• Le Parlement accorde un coup de pouce aux retraites des conjoints d'agriculteurs

    "Le Sénat à majorité de droite a adopté sans modification cette proposition de loi du chef de file des députés communistes André Chassaigne, votée à l'unanimité en juin par l'Assemblée nationale."

     

    Le Parlement accorde un coup de pouce aux retraites

    des conjoints d'agriculteurs

    La proposition de loi, adoptée jeudi, prévoit une revalorisation pour les retraités actuels et futurs, dont le montant variera en fonction des situations.

    France Info >>>>>

     

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    Revenus. Il y a plus pauvre que le retraité agricole : sa femme

     

    Jeudi 9 Décembre 2021
     

     

    Celles qui ont travaillé à la ferme pendant quarante ans touchent des pensions de misère.

    La loi Chassaigne 2 doit permettre une hausse de 70 à 100 euros par mois pour ces paysannes.

     

    Pour l’occasion, Josiane Landat a ressorti tout son dossier de retraite : quarante-deux années de cotisation qui dessinent sa vie à la ferme, ses semaines de 50 heures et sa pension… 532 euros par mois.

    À ce « petit » compte-là, il faut être précis : « On est à un euro près », lâche-t-elle.

     

    Chez les Landat, l’agriculture, c’est une affaire de famille.

    « Mes parents étaient agriculteurs, mes beaux-parents aussi, tout comme mon mari et moi. Et désormais mes deux fils. J’espère que ça va s’arrêter là. »

    Josiane se serait bien choisi un autre destin : travailler à la maison de retraite ou être ouvrière à l’usine.

    « Je n’en serais pas là aujourd’hui. On s’est tués à la tâche, j’ai le dos en vrac et je finis avec une retraite minable. »

    Installée en 1971, « toute jeune mariée », comme elle le dit, dans la ferme de Beaumont en Périgord transmise par ses beaux-parents, elle s’occupe de la gestion et des vaches laitières.

    « On avait aussi une production de tabac », retrace-t-elle.

     

    « Conjoint participant aux travaux »… sans salaire

    Huit ans après sa fin d’activité, Josiane Landat ne décolère pas.

    « Dès le départ, j’ai voulu m’installer comme co-cheffe d’exploitation avec mon mari. Mais, à l’époque, c’était interdit. »

    S’installer en Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun) entre conjoints n’a été autorisé qu’en 2010, à trois ans de sa retraite.

    Elle a donc d’abord été « conjoint participant aux travaux »… sans salaire, et avec les très maigres cotisations qui vont avec.

    Et puis, pendant dix-sept ans, cheffe d’exploitation.

    « Il m’a manqué deux trimestres pour avoir le droit à une carrière complète comme cheffe d’exploitation. Mais ça, je n’en savais rien », enrage-t-elle.

    À eux deux, ils vivent avec 1 422 euros.

    « On se débrouille comme on peut », laisse en suspens la sexagénaire.

    Il y a bien la parcelle « de subsistance », comme le Code rural a baptisé ces surfaces que l’État laisse aux anciens exploitants pour se nourrir.

    Avec son mari, ils y cultivent des noix qu’ils vendent : « Ça nous fait un petit plus : 150 à 200 euros par mois. »

     

    La proposition de loi portant sur la revalorisation des petites retraites agricoles, portée à bout de bras par le député communiste du Puy-de-Dôme André Chassaigne, doit permettre d’augmenter de 70 à 100 euros la pension de Josiane et de 200 000 autres anciennes agricultrices à partir du 1er janvier.

    Elle doit être votée ce jeudi au Sénat, après avoir été adoptée par l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 17 juin.

    « C’est l’aboutissement d’une longue bataille, de beaucoup de travail pour convaincre tout le monde », confie le député.

    « En 2016, sur ma circonscription, je me suis fait bousculer, à la Maison des paysans, par les retraités agricoles. Ils nous ont à nouveau alertés sur leur situation et encore plus sur celle de leur épouse », se souvient André Chassaigne.

    À l’époque, des dossiers de femmes qui ont « trimé toute leur vie, sans aucune reconnaissance », Roger Tréneule, le président de l’Association nationale des retraités agricoles de France (Anraf), en a plein les tiroirs.

    Il faut dire que les 493 000 femmes affiliées au régime des non-salariés agricoles touchent une pension de 632 euros en moyenne par mois. 

    En France, la pension moyenne des femmes s’établit à 1 145 euros.

    Pour celles qui ont accompli toute leur carrière sous le statut de conjoint collaborateur, c’est 570 euros par mois.

    Pour leur mari, chef d’exploitation, c’est un peu plus : 699 euros.

     

    Pour être sûr de remporter ces vraies avancées, le choix a été fait de porter deux propositions de loi : la première, appliquée depuis le 1er novembre, garantit aux seuls chefs d’exploitation une pension à 85 % du Smic.

    La deuxième loi, votée ce 9 décembre, s’occupe des « conjoints collaborateurs ».

     

    Pendant longtemps, « je n’étais rien du tout »

    Ces sous-statuts de conjoints participant aux travaux, puis, à partir de 1999, de conjoints collaborateurs sont « des trappes à misère », poursuit le député, qui propose de limiter ce statut à cinq ans.

    « Pendant longtemps, on a tout simplement ignoré les femmes dans l’agriculture. Elles étaient considérées comme étant sous protection du chef d’exploitation, sans salaire avec des cotisations très basses. Ce sont vraiment des sous-statuts avec des protections minimales. C’est bien simple, les agriculteurs touchent moitié moins que les salariés, et les agricultrices touchent un tiers de moins que l es agriculteurs », explique Roger Tréneule.

     

    Il faut dire que dans les champs le revenu est faible.

    « Quand on tire le diable par la queue, on n’hésite pas à couper là où on peut… et souvent les cotisations, vues comme une charge et pas un salaire différé », reprend André Tissot, à la commission des anciens de la Confédération paysanne.

    Et puis, la profession agricole a longtemps traîné des pieds, son régime d’assurance-vieillesse n’a été créé qu’en 1955.

    « Le syndicat majoritaire a refusé de suivre le Conseil national de la Résistance à l’époque de la création de la Sécu. Soixante ans après, les cotisations sont encore trop vues comme un épouvantail », insiste Roger Tréneule.

     

    Cette bombe à retardement produit encore ses effets sur les paysannes.

    En Haute-­Savoie, Anne-Marie Ducruet, 80 ans, en sait quelque chose.

    Après quarante années de labeur, elle touche depuis bientôt dix-huit ans « 800 euros, parce que (elle) (a) eu quatre enfants. (S)a retraite de base, c’est 600 euros ».

    Pendant longtemps, elle n’a été « rien du tout », comme elle le dit, dans l’exploitation de son mari.

    Elle était une femme, il cotisait pour elle.

    Pourtant, elle travaillait dur, elle y a été jusqu’au cou.

    « Je me suis beaucoup donnée : vous auriez vu mes veaux, ils étaient magnifiques, j’en étais fière, je les ai tous choyés », se souvient-elle.

    Elle a tout appris « des pionnières féministes dans les campagnes qui nous donnaient des formations » :

    « On faisait passer les permis de conduire aux femmes, on s’entraidait. »

    Elle a fini par l’aimer, ce métier qui ne rémunère pas et maltraite souvent ses petites mains. 

    Mais, au départ, elle doit bien l’avouer :

    « J’aimais plus mon mari que le métier », lâche-t-elle délicatement.


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