• Clémentine Autain - 7 juin 2021

    Clémentine Autain - 7 juin 2021

     

    J’avais accepté une invitation pour ce lundi matin sur Cnews dans la matinale avec Laurence Ferrari. Faut-il boycotter cette chaîne ? C’est un débat complexe, j’avoue ne pas arriver à le trancher. En cette fin de campagne régionale, j’ai pensé que je devais aussi m’adresser aux téléspectateurs de cette chaîne parce que je veux m’adresser à tous les Francilien.ne.s. Et Laurence Ferrari m’a souvent interviewée dans des conditions très correctes.

     

    Hier soir, la polémique enflait autour des propos de Jean-Luc Mélenchon sur France Inter. Je savais donc qu’il me faudrait y répondre. Je n’imaginais pas faire face à ce flot de questions et de sommations conformes à l’agenda de l’extrême droite. J’en ai été estomaquée.

     

    J’entends toutes celles et ceux qui se sont sentis blessés par les propos de Jean-Luc Mélenchon. J’ai réitéré ce matin ma compassion, ma solidarité à l’égard de toutes les victimes du terrorisme islamique et de leurs proches. L’attentat antisémite perpétré par Mohammed Merah est d’une violence inouïe : trois militaires, trois enfants et un enseignant ont été lâchement assassinés, et le militaire Loïc Liber qui en a réchappé reste lourdement handicapé. Ce n’est pas un fait divers, c’est un acte ignoble.

     

    À l’évidence, certains ont sincèrement mal interprété les propos de Jean-Luc Mélenchon quand d’autres ont déformé et caricaturé à des fins politiques ce qu’il a voulu dire.

    Ce qu’il dénonce et que je partage, c’est l’instrumentalisation des attentats terroristes et de faits divers par l’extrême droite et la droite qui marche dans ses pas. C’est pour elles l’occasion d’avancer leurs thèses xénophobes et liberticides, de distiller ce venin selon lequel derrière chaque musulman, chaque immigré se cache un djihadiste en puissance. Or pour faire face aux dangers qui sont devant nous, nous avons besoin d’un peuple fédéré et non divisé, d’un État de droit et non autoritaire, de principes républicains et non d’une République foulée aux pieds. Pour tout cela, Marine Le Pen représente aujourd’hui une grave menace. Si nous continuions à baisser la garde et qu’elle arrivait au pouvoir dans un an, nous serions affaiblis dans nos combats pour la paix, nous risquerions d’entrer en guerre civile.

     

    Or, quand je demande à Laurence Ferrari qui de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen est, à un an de l’élection présidentielle, une menace vis-à-vis de la République, elle me répond “permettez-nous de nous poser la question”. Quel terrible aveu.

     

    Et lorsque Laurence Ferrari me somme de choisir entre ma solidarité à l’égard des proches de Xavier Jugelé, ce policier lâchement assassiné par un terroriste islamiste, et ma critique de la manifestation de syndicats de policiers qui voulaient faire « sauter les digues de la Constitution », on cherche en vain l’honnêteté intellectuelle.

     

    Enfin, quand arrivent les questions sur les régionales, Laurence Ferrari entame ainsi son interview : « je n’ai pas vu le mot sécurité dans votre programme, je me suis trompée ? ». Jordan Bardella, Valérie Pécresse et Laurent Saint-Martin, qui veulent imposer ce seul enjeu dans la campagne régionale, ont du se frotter les mains. J’ai donc été obligée de rappeler que c’est une compétence régalienne, de l’État, et non de la Région qui, avec ses 5 milliards de budget, intervient essentiellement en matière de transports, lycées, aménagement du territoire, formation professionnelle, activité économique, tourisme…

     

    Le débat public sombre. S’il ne retrouve pas une forme rationnelle, dans laquelle on échange des arguments au lieu d’être sommés de réciter le discours dominant, c’est un pas supplémentaire dans la crise de défiance généralisée dans nos institutions qui sera franchi. On connaît les conséquences en chaîne... Il n’est pas simple de raison garder par les temps qui courent et chacun, chacune doit être prudent dans son expression. Mais ce qui me frappe, c’est que certains mots sont pesés et sous-pesés pendant que le rouleau compresseur de l’extrême droite s’abat dans le confort mielleux d’une scène médiatique déboussolée et complaisante.

     

    Depuis des mois, j’alerte sur le climat pré-fasciste (1). La vidéo de Papacito qui tire sur les « fils de pute de gauchistes » est effrayante et profondément inquiétante. Un proche de Zemmour qui met en scène le meurtre d’opposants politiques…. La sonnette d’alarme n’en finit plus de sonner.

     

    Clémentine Autain

     

    (1) : Le Monde >>>>>

    (2) : Libération >>>>>


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