme de Chavez, dont la mort coïncida avec le recul des recettes de la rente pétrolière.

    A partir de là, a cessé l’illusion de l’inconditionnel appui populaire du régime, et ce d’autant que devenaient patent ses dérives (corruption, inefficacité et répression).
    Un des symboles de ce divorce, a trait à la politique sociale du Chavisme. Pendant des années, le régime vantait sa politique sociale, en lien avec une supposée répartition et redistribution des ressources issues du pétrole. Il mettait, notamment, en avant de ce que l’on appelait les “missions", à savoir : un vaste programme visant à améliorer le quotidien des plus pauvres (magasins populaires, assainissement des quartiers, droit à la santé et à l’éducation). Depuis l’avènement de Maduro, les “missions” ont été stoppées net. D’où l’accroissement du mécontentement et de l’implication, désormais, des classes populaires dans le processus actuel de mobilisation.

    Quel est le rôle joué et le poids du mouvement libertaire au sein de ce mouvement contre Maduro ?

    L’anarchisme a toujours été présent dans la tradition historique de la lutte de classe au Venezuela, comme dans une grande partie, d’ailleurs, des pays d’Amérique latine. Une tradition, néanmoins, plus faible aujourd’hui, en dépit des efforts que nous efforçons de faire, depuis 1995, autour de notre groupe et de notre journal El Libertario.

    Même si incontestablement, nous représentons une minorité militante dans le paysage politique du pays, nous tâchons de nous inscrire dans toutes les luttes sociales.

    Nous y affirmons notre identité en opposition envers toute forme de pouvoir autoritaire (qu’il se dénomme “gouvernement” ou partis d’opposition). Nous y défendons nos mots d’ordre : autogestion, action directe et autonomie des mouvements sociaux.

    Quelles perspectives ouvre ce cycle de contestation ? Ne craignez vous pas que la fin possible du Chavisme ne soit pas pas du pain béni pour un retour aux affaires de la vieille oligarchie aux ordres de Washington ?

    De notre point de vue libertaire, nous luttons pour une société égalitaire, la liberté et la fraternité. Aussi, notre perspective immédiate est la bataille, frontale et sans concession, que nous menons contre la caste "chavo-maduriste", qui sous couvert de discours pseudo "socialiste" et "révolutionnaire" détient, pour l’heure encore, les rênes du pouvoir.

    En même temps, nous ne nous faisons aucune illusion sur ce qui pourrait advenir sitôt le Chavisme renversé. Nous avons la conviction, en tant qu’anarchistes, que notre lutte se poursuivra quel que soit le gouvernement au pouvoir, qu’il soit aux ordres de l’impérialisme yankee ou de La Havane.

    Propos recueillis et traduction par Jérémie Berthuin (AL Gard)


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