• Contre le sécuritaire retrouver des repères

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    Contre le sécuritaire retrouver des repères

     

     

    Le gouvernement vient de faire voter une loi sur l’état d’urgence sanitaire en complément des dispositions déjà intégrées dans le droit commun de l’état d’urgence précédent sur le terrorisme et aussi de dispositions sur le menaces sanitaires du code de la santé publique.

     

     

    Je laisserai ici de côté les aspects électoraux et les mesures économiques et sociales pour me concentrer sur la question des libertés publiques. Vous trouverez en annexe le texte de la loi avec le détail des mesures qui restreignent ces libertés.

     

     

    Ces dispositions se situent dans la droite ligne des lois sécuritaires qui se sont multipliées depuis les 2 quinquennats précédents au moins : elles passent sans beaucoup de débats publics, sans campagne d’opinion à la hauteur, du moins dans le champ médiatique : ils pensent que nous nous sommes habitués à cette logique sécuritaire.

     

     

    Depuis des années celle-ci n’est pas combattue de façon suffisamment importante sauf par les « droits l’hommistes professionnels » : la LDH, le SAF, Amnesty le SM et quelques autres. La gauche même dite radicale, le syndicalisme a trop peu relayé ce combat. Sans doute la complexité des dispositifs législatifs n’a permis que peu de débat : la déchéance de nationalité fut l’arbre (Hollande a d’ailleurs scié cette branche sur laquelle il pensait s’asseoir) qui a caché la forêt des mesures de l’état d’urgence. Pour beaucoup de dirigeants ce sujet n’est pas populaire et n’est pas susceptible de mobiliser. C’est oublier qu’il peut mobiliser des forces, des secteurs qui n’ont pas seuls les moyens de se mobiliser.

     

     

    Mais il faut aller plus loin. Un petit rappel : en 2005 le gouvernement a utilisé l’état d’urgence face aux jeunes des banlieues. La faible réaction de la gauche a laissé les minorités racisées se débrouiller seules. Beaucoup trop n’ont pas vu alors que ces procédures -créées en pleine guerre d’Algérie- induisaient une forme de maintien de l’ordre issue des pratiques coloniales. Les discriminations et l’héritage colonial sont loin d’être suffisamment pris en compte.

     

     

    C’est pendant les manifestations contre la loi travail puis surtout à l’occasion des gilets jaunes -où des dispositifs de guerre préventive prévus par la loi de 2017 ont été utilisés- que beaucoup se sont rendu compte que le sécuritaire ne concerne pas seulement les jeunes de banlieue, ou les personnes assignées à résidence pour sympathie avec le terrorisme.

     

     

    Aujourd’hui nous allons payer le prix du peu d’actions pendant la période de l’état d’urgence contre le terrorisme. En particulier sur les rétentions administratives – le confinement forcé aujourd’hui comme mesure individuelle : la jurisprudence du Conseil d’Etat a été très sensible aux arguments sécuritaires et a privilégié la sécurité sur le respect des droits. Nous devons affronter une jurisprudence bien établie faute d’une bataille d’opinion qui laissait tout pouvoir à l’administration « protectrice » : acceptation de motifs peu fondés (souvent sur la base de notes blanches de la DGSI) et illégalement réutilisés à chaque renouvellement. Préfets et ministres étaient crus sur parole alors que toute décision administrative doit pouvoir faire l’objet d’un débat public comme décision politique qui doit respecter le droit.

     

     

    Nous sommes plus désarmés encore que la fois précédente. Avec la crise sanitaire actuelle, il y a une telle demande de l’autorité de l’Etat que ça va être encore pire : celles et ceux qui sont prêts à faire fi des précautions méthodologiques, scientifiques et déontologiques sur l’usage d’un médicament participent à la construction d’une urgence qui appelle ou justifie des mesures d’exception. Cette « urgence sanitaire », cette « guerre contre le virus » permet précisément au gouvernement de remettre en cause des règles de droit et les droits fondamentaux. Nous devons nous distinguer du « toujours plus sécuritaire » de la droite fondé sur l’instrumentalisation des peurs.

