• Israël - Gaza : Un marqueur pour les Forces de Gauche

     Ensemble! Autogestion Emancipation

     

    03 décembre 2023

    Ensemble ! Autogestion et Émancipation

     

    Israël - Gaza :

    Un marqueur pour les Forces de Gauche

     

     

    Nommer les choses

     

    On sait que les guerres liées à la colonisation ont du mal à être nommées, et utilisent souvent des termes euphémisants comme représailles, sécurisation, pacification.

    Il est important de bien nommer les choses : au cœur du conflit Israël/Palestine, il y a la colonisation - avec le sionisme, une colonisation particulière - et ses logiques meurtrières, la mise en place d’un véritable apartheid, encore aggravé par la politique du gouvernement israélien actuel, le plus à droite de l'histoire et composé en partie d'authentiques fascistes.

     

    La guerre en cours n'a en rien commencé le 7 octobre : de manière ouverte ou larvée, elle dure depuis 1948 et la Nakba de manière très asymétrique, entre la résistance palestinienne et la cinquième armée au monde.

    Pour nous, la solidarité avec le peuple palestinien et la résistance palestinienne, armée et non-armée, est un engagement de toujours.

     

    Comme pour l’Algérie en son temps ou l’Afrique du Sud plus récemment, la solidarité internationale a un grand rôle à jouer.

    Au temps des réseaux sociaux et de la mondialisation de l'information, c'est encore plus vrai aujourd'hui.

    Passé le moment de sidération et d'effroi provoqué à juste titre par l'acte de terreur du Hamas le 7 octobre, une opinion publique mondiale favorable à la cause palestinienne s'affirme de plus en plus, dans les sociétés du Sud mais aussi du Nord, à un point qu'on n'a jamais connu, en particulier dans les quartiers populaires. 

    Jusqu'en Israël où la volonté de négocier se manifeste, tandis qu'en la matière, des interrogations s'expriment sur la politique menée par Netanyahu.

     

    C'est une nouveauté et un élément-clé du rapport de forces.

    Certes, cela ne suffit pas mais l'infléchissement des discours gouvernementaux des pays du Nord est déjà significatif.

     

    Cette solidarité internationale peut peser pour faire cesser les massacres et imposer une solution juste et pérenne, permettant à cette zone de connaître une paix durable.

    Il est essentiel pour les forces de gauche de résister au discours ambiant et d’affirmer qu’il n’y aura pas de solution durable sans liquidation du colonialisme, sous une forme qui respecte les droits de tous les peuples de la région - palestinien et israélien notamment- à l’existence et à la sécurité.

     

    Depuis les crimes commis lors de l’attaque faite par le Hamas le 7 octobre, un véritable rouleau compresseur médiatique nous presse de nous aligner sur les éléments de langage du pouvoir israélien

    L’antisémitisme est brandi comme argument pour évacuer le contexte politique et historique, et disqualifier toute critique vis à vis de la politique israélienne et toute expression de solidarité avec les Palestiniennes et les Palestiniens.

    A une échelle de masse, jamais le « deux poids deux mesures » ne s'est exprimé avec autant de cynisme.

    Ce « deux poids deux mesures » ne peut qu'accroître l'hostilité à l’État d'Israël dont bien peu rappellent la violation systématique des résolutions de l'ONU, même si ce fait est connu d'une partie importante de la population.

    Plus grave encore : l'assimilation entretenue par ailleurs entre Juifs et Israël n'alimente-t-elle pas l'antisémitisme ?

     

    Une gauche qui a du mal face un monde en plein basculement

     

    La situation en Israël/Palestine s’inscrit dans un monde en plein basculement, avec des conflits impérialistes et/ou coloniaux meurtriers, le développement de gouvernements autoritaires, menant des politiques capitalistes avec des mesures très agressives vis à vis des droits et libertés, ce qui laisse craindre la mise en place de pouvoirs ouvertement fascistes.

    Dans une telle situation et dans des contextes profondément différents, nos fondamentaux demeurent : nous défendons, de l'Ukraine à la Palestine, le droit des peuples à l'auto-détermination et à la résistance armée et non-armée, face au colonialisme et à l'impérialisme.

