• Droite, "centre" et refondation de "la gauche"

    Rouge ViF !

    Droite, "centre" et refondation de "la gauche"

     

    La formule est devenue un lieu commun : l'orientation de Macron, c'est « ni de gauche, ni de gauche ». Ce n'est pas la même chose que la vieille prétention de Giscard d'Estaing qui soutenait que « la France veut être gouvernée au centre ». Macron, ce n'est pas ce « centre » introuvable qui n'a jamais été le centre de rien. C'est l'explosion d'un système politique dans lequel « droite » et « gauche » sont identifiables à des partis déterminés.

    L'affaire vient de loin, et c'est le parti socialiste qui a ouvert le bal, en représentant depuis des décennies un « parti de gauche » dont la politique (mais aussi la sociologie) s'écartait tant de ce que l'expression « la gauche » avait voulu dire dans le langage commun qu'il en était devenu une chose innommable – sauf par des oxymores comme « la gauche de droite », ou des pétitions de principe comme « la fausse gauche ». Ce que l'on pouvait appeler, et appelait parfois la « gauche de gauche » (la « vraie gauche ») s'en est trouvée coincée entre le mot et la chose : si le PS était un « parti de gauche », si donc, la question de la différence entre le PS et ce qui se trouvait « à sa gauche » était en quelque sorte une question purement quantitative, distinguant ceux qui étaient plus ou moins « de gauche », alors rien n'était plus compréhensible – même si l'on en venait dans le débat public à qualifier comme « extrême gauche » des positions politiques comme celle du PCF ou de Jean-Luc Mélenchon.

    Ce sont ensuite certains secteurs de cette « gauche de gauche » qui ont poursuivi la démarche en renonçant (parfois plus ou moins) à l'appellation. C'est ainsi que Jean-Luc Mélenchon, tout en se disant à juste titre « issu de la gauche » cessait de se réclamer de cette appellation, insistait sur le fait qu'il visait un rassemblement qui ne soit pas enfermé par cette catégorisation. En disant « issu de » comme on parle d'une « issue de secours », il indiquait qu'il en était sorti. Pendant ce temps, le nouveau premier ministre dit clairement : « Je suis un homme de droite ».

    Une situation symétrique a existé jadis dans le débat public : dans les années 70 du XXe siècle, alors que la gauche entamait sa marche irrésistible vers le pouvoir, on ne trouvait plus personne pour se dire « de droite ». Et la droite a attendu sa défaite de 1981 pour recommencer à accepter de se désigner par son nom.

    Pourtant, quelque confuse que puisse être la frontière, la distinction de « la gauche » et de « la droite » n'est pas dépourvue de sens. Mais ce sens disparaît si l'on cherche à y voir un continuum, comme un axe sur lequel on serait nécessairement « plus à droite » ou « plus à gauche » les unes que es autres. Ça, c'était la version simplifiée du passé. Que l'on parle de question sociales, économiques, sociétales (on n'employait d'ailleurs pas ce mot...), que l'on parle de droits des travailleurs (on n'emploie plus ce mot...) ou de libertés publiques, d'égalité, de progrès, de solidarité, on pouvait à tout instant dire d'un discours qu'il était « de gauche » ou « de droite », si bien qu'on a pu croire que chacun de ces thèmes, chacune de ces questions, s'étendaient sur un seul et même axe, celui qui va de l'extrême-droite à l'extrême gauche en passant par tous les degrés intermédiaires, avec un genre d'équilibre réel qui serait « le centre ».

    Tout cela est fini, et Macron n'est pas au « centre ». Il sera plus ou moins vite facile de voir que ce qui se recompose autour de lui n'est rien d'autre que « la droite », c'est à dire le parti des dominants, d'un conservatisme peut-être à l'occasion paradoxal à coup de « réformes » et de « nouveauté », mais d'un conservatisme fondamental, celui qui tend à la conservation des privilèges, à la conservation de l'ordre fondé sur l'exploitation capitaliste, sur les identités majoritaires, sur la puissance nationale. Et dans ce champ de décombres, il n'y aura que deux oppositions réelles : celle de l'extrême-droite, qui ne sera pas limitée au Front National tel qu'il existe, mais organisée plus ou moins autour de lui avec des reliquats d'une droite classique oscillant entre le pouvoir et cette opposition, et celle d'une gauche qui reste à reconstruire, dont l’électorat qui s'est prononcé pour Jean-Luc Mélenchon le 23 avril dernier est un élément essentiel, mais où des secteurs sociaux qui ne le recoupent qu'en partie ne sont pas moins essentiels – ceux des luttes du printemps 2016 contre la loi « travail », ceux des « nuits debout », ceux du mouvement syndical, de l'écologie, des solidarités concrètes, de l'antiracisme, de l'altermondialisme, du féminisme, des coopératives et d'expérimentations démocratiques et sociales diverses...

    Refonder cette « gauche » dans sa richesse et sa diversité, en fédérer les forces militantes, travailler à son hégémonie culturelle, l'organiser en forces politiques dont le rassemblement peut être porteur d'une alternative majoritaire, ce sont les enjeux que la nouvelle période ouvre à présent.

     

    LL!


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