• Fonds Marianne : des sélections idéologiques assumées

    Fonds Marianne : des sélections idéologiques assumées

     

    La commission d’enquête du Sénat sur le programme créé par Marlène Schiappa a auditionné, mardi, le préfet Christian Gravel.

    Il justifie les attributions par des choix politiques, sans écarter les soupçons de détournement de fonds publics.

     

     
     
    D’autres associations n’ont pu bénéficier de subventions car en opposition « à la ligne portée par le gouvernement sur la laïcité », a reconnu Christian Gravel.

    Comment ont été sélectionnés les projets financés par le Fonds Marianne,

    lancé par la ministre Marlène Schiappa pour lutter contre la radicalisation en ligne, quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty ?

    C’est la question au centre de la commission d’enquête sénatoriale qui a débuté mardi par l’audition du préfet Christian Gravel.

    Le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), en charge de l’attribution des subventions, a dénoncé « des mensonges et des calomnies » écrits depuis les premières révélations dans la presse sur l’affaire, il y a deux mois. Il n’a pourtant pas donné d’éléments suffisamment clairs pour écarter tout soupçon.

     

    Les deux associations en cause sont l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) et Reconstruire le commun – avec ses vidéos pro-Macron et anti-wokisme –, qui ont respectivement récupéré 355 000 euros et 330 000 euros de subventions, près d’un tiers de l’enveloppe totale.

    Leurs candidatures tenant en quelques lignes, comme l’a révélé Mediapart lundi, ont été retenues, contrairement à celles d’autres associations comme Coexister, au motif que son « positionnement est explicitement en opposition avec la ligne gouvernementale ».

     

    S’attaquer aux « thèses islamo-gauchistes et indigénistes »

    Défendant la « liberté d’exprimer sa religion » et se revendiquant de la loi de 1905, cette association « ne correspond en aucun cas à la ligne portée par le gouvernement sur la laïcité », a défendu Christian Gravel, qui évoque « une approche qui n’est pas celle s’inscrivant dans l’attachement au pacte républicain ».

    « On sait tous les débats rudes autour de la conception de la laïcité, lui a répondu le président de la commission, Claude Raynal (PS).

    Lorsqu’on veut faire un contre-discours républicain, est-ce qu’il ne fallait pas laisser coexister un peu de débat sur le sujet laïc plutôt que brandir une ligne gouvernementale ? »

     

    Retenu, le projet de l’USEPPM affirme à l’inverse une volonté de s’attaquer aux « thèses islamo-gauchistes et indigénistes », concepts loin d’être établis scientifiquement.

    Son responsable, le journaliste Mohamed Sifaoui, serait pourtant une «caution scientifique évidente », affirme Christian Gravel.

    Il justifie ainsi que cet organisme sportif, qui « a priori n’a rien à voir avec le sujet », rappelle Claude Raynal, ait reçu la subvention la plus importante du Fonds Marianne.

     

    120 000 euros de rémunération pour 13 vidéos qui font 50 vues

    Censé produire du contenu audiovisuel, ce projet se résume à 13 vidéos dépassant à peine les 50 vues…

    Mais les deux administrateurs de l’association, dont Mohamed Sifaoui, se sont versé une rémunération de 120 000 euros à eux deux, selon l’enquête de France 2 et Marianne.

     

    Christian Gravel a voulu balayer les soupçons de détournement de fonds, expliquant que « les protagonistes de la lutte contre la radicalisation » sont rares et donc « se croisent, se rencontrent ».

    Mais son récit sur la manière dont Mohamed Sifaoui est entré dans le dispositif laisse pantois :

    « J’ai appris que cette association allait pouvoir bénéficier du Fonds Marianne après un appel de M. Sifaoui qui me dit sortir d’un rendez-vous (avec) la ministre, qui lui parle du Fonds Marianne, lui faisant comprendre qu’il avait toute sa place. »

    La ministre en question, Marlène Schiappa, dont l’audition devant la commission d’enquête est espérée avant l’été, devra s’en expliquer.


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