• Cité de la langue française : « Emmanuel Macron a un usage de classe de la langue »

    Cité de la langue française :

    « Emmanuel Macron a un usage de classe de la langue »

     

    Emmanuel Macron a inauguré le 30 octobre la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

    L’hôtel de l’Élysée célèbre ainsi la langue française, mais quel français parle le président de la République ?

    Décryptage avec le linguiste Damon Mayaffre.

     

     

    Alors que le président de la République a inauguré la Cité internationale de la langue française, quelle langue parle réellement Emmanuel Macron ?

    Il utilise plusieurs registres, c’est ce qui le caractérise et le singularise des présidents avant lui.

    Il a le français littéraire, des grandes écoles, très orthodoxe.

    Et, en même temps, il a la langue managériale, avec ses anglicismes qui recouvrent le langage du business, de la start-up nation.

     

    C’est le premier président à l’utiliser de manière aussi marquée, quitte à ce que ces mots divorcent de la réalité. Sa force est de pouvoir jongler avec ces différentes langues. Tantôt, il vient flatter les Français en célébrant la langue française, tantôt il va flatter le monde des affaires.

    À l’intérieur même du français, il brouille les pistes entre un langage parfois très soutenu, avec des expressions désuètes et un usage des temps verbaux perfectionné, et un discours très relâché, un peu démagogique, populaire.

     

    Qu’est-ce que cela dit de son discours ?

    Il a un usage de classe de la langue.

    Quand il s’adresse à des intellectuels, il va montrer toute sa culture aristocratique, utiliser des locutions latines et quand il essaye de plaire aux classes populaires, dont il estime qu’elles ne sont pas capables de les comprendre, il emploie un registre de langage beaucoup plus simple, beaucoup plus direct, quasi argotique (jusqu’à utiliser le terme de « bagnole » – NDLR) .

    Il y a très clairement une distinction dans la qualité de son discours en fonction de son public. Il s’adapte.

    À l’élite, une certaine langue ; au peuple, une autre langue.

    Il a une vision où chacun est à sa place, où chacun a son registre.

    Son usage de la langue est aussi marqué par le flou…

     

    Statistiquement, son mot préféré, c’est « projet ». Mais on s’aperçoit qu’il ne s’applique jamais à l’expliquer.

    Le fait d’avoir un projet est en soi un projet. Il est vidé de son contenu et Macron s’emploie à ne jamais le remplir pour que l’auditoire puisse s’en emparer pour y mettre son propre contenu politique.

     

    Il joue du pouvoir performatif du langage. Ce n’est plus un reflet du monde mais une action sur le monde. Il ne sert pas à expliciter une politique, mais à produire une politique.

    En ce sens, le discours performatif se suffit à lui-même, il a pour simple objectif de diriger les esprits avec des mots autonomes de la réalité.

    C’est le langage lui-même qui fait l’action : c’est le grand débat qui est la solution à la crise des gilets jaunes.

    Macron fait cela parce que la performativité du langage lui permet de se soustraire au principe de vérité.

    S’il dit « je veux que le chômage baisse », personne ne pourra dire que c’est faux. Il ne peut jamais être contredit sur une réalité qui ne serait pas la réalité.

     

    Le langage de Macron a-t-il changé depuis 2017 ?

    Globalement, son secret, c’est de proférer le changement.

    Il prétend changer, mais quand on regarde, on constate que le Macron II ressemble très précisément au Macron I.

    Certes, il y a une forme de droitisation de son discours qui amplifie et va de pair avec la droitisation de son électorat, avec des thématiques comme l’identité ou l’immigration, mais les grandes caractéristiques de son discours, qui dissimule ses intérêts idéologiques, restent de mise aujourd’hui.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter