• Primaire démocrate: le grand retour de Joe Biden

    Primaire démocrate: le grand retour de Joe Biden

     

    4 mars 2020 Par Mathieu Magnaudeix Médiapart
     

    L’ancien vice-président de Barack Obama, dont la campagne était jusqu’alors moribonde, semble devoir remporter le Super Tuesday.

    Désormais, il est devenu le rempart de la direction du parti démocrate et de ses électeurs centristes face à Trump… et Bernie Sanders.

     

     

    Tous les résultats ne sont pas encore connus, mais la leçon principale de ce Super Tuesday du 3 mars, où quatorze États et un territoire (les Samoa américaines) ont désigné leur candidat, tient en quelques mots : l’ancien vice-président Joe Biden, dont la campagne était moribonde et à court de cash fin février, est devenu en quelques jours le favori de la primaire démocrate, ravissant la couronne à Bernie Sanders.

     

    Ce favori est bancal et plein de défauts.

    Son message politique consiste à revenir à l’avant-Trump, à promettre l’apaisement du pays.

    Son chemin sera long jusqu’à la nomination, et plus rocailleux encore s’il doit affronter Trump dans quelques mois.

    Son électorat est âgé, bien plus que celui de Sanders.

     

     

    En quelques jours pourtant, Joe Biden, profitant de ralliements en série et d’une excellente performance en Caroline du Sud, a prouvé qu’il était le seul candidat « modéré » capable d’assembler une large coalition électorale.

    C’est ainsi qu'il a rassemblé le camp centriste du parti démocrate.

    Il promet de regagner le Sénat et de contribuer à faire gagner des candidats locaux.

     

     

    Lors de ce Super Tuesday, celui qui, jusqu’à la semaine dernière, n’avait jamais gagné un État en trois candidatures présidentielles en a remporté dix et une majorité des délégués mis en jeu.

    Il décroche notamment, avec des marges confortables, la modérée Virginie et plusieurs États du Sud (Alabama, Tennessee, Oklahoma, Caroline du Nord) et le Massachusetts, l’État d’Elizabeth Warren, où Bernie Sanders avait bâti une organisation poussée.

    Mais aussi, avec une marge plus restreinte, le grand Texas, où il n'était pas le favori.

     

    « Des gens parlaient de révolution, nous avons lancé un mouvement et augmenté la participation », a proclamé Joe Biden depuis Los Angeles (Californie), interrompu brièvement par des militants animalistes.

     

    Le succès de Biden s’est construit en quelques jours.

    Samedi 29 février, celui-ci remporte près de 48 % des voix dans la primaire en Caroline du Sud, un État où 66 % des électeurs démocrates sont afro-américains.

    Pete Buttigieg, qui l’avait devancé dans deux des trois premières primaires, est à 8 %.

     

    Le lendemain, Buttigieg annonce son retrait, avant même le Super Tuesday.

    Klobuchar aussi, le jour suivant.

    Plusieurs poids lourds du parti apportent leur soutien.

    « L'idée de ma candidature était d’unir le pays pour battre Donald Trump […] C’est au nom de cet objectif que je suis heureux de soutenir Joe Biden », dit Buttigieg, qui s'en prend aux « gens qui divisent ».

    Il cible Bernie Sanders.

     

    Ce 3 mars, Biden a confirmé ses scores excellents dans les États du Sud où l’électorat démocrate est souvent noir et politiquement modéré.

    Cela ne signifie pas que Biden est devenu le seul candidat des Noirs états-uniens.

    Cet électorat n’est pas monolithique.

    « Biden fait de bons scores avec les électeurs noirs du Sud, s'agace l’essayiste Ibram X. Kendi sur Twitter.

    Pourquoi est-ce si dur d’être précis ? »

     

    En face, Bernie Sanders peut être déçu :

    ce scrutin s’est beaucoup moins bien passé qu’il ne l’attendait. 

    Il a été pris de court par la rapide consolidation d’un pôle centriste jusqu’alors éparpillé.

    Le sénateur remporte l’État du Vermont où il est élu depuis 1981, le Colorado, l’Utah et surtout la Californie, l’État délivrant le plus de délégués (un dixième du total de la primaire).

     

    Sanders fait toujours très fort parmi les jeunes et les Hispaniques.

    Mais, par-delà la Blitzkrieg tactique menée par le parti démocrate, il ne semble pas être parvenu à étendre substantiellement sa coalition électorale.

    C’est pourtant sur cette stratégie d’expansion de l’électorat (plus middle-class, plus diverse, etc.) qu’il compte pour contester la coalition habituelle du parti démocrate et se poser en rassembleur face à Trump.

     

    Dans son discours mardi, Sanders a indiqué comment il entendait cibler Biden : « Vous ne pouvez pas battre Trump avec une politique old school. »

     

    Avant la prochaine primaire, mardi 10 mars, organisé dans le Mississippi, le Missouri, l’Idaho, le Dakota du Nord, et l’État de Washington, le sénateur entend rappeler les « dossiers » de Biden :

    son soutien à la guerre en Irak,

    son plaidoyer pour des coupes budgétaires dans la santé lorsqu'il était sénateur,

    son soutien aux traités de libre-échange comme l’Alena, etc.

    Avec l’ancien vice-président, la liste des revirements, des erreurs (qu'il a lui-mêmes reconnues) est de fait assez longue.

     

    De cette soirée qui ouvre une nouvelle phase de la primaire démocrate, a priori un duel entre deux septuagénaires opposés politiquement et qui se connaissent depuis des lustres, deux autres enseignements peuvent être tirés.

    Le premier est que malgré son demi-milliard de dépenses en publicités, le milliardaire Michael Bloomberg, douzième homme le plus riche du monde selon Forbes, n’a pas réussi à acheter la primaire démocrate.

    S’il dépasse le seuil de viabilité de 15 % dans cinq États, il n'a gagne que dans les Samoa américaines et obtient peu de délégués.

    Sans doute pas assez pour prétendre être le faiseur de roi à la convention de juillet.

    Au lendemain du Super Tuesday, constatant que la nomination est  désormais inenvisageable, Mike Bloomberg s'est finalement retiré et a annoncé son soutien à Biden, le candidat ayant « le plus de chances » de battre Trump, selon lui.

     

    L’autre leçon est le décrochage continu d’Elizabeth Warren.

    La sénatrice sociale-démocrate ne dépasse les 15 % que dans six États, et termine troisième sur sa terre d’élection, le Massachusetts.

    La gauche pro-Sanders devrait lui demander encore plus bruyamment de quitter la course afin de constituer un axe progressiste face à Biden.

     

    Encore faut-il qu’elle le souhaite. Elizabeth Warren s’est souvent présentée comme la candidate de l’« unité » du parti démocrate.

    Récemment, elle a reproché à Sanders de « hurler », considérant qu’il n’avait pas obtenu beaucoup de victoires politiques au cours de sa carrière.

    Selon son directeur de campagne Roger Lau, elle a désormais pris acte de résultats « décevants » et réfléchit à l'étape suivante.

    «La décision est entre ses mains, elle a besoin de temps et d'espace pour considérer la suite. »


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