     

    Dans la confusion idéologique où l’on applaudit n’importe qui pour peu qu’il soit anti-macron, il faut retrouver des boussoles et des valeurs, des repères stratégiques.

     

    Il ne suffit pas de s’en prendre à Macron et sa bande dont la responsabilité dans la gestion libérale de la crise est évidente : Il ne faut pas s’enfermer dans une critique et une concurrence politiciennes. Ce sont les politiques néolibérales de LR au PS qu’il faut mettre en cause. Non seulement la restriction budgétaire imposée au service public de santé mais aussi sa gestion comme une entreprise privée avec la prééminence comptable : cette gestion par objectifs a tué la notion même de santé publique au service de toutes et tous. Les gouvernements successifs ont donnés tous les pouvoirs à une haute administration dont les liens avec le privé se sont accrus  (pantouflage, adhésion aux idées néolibérales...) : ceci nous oblige à penser autrement le rapport à la prise du pouvoir d’Etat et rend urgente et crédibles des dynamiques d’auto organisation.

     

    La crise sanitaire avec le choc qu’elle représente ouvre une nouvelle ère et c’est de cela qu’il faut se servir pour changer les perspectives : toute une partie du mouvement populaire a gardé la solidarité pour objectif, l’anticapitalisme progresse face à l’incapacité néolibérale de faire face à la situation de toutes et tous.

     

    Encore faut-il dans la lutte contre ce gouvernement ne pas se tromper de cible : les discours purement moraux ou les dénonciations d’incompétence peuvent occulter les dimensions de classe. Il ne faudrait pas contribuer à alimenter l’idée d’un état tout puissant qui doit être efficace à n’importe quel prix pour défendre ses citoyen.nes. Dans le contexte il nous faut aussi nous battre contre la demande de plus d’Etat quand la demande pour plus de sécurité va être forte. A terme ce recours à un Etat « providence-protecteur » peut renforcer Macron, voire pire des solutions plus autoritaires : le sacrifice de la délibération démocratique peut se renforcer, accentuer la tendance vers un gouvernement oligarchique de « spécialistes ».

     

    Réaffirmer la démocratie aujourd’hui ce n’est pas seulement réinventer des réformes institutionnelles mais garantir les libertés : ces dernières font des citoyen.nes des acteurs de leur destin et non des sujets qui réclament au roi sa protection. Contrairement à une tradition de refus de la démocratie formelle et des libertés bourgeoises nous devons retrouver les principes des déclarations des droits, déclaration universelle et en tirer des objectifs politiques. Il est temps d’avoir un débat sur la place du droit dans une république autogestionnaire.

     

    Il faut revendiquer notre droit à participer démocratiquement à la lutte contre la crise sanitaire en discutant à chaque fois les motivations des actes limitant les libertés : sans se faire d’illusion sur les décisions des juridictions, il importe de faire entendre la voix des défenseur.es des libertés pour faire exister dans la société une autre culture. Créer aujourd’hui des observatoires de l’état d’urgence reprenant les démarches antérieures de vigilance citoyenne pourrait face à l a faiblesse du contrôle par les juges et du contrôle parlementaire esquisser les bases d’un contrôle citoyen sur les appareils d’État : partout où Ensemble est présent il fut s’adresser à tous nos partenaires. Il est évident que nous ne pouvons laisser de côté des dispositions sur le code du travail qui renforce le lien de subordination salariale et les maigres droits face au pouvoir absolu du Capital. Nous ne pouvons pas non plus oublier nos exigences d’avant contre la répression et les violences policières (en particulier des GJ) et nos revendication d’abrogation des lois sécuritaires ( et en particulier de celle intégrant dans le droit commun les dispositifs de l’état d’urgence précédent).

     

    Etienne Adam


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