• Télécoms. Chez Orange, la libéralisation des numéros d’urgence au banc des accusés

    Télécoms.

    Chez Orange,

    la libéralisation des numéros d’urgence

    au banc des accusés

     

     

    Si l’incident gravissime de l’accès aux numéros d’urgence interroge en interne, il n’est pourtant pas un cas isolé.

    « La déréglementation et la financiarisation du secteur sont à l’origine de ces problèmes », résume la CGT.

     
     
    Cette histoire est un trauma pour la boîte.
     

    « Cette histoire est un trauma pour la boîte. Le malaise interne est extrêmement fort », confie d’emblée Sébastien Crozier. Certes, une enquête interne, ouverte chez Orange, tente de déterminer les causes exactes de la panne géante qui a affecté dramatiquement l’accès aux numéros d’urgence, mais pour le président de la CFE-CGC chez l’opérateur il est désormais urgent de « repenser tout le modèle et de comprendre, enfin, que les télécommunications sont un service vital pour la nation que l’on doit protéger de la logique de marché. »

    Car si la gravité de l’incident justifie l’ampleur particulière qu’il a prise, ce type de panne n’est pas une exception, et « fait suite à une recrudescence d’incidents plus localisés mais de même type », rappelle la CGT qui cite en exemple l’Oise, la Haute-Savoie ou encore Narbonne où des événements similaires « ont récemment touché les services d’urgence ». Et pour le syndicat, « la multiplicité de ces situations ne peut pas être due à des erreurs humaines », mais révèle bien « une politique industrielle défaillante ». Ouverture à la concurrence, explosions de la mise en sous-traitance, sous-investissement chronique, plans massifs d’économies et de suppressions de postes, pertes de savoir faire, rallongement des délais d’intervention…, « la déréglementation et la financiarisation de notre secteur d’activité sont à l’origine de ces problèmes », affirme le syndicat.

     

    Perte de compétences

     

    En clair, la stratégie du groupe piloté par Stéphane Richard est clairement mise en cause par les représentants des salariés. La direction « a perdu depuis longtemps le sens du service public », déplore ainsi SUD-PTT. « Orange a fait le choix irresponsable et coupable de perdre la maîtrise de ses résultats, de ses processus et de ses compétences avec des dispositifs de contrôle de la qualité largement inopérants », poursuit le syndicat qui rappelle que « 70 % des emplois de techniciens n’ont pas été remplacés en 10 ans et (que) la chaîne technique d’Orange n’intervient quasiment plus ».

    Mais il est un autre acteur majeur dont la stratégie mortifère est à mettre à l’index, soulignent les syndicats : l’État. Car si cette panne catastrophique résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs technologiques et organisationnels, la libéralisation du secteur orchestré par les politiques publiques depuis des années a répondu à la question centrale de l’accès aux numéros d’urgence par l’absurde. « Ces numéros ont été attribués à Orange par appels d’offres avec un cahier des charges édicté directement par le ministère de l’Économie », rappelle Sébastien Crozier. Un système par essence inopérant : « La durée de l’appel d’offres court sur trois ans. Or, le moindre investissement qui permettrait d’améliorer le réseau et l’infrastructure est par définition bien supérieur à la durée de l’appel d’offres. Quel intérêt alors, un opérateur a-t-il d’investir ? », interroge, perplexe, le syndicaliste. À l’évidence, la complexité du système – qui doit permettre un accès rapide et sécurisé à la fois à la santé, la police, les pompiers -, la multiplication des opérateurs intervenants et le caractère vital du service, imposent un changement de braquet radical. « Force est de constater que la privatisation du secteur est un échec », en conclut pourtant la CGT qui milite pour que soit mise sur la table « la question de la reconquête d’un service public des télécommunications ». Mais pas seulement. « Il faut un responsable interministériel qui ait la responsabilité de ces numéros d’urgence », plaide la CFE-CGC : « Aucun opérateur, même public, ne devrait avoir à en assumer la charge ».

     

    Retour de la maîtrise publique

     

    Un retour de la maîtrise publique d’autant plus indispensable que « cette panne doit aussi interroger sur les procédures d’exploitation d’autres réseaux stratégiques, comme celle des centrales nucléaires ou des réseaux de transport », insiste SUD-PTT. D’autant plus indispensable aussi que ces incidents risquent de se multiplier. « À chaque fois qu’il y a des intempéries, une tempête, que les poteaux électriques sont arrachés, que les centraux sont inondés, à chaque fois que du fait de la concurrence, n’importe qui intervient sur les armoires électriques sans forcément savoir le faire… des centaines de personnes n’ont plus accès au téléphone et donc aux numéros d’urgence », souligne Sébastien Crozier. Pour le syndicaliste, la réflexion doit donc se porter bien au-delà de la seule affaire de la panne survenue chez Orange. « Il faut repenser tout ce système, mettre en place des plans d’urgence car on sait aussi que pendant le covid, l’accès aux numéros d’urgence a failli planter des tas de fois et que si un attentat survient, le système ne résistera pas… »


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