    Dans ces résistances, parce que les luttes d'aujourd'hui préfigurent la société émancipée de demain, il n'y a de place ni pour les actes de terreur ni pour les cibles civiles.

     

    Face à ce monde en plein basculement, les forces de gauche sont traversées par de vifs débats dans de nombreux pays, dont la France.

    Il n’est pas étonnant que le positionnement vis à vis du conflit Israël/Palestine soit devenu un marqueur au sein des forces de gauche et écologistes et que la NUPES soit en grande difficulté au motif des expressions de tel ou tel responsable politique sur cette question.

     

    De quoi le 12 novembre est-il le nom ?

     

    La manifestation du 12 novembre a été un moment de décantation, avec l'objectif de faire émerger une recomposition politique.

    Il ne s’agit pas ici de remettre en cause celles et ceux qui ont manifesté individuellement avec la volonté d’exprimer un refus de l’antisémitisme, mais il est significatif que cette manifestation ait été voulue par le pouvoir et la droite, et ait permis la présence de l’extrême-droite.

    C'est un triste exemple d'instrumentalisation de l'antisémitisme.

    L’appel du 18 novembre lancé par le PCF, le PS, Les Écologistes, etc. montre cette volonté de recomposition, le texte faisant référence à l’unité nationale et la manifestation du 12 novembre.

     

    Cette manifestation s’inscrit dans un contexte qui est celui de l’interdiction faite par le pouvoir de toute manifestation demandant un cessez-le feu et défendant les droits du peuple palestinien.

    Cette action du pouvoir est aussi à replacer en regard des événements de l’année écoulée : puissant mouvement face à la contre-réforme des retraites, contraignant le pouvoir à réduire le Parlement au silence via le 49.3, répression massive de Sainte Soline, mort du jeune Nahel et violences policières contre les révoltes populaires qui ont suivi, restrictions des libertés individuelles et collectives.

    C’est le signe d’un pouvoir politique affaibli, n’arrivant plus à rassembler de majorité sociale et politique, n’arrivant plus à convaincre, en perte d’hégémonie, et sous pression permanente des « Républicains » et des néo-fascistes.

     

    L’antisémitisme en France

    ne doit être ni minoré ni instrumentalisé

    Combattre l’antisémitisme est une nécessité, et il faut reconnaître une faiblesse à gauche sur cette question.

    Cela oblige à poser un certain nombre de constats, en tenant compte de deux éléments :

    on observe - et c'est ce que nous disent les rapports de la CNCDH - depuis les années 2000 une remontée des actes antisémites à chaque épisode de guerre ouverte en Palestine, mais le déclin historique de l'antisémitisme depuis plusieurs décennies dans l'opinion publique n'est pas remis en cause.

    Entre 2019 et 2022, contrairement à ce qu'on entend parfois, l'antisémitisme recule.

    Et, d'après la CNCDH, rien n'atteste de la montée d'un nouvel antisémitisme dans les quartiers populaires.

     

    Ce n’est pas parce que l’extrême-droite a fait de l’islamophobie son fond de commerce que son antisémitisme a disparu.

    Les haines racistes ne se remplacent pas, elles s’ajoutent et s'alimentent.

    Nous avons eu tendance à minorer l’antisémitisme de l’extrême-droite parce qu’il est escamoté par son discours outrancièrement islamophobe et le triptyque « Islam, Immigration, Insécurité » qui lui sert de programme partout en Europe.

    Or, il n’y a pas de doute à avoir : sur la fachosphère, chez les identitaires, au Rassemblement National, l’antisémitisme est partout chez lui.

     

    Mais un antisémitisme diffus sévit dans la population, y compris au sein du mouvement ouvrier et des milieux populaires, que nous avons eu trop souvent tendance à minorer.

    Cela a nui à notre visibilité sur ce combat politique et a facilité en partie l’opération de récupération politique menée par le pouvoir et la droite.

    Car celle-ci instrumentalise la lutte contre l’antisémitisme pour l'utiliser à des fins islamophobes, comme elle le fait pour la défense des droits des femmes ou pour la laïcité.

    Cette instrumentalisation de l'antisémitisme non seulement ne permet pas de le combattre, mais pire encore ne peut que l'alimenter et le renforcer, tout en fragilisant la nécessaire lutte contre tous les racismes.

     

    Enfin, ce n’est pas parce qu’on a négligé la lutte contre l’antisémitisme qu’on a traité avec l’attention nécessaire l’islamophobie.

    Une vision antireligieuse et étriquée de la laïcité a pu conduire à minimiser les discriminations liées à la culture et la religion arabo-musulmanes.

    En France et en Europe, l'islamophobie recoupe largement le racisme anti-arabe ; ailleurs dans le monde elle vise une cible bien plus large comme on l'a vu en Océanie (Nouvelle-Zélande) ou en Asie (Birmanie, Chine, Inde).

     

     

    Une société française marquée

    par le poids de l’histoire coloniale

     

    Il est erroné de surdéterminer les prises de position avec une grille de lecture culturelle et religieuse juifs/musulmans.

    Si cela peut exister - pour une petite part -, ce n’est pas le fond de l’affaire.

    En faisant cela, on court le risque de sous-estimer ou d’écarter les questions des discriminations et du poids de la colonisation, à nos yeux beaucoup plus déterminantes, à la fois pour comprendre et pour agir.

    Le conflit Israël-Palestine est de nature coloniale et politique, et pas religieuse.

     

    Les discriminations dont sont victimes les jeunes racisé·es sont au croisement de la représentation des classes dangereuse et du mépris pour les peuples colonisés.

    C’est le résultat à ; la fois du recul de l’implantation des organisations de gauche dans les quartiers populaires et d’une histoire coloniale non assumée et dont les conséquences n’ont pas été tirées.

    La situation des Palestinien·es fait écho avec la situation de domination que ces jeunes vivent au quotidien, et la situation coloniale vécue par le peuple palestinien résonne avec les luttes d’indépendance passées, notamment celle du peuple algérien.

     

    L’attitude du pouvoir en place qui défend la politique de l’État d’Israël (à outrance au début, avec plus de réserves maintenant) pendant qu’il criminalise toute expression de solidarité avec le peuple palestinien leur apparaît comme la confirmation de cette mise en parallèle, avec une fois encore le « deux poids, deux mesures » !

     

    L’enjeu des quartiers populaires

     

    Il y a un enjeu politique fort à travailler avec la jeunesse et les habitant·es des quartiers populaires.

    Dans ces lieux, l’organisation politique est faible voire absente et l’abstention massive.

    Mais cela n'empêche nullement, dans les quartiers populaires, l'intérêt porté à la situation internationale, notamment en Palestine et au Maghreb.

    Et depuis le 7 octobre, on observe le grossissement des manifestations pour la solidarité avec la Palestine et une Paix juste et durable qui s'explique par un mouvement de politisation fort de cette partie de la jeunesse des quartiers populaires.

    S’adresser à elles et eux en prenant au sérieux leurs préoccupations et revendications, en débattant des perspectives et des issues politiques est primordial.

    La mondialisation de l’information, l’histoire, les vécus font que les événements de Gaza et les prises de position sont scrutées.

    Arriver à prendre une position juste, porteuse d’avenir est aussi la condition pour être entendu·es par les milieux populaires qui subissent à la fois exploitation et discriminations diverses.

     

    Dans la confusion ambiante et face aux effets redoutables

    du « deux poids, deux mesures »,

    nous devons de manière permanente rappeler notre refus de tous les racismes et de toutes les discriminations, et dénoncer de manière systématique et combinée l'antisémitisme et l'islamophobie.

    Veiller à ne pas traiter l'un sans l'autre n'est pas seulement nécessaire : c'est aujourd'hui fondamental.

    C'est le seul moyen d'éviter toute instrumentalisation et d'être entendu par toutes et tous, dans les quartiers populaires comme à l'échelle de toute la société.

    C'est aussi rappeler concrètement un pilier fondamental d'une future société émancipée.


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