• CAC 40. Les actionnaires creusent l’écart dans la course aux dividendes

    Lundi, 22 Juin, 2020

    CAC 40.

    Les actionnaires creusent l’écart

    dans la course aux dividendes

    Une étude publiée ce lundi par Oxfam et le Basic révèle que, depuis la crise financière de 2008, les versements aux actionnaires des très grandes entreprises ont bondi de 70 %, aggravant les différences de revenu et plombant certains investissements. Les auteurs préconisent de revoir en profondeur le pilotage de ces sociétés.

     

    «Quelque chose ne fonctionne plus. »

     

    Il y a un an, à Genève, alors que l’Organisation internationale du travail célébrait son centenaire, Emmanuel Macron, d’un ton résolument engagé, intimait de « regarder en face » les « dérives d’un capitalisme devenu fou ». Le président de la République épinglait alors « l’accumulation des richesses dans certains lieux et chez certains (qui), s’est accélérée ces dernières années », conduisant à autant de « déséquilibres territoriaux qui fracturent nos démocraties ». Mais l’engagement des grands discours ne survit pas à la réalité des actes. « En quelques semaines, la crise du Covid est venue mettre en lumière les failles d’un modèle économique qui crée des inégalités en temps de croissance et expose les plus vulnérables en temps de crise », résument l’ONG Oxfam