• Télétravail : les salariés fixent leurs conditions

    Télétravail : les salariés fixent leurs conditions

     

     

    Mardi 7 Septembre 2021
     

    Dans une enquête nationale, l’Ugict-CGT révèle que le travail à distance, bien que plébiscité, reste dégradé pour de nombreux salariés. Pour que cette pratique soit synonyme d’avancées pour les travailleurs, le syndicat appelle à l’encadrer strictement.

     

    Pour des milliers de salariés, le plus souvent des cadres ou des employés de bureau, mars 2020 a marqué un véritable tournant. Alors que de nombreux travailleurs en « première et deuxième lignes » ou cols bleus bravaient le risque épidémique sur site, eux se sont retrouvés cloîtrés à domicile du jour au lendemain, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Décrété précipitamment comme une solution pour lutter contre la propagation du Covid, le télétravail était alors synonyme de dégradation manifeste des conditions de travail. Un an après, la nouvelle donne semble à présent être entrée dans les mœurs. L’expérience des salariés a-t-elle pour autant changé ?

    C’est la question qu’a cherché à éclairer l’enquête de l’Ugict-CGT parue ce lundi, qui compile le bilan que tirent 15 000 salariés de cette année de travail à distance. La première observation de l’étude est celle d’une grande adhésion à ce nouveau mode de travail. Selon les résultats récoltés, 98 % des répondants déclarent souhaiter continuer à travailler depuis leur domicile une fois l’épidémie de Covid passée. Les raisons de cet engouement paraissent inchangées depuis 2020 : « Gagner du temps de transport, gagner en autonomie et en concentration », liste Sophie Binet, cosecrétaire générale de l’Ugict. « Depuis janvier 2021, j’ai l’impression d’arriver à tout gérer, ma vie professionnelle, privée et associative, alors même que je travaillais plus. Ça m’a permis de prendre la présidence de deux associations alors que je n’avais pas le temps avant. J’ai plus de souplesse dans l’organisation de ma journée, j’aime ce côté variable », se réjouit d’ailleurs Mathilde (1), cheffe de projet au ministère de la Santé, en télétravail.

    L’anxiété et le stress sont devenus monnaie courante pour beaucoup

    Pour autant, si la moitié des répondants à l’enquête ont jugé très positivement cette année de travail à domicile, de très nombreuses difficultés ternissent un bilan à prendre en compte alors que le labeur à distance n’est plus recommandé par les autorités sanitaires et que les négociations débutent dans les entreprises sur l’instauration d’un télétravail choisi. « La comparaison entre les résultats de cette étude et de celle que nous avons conduite en 2020 montre que le télétravail en mode dégradé du premier confinement est resté la norme et qu’il y a un non-respect massif de principes fondamentaux du Code du travail », constate Sophie Binet. Face à des temps de travail qui ont augmenté pour presque la moitié des répondants et une intensité accrue, l’anxiété et le stress sont devenus monnaie courante pour beaucoup. « J’ai beaucoup de mal à me fixer des limites dans mon temps. À un moment donné, je travaillais quasiment quatorze heures par jour », confirme Mathilde. Si la proportion de salariés dont la santé mentale s’est détériorée a diminué par rapport à 2020, les chiffres restent préoccupants. «  Parmi les salarié.e.s qui déclarent vivre mal le télétravail, 50 % présentent en parallèle un symptôme dépressif, contre seulement 11 % parmi celles et ceux qui le vivent bien », souligne l’enquête. En comparaison, seuls 10 % des actifs occupés déclaraient un symptôme dépressif en 2016, selon la Dares.

     

    Principale inquiétude pointée par les salariés, l’isolement du collectif de travail continue de faire des ravages. Deux tiers des participants ont répondu s’être déjà sentis isolés, dont 24 % régulièrement (lire nos témoignages ci-contre). Au total, depuis mars 2020, un tiers des travailleurs interrogés estiment que leur sens du travail et leur qualité de vie au travail se sont dégradés.

    Pour l’Ugict-CGT, la persistance de ces différents problèmes tient principalement au fait que les employeurs n’ont pas été obligés de négocier des accords d’entreprise et que les réglementations nationales en la matière n’offrent pas de cadre assez contraignant. « Contrairement aux discours du gouvernement et du patronat, ceci confirme qu’il est illusoire de se reposer sur la bonne volonté des employeurs pour encadrer le télétravail », note le syndicat. Ainsi, 7 répondants de l’étude sur 10 ont indiqué que leur employeur ne participe pas, même partiellement, aux frais engendrés par le télétravail. Pire, certains patrons ont profité de ce prétexte épidémique pour s’engager dans des restructurations, se séparant parfois de leurs locaux et condamnant de facto leurs salariés au télétravail à temps complet.

     

    L’accord national interprofessionnel n’est pas à la hauteur des enjeux

    Pour l’Ugict-CGT, un encadrement strict du télétravail est la condition sine qua non pour que celui-ci ne soit plus entaché d’aussi nombreux obstacles et soit enfin synonyme d’avancées pour les travailleurs. En la matière, l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu en novembre 2020, signé par tous les syndicats sauf la CGT, n’est pas à la hauteur des enjeux, selon le syndicat. « Les résultats de notre enquête montrent bien les grandes insuffisances de cet accord. Depuis son entrée en vigueur, il n’est plus obligatoire de mentionner le télétravail dans le contrat de travail, un seul accord peut suffire », souligne Sophie Binet. Malgré tout, une dernière carte reste à jouer pour défendre les droits des télétravailleurs : celle de la négociation européenne. « L’ancien ANI de 2005 est une transposition d’un texte européen de 2002. Ce sujet sera donc à nouveau une priorité pour les organisations syndicales au niveau européen », explique Nayla Glaise, membre du présidium d’Eurocadres, syndicat européen des cadres. Des négociations s’ouvriront début 2022.

    (1) Le prénom à été modifié.

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