• Ensemble ! Idées et Réflexions « Politique », « mouvement social » et « leadership »

    Ensemble !

    Idées et Réflexions

    « Politique », « mouvement social »

    et « leadership »

     

     

    Lorsque dans son meeting du 23 septembre, Jean-Luc Mélenchon avait appelé les organisations syndicales à « prendre la tête » d'un large mouvement contre les ordonnances et plus généralement la politique du gouvernement, cela pouvait être compris comme une inflexion, partiellement juste, de son attitude antérieure.

    Juste en ce que cela pouvait exprimer une renonciation à exercer seul le « leadership » de l'opposition. Mais seulement partiellement en ce qu'il s'agirait d'inverser une hiérarchie au lieu de l'abolir. Militant-e-s politiques et syndicalistes n'ont pas à prendre les un-e-s la tête des autres, mais travailler à un front commun, qui relève à la fois des deux champs d'intervention, dont la séparation est en elle-même un problème.

    Mais voici que Jean-Luc Mélenchon précise sa pensée en analysant les suites de sa proposition :

    « Je fais le point sur cette étrange semaine. Est-ce celle où nous avons perdu une bataille sur le Code du travail si mal conduite ? »

    Rien n'interdit à qui que ce soit de contester la manière dont le mouvement syndical organise son combat ; en soi, le fait de trouver que cela a été mal fait est un point de vue légitime, sujet à discussions. Bien des syndicalistes partagent ce point de vue ; d'autres non. Rien n’interdit non plus de porter un jugement négatif, ou pessimiste, sur l’état des luttes sociales. Mais si cette contestation peut être un élément du débat public, il est précisément délicat de l'exprimer dans ces termes et de cette place, réintroduisant l'idée d'un jugement porté de l'extérieur.

    Jean-Luc Mélenchon explicite la relation entre ce jugement et ses déclarations du 23 :

    « J’avais dit que nous demandions aux syndicats de prendre l’initiative et que nous nous placerions à leur suite... Bref, nous avons passé la main de la conduite du combat pour faciliter son déroulement et surtout son élargissement. La suite a été bien décevante. Car de ce leadership, que sort-il ? Fort peu. À vrai dire : rien. »

    Le « leadership » ici évoqué n'est pas celui qui existerait au sein du mouvement syndical : ce n'est pas lui qui est critiqué. Il est celui qui existerait au sein de l'opposition, la question étant de savoir si cela doit être La France Insoumise ou le mouvement syndical – et cette question est mal posée. La formule « nous avons passé la main » indique le problème, et la suite du propos indique que ce n'était pas une solution. S'agissant des choix du mouvement syndical – qui n'a pas à « prendre la tête » d'une opposition politique au gouvernement, mais doit assumer le fait qu'il en participe – il est déterminé par ses militant-e-s, par ailleurs investi-e-s ou non dans divers mouvements « politiques ». C'est là tout un travail militant, politique et idéologique, qui ne se laisse pas résumer à la question d savoir « qui a la main ». Il ne saurait s'agir de décider « qui est le chef », « qui dirige l'opposition », mais bien de travailler à la convergence des luttes, qu'elles soient syndicales, associatives ou à visées électorales.

    Cela ne peut pas, si l'objectif est de constituer un bloc d'opposition au pouvoir, passer par une opposition entre « politique » et « social » se renvoyant la balle ou se disputant le « leadership ». Et qualifier de « vieux monde » le mouvement syndical pris dans son ensemble (ou dans certaines de ses composantes historiques), caractérisé comme « corps intermédiaires », est même sans doute le meilleur moyen de ne pas parvenir à cet objectif. C'est pourquoi est particulièrement problématique cette formule du « leader » de la France Insoumise :

    « De son côté, le groupe parlementaire « La France insoumise » continue ses rencontres bilatérales en vue d’une large action commune de tout le champ impliqué dans cette lutte. Il est clair que les confédérations CGT, FO et CFDT n’en veulent pas... Le « vieux monde » impuissant à vouloir et à changer quoi que ce soit, ce n’est peut-être pas qu’un thème politique. Les directions des corps intermédiaires peuvent-elles être autre chose que des rouages à l’intérieur d’une réalité qui fonctionne comme un bloc ? »

    La notion de « corps intermédiaires » ne devrait d'ailleurs pas être assumée. « intermédiaires » entre quoi et quoi ? Elle porte en elle-même l'affirmation de la séparation entre la politique et le reste de la société au lieu de tendre vers un regard nouveau sur ce qui est politique et ce qui ne le serait pas – contribuant même au corps défendant de qui retient cette notion à réduire la politique sur la politique institutionnelle, ce qu'illustre et confirme le rôle dévolu aux élu-e-s dans l'animation de la lutte politique.

    On sait que « toute lutte de classe est politique ». Il faut l'assumer, et affronter les situations contradictoires qui en résultent lorsque l'idéologie dominante en la matière dit l'inverse, qu'elle soit exprimée par des militant-e-s se disant « du mouvement social » ou se disant « politiques » (quand bien même ils et elles sont les deux à la fois...).

    Précision : il ne s'agit pas ici de jouer l'anti-Mélenchon de base : il est loin d'être le seul en cause ici, et la question qui nous est posée, en tant que mouvement politique est de faire avancer une autre conception.

     

    LL


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