• Le Chat CRS et la sourie anarchiste.

    L'Avis de mes Potes

    Le Chat CRS et la sourie anarchiste.

     

     

    Ce soir, j'ai une nouvelle petite histoire à vous raconter. J'ai un joli conte venu tout chaud de la manif avec un bien brave policier bien aimable et tout fier d'être embrassé par Renaud, tout dévoué à notre protection en nous fouillant et confisquant nos agressives lunettes anti gaz qui piquent, nos masques anti gorges qui brulent. Et puis, j'ai aussi un grand révolutionnaire très fier et plein de bravoure, sans peur ni reproche descendant vaillamment quelques symboles du capitalisme triomphant (pas pour longtemps, il arrive). Mais avant...

     

    Avant, je dois dire le moment où se passe ma belle histoire de gros chat viril protecteur et de petite sourie noire révolutionnaire. Ce beau jeudi tout ensoleillé était vraiment un jour exceptionnel qui ne demandait qu'à rentrer dans l'histoire : il ne pleuvait pas (ça c'est pour nos grands médias libres à la pointe de l'info). Par honnêteté, je dois tout de même signaler le point tout à fait marginal que ce jour s'inscrit sans timidité aucune dans un événement tout à fait extraordinaire appelé à entrer dans les fiers souvenirs de l'histoire du pays : la « rue » est en passe de gagner contre l'autorité impériale républicaine.  La « rue » ? C'est le nouveau mot pour dire le vieux et ringard « citoyen ». La rue ? Ben la majorité, le peuple, les manants qui ne veulent pas comprendre les grands de ce monde. Bref, les genre chienlit qui lorsqu'ils se font entendre et s'imposent font un exploit, quelques fois carrément une Révolution. Salut, je te salue citoyen sans dent. Aujourd'hui est jour de dignité, on fera plier ces majestés. Aujourd'hui, c'est jour soleil et dignité pour effacer des mois de pluie mépris. 

     

    C'était comme ça, aujourd'hui à Bastille. Ambiance tout de suite avec garde mobile en comité d'accueil. Très fier le Gendarme, très très fier de sa mission : il nous protégeait. Ouvre ton sac, file tes lunettes de piscine et si t'as un masque contre le gaz, alors là on veut tes papiers. Je sais, un keuf ça n'a pas la réputation d'être intelligent. J'ai de la culture, je me souviens de ce que disait Brassens. Comment pouvait-il penser, notre beau et fier Gendarme, que la profusion de gaz pouvait incommoder même un honnête manifestant ? Comment pouvait-il penser qu'à supposer qu'un « casseur à la con » se faisant gauler avertirait fissa ses potes avec son beau téléphone ? Les chefs de ce brave Gendarme ? Soit ils sont dignes de Brassens, soit ils se sont dit c'est juste pour mettre l'ambiance relaxe aux manifestants qu'ils comprennent. J'hésite, j'hésite entre les deux hypothèses. Il faudrait que je demande à Cazeneuve (Valls, avec la tronche fatiguée et contrariée qu'il a en ce moment, on va le laisser se reposer).

     

    Donc, la manif commence... On se demanderait qui dirige la manif ? Triple barrière de CRS devant et tout de suite les hommes en bleu montrent qui commande ici : au coup de sifflet c'est comme 1, 2, 3 soleil : tout le monde avance d'une case. Les CRS à reculons, nous derrière, nous derrière puis stop on recommence. Il avait raison, « le changement c'est maintenant ». Y a pas à dire, rythme, sifflet, gaz, ça vous modernise la ringarde manif.

     

    Y a comme quelque chose qui se passe devant entre les bleus et les noirs (je parle de vêtements, hein, pas de mauvais esprit pour une fois que les « Musulmans » ne sont pas invoqués). Je crois que ceux-là, ils ne s'aiment pas. Ils se provoquent, s'envoient des pétards, du gaz et de la peinture. C'est passionnant et y a plein de caméras partout. Pas à dire, c'est là qu'ça se passe. Médias, prenez en plein les mirettes. A un moment du jeu, c'est drôle la rue est fermée à gauche, fermée devant... Et ho miracle, pas l'ombre d'un bleu à droite. Un noir très intelligent fait signe aux autres et hop tout le monde s'engouffre dans cette rue adjacente (oublié de noter le nom de la voie, ça ne fait pas sérieux pour un rapport). Bing, being, boum les bleus étaient cachés les coquins. Cachés devant, rappliqués derrière. C'était la souricière. Là, je n'ai rien vu, j'avais refusé de jouer, j'étais à l'extérieur. J'attends les images et je n'ai le témoignage que d'une femme la cinquantaine revenue toute décoiffée. Elle était rentrée par une porte ouverte dans un escalier, montée jusqu'au 7e étage avec tout plein d'autres gens pas rassurés. Bon, ça ne devait être qu'une partie du match parce que très vite les bleus comme les noirs sont revenus dans la tête de manif, séparés des arrières incroyablement chantants et débonnaires derrière le Service d'Ordre Cgt (je crois qu'ils n'avaient pas envie de jouer avec les bleus et les noirs, je ne sais pas, ils paraissaient préoccupés par une Loi esclavage).

     

    Alors je suis revenu voir les noirs, c'était plus passionnant. A mon avis, ils avaient dû perdre la manche dans la rue souricière alors en revenant ils ont mis du cœur à l'ouvrage. Mais faut avouer que les bleus devaient être partis fêter leur première manche. Ou bien fair play, ils avaient laissé les noirs revenir et se taper quelques vitrines et panneaux publicitaires ? Vous commencez à comprendre mon sérieux professionnel (je vous rassure, non monnayé, pas un radis). Placé aux premières loges, je me précipite au cœur de l'action pour vous révéler les faits, tous les faits. Donc voilà, je vois deux noirs (je redis, on ne sait jamais, j'évoque les habits). Deux beaux spécimens genre vingt ans à tout casser. Heu oui, à tout casser le panneau publicitaire envers qui ils éprouvaient une grande colère dévastatrice. Dans le feu de leur action je leur pose quelques questions. Bon, ici je dois être honnête, j'ai dû crier un peu. Parce que ça a fait un ameutement... Je me souviens que le vingt ans à tout casser m'a expliqué qu'il affrontait les panneaux tel Don Quichotte parce que c'était ses convictions. Moi, bêtement, j'ai dit « pourquoi à notre manif, qu'il pouvait le faire à un autre moment puisque nous autres on ne voulait pas partager son jeu ?» Et puis, il m'a dit aussi que «c'était pour éveiller nos consciences, qu'ainsi nous allions comprendre que la pub, la société de consommation, c'est pourri »... Gratuit la leçon, je venais d'assister à mon premier cour. L'auteur de ces lignes se sent tellement plus intelligent à présent. Touché par la grâce d'un panneau éclaté, je sais à présent ce que je dois penser de cette société. Ce passage s'est achevé par la prise à parti d'anars d’Age respectable, l'une complétement hystérique tentant vainement de lancer des slogans (quel flop !) et les 2 autres m'expliquant que nous devions aller « tous ensemble avec nos différences » et ajoutant qu'ils en avaient marre de ces syndicats qui toujours abdiquaient. Je crois que j'ai eu des mots malheureux, enfin, qui les ont rendus malheureux au moment où m'est sorti du fond du cœur qu'ils étaient au service de ceux qui combattaient le mouvement social, les copains qui se donnaient tant de mal pour bloquer les raffineries, les ports, les transports... J'aurais pas dû, de noir ils sont devenus tout rouge, rouge cramoisi. Leur jeu les passionne tant. Respect.

     

    Et c'est sans nul doute de ma faute, je les ai mis tellement en colère, qu'ils ont arraché un panneau de signalisation avec sa longue barre de fer  (mes gringalets de vingt ans, ils ont de l'énergie à revendre !). Munis de ce beau trophée ils se sont bien exprimés contre le mur d'un immeuble à côté de la boutique Emmaüs. Sympas les gars, pas une égratignure à Emmaüs. L'immeuble, c'est autre chose. C'est instructif de voir comment c'est fait un immeuble : de gros blocs de 10 cm d'épaisseur (au moins). Pouf, tout ça éclaté. Et lorsque les mamans sont descendues de l'immeuble parce que c'était l'heure d'aller chercher leur gosse à l'école. Elles n'étaient pas contentes de voir ça. Elles posaient plein de questions, à moi. Alors là j'ai réalisé que le noir de vingt ans ne m'avait pas donné suffisamment de leçons. Vous leur diriez quoi à ces mamans qui demandaient pourquoi leur immeuble qui est un HLM ? Pourquoi dans leur quartier où il y a plein de gens sans trop de fric, HLM ici, Foyer là, et puis au coin de la rue encore HLM ? Salut au passage à la maman Algéro-Syrienne qui a prévu de venir sur mon mur Facebook. Peut-être qu'ici quelqu'un aura eu plus de cours que moi et saura lui expliquer.

     

    Et bien voilà. Ce fut une bien belle journée. Tout le monde a semblé content. Les bleus nous avaient bien protégé et étaient repartis fiers comme Harpagon, les noirs étaient ravis de l'enseignement dispensé aux masses incultes que nous sommes, et puis les rouges... Et bien les rouges semblaient contents parce qu'ils s'étaient tenus à l'écart de tout ça et qu'ils avaient le sentiment (justifié) d'arriver à bout de ces princes si méprisants.

     

    Oups, j'allais oublier de dire. Les noirs étaient tout au plus une centaine, et encore compté par un flic je ne sais pas si ça fait une vingtaine. Curieux que ce jeu se déroule si longtemps...

     

    Serge...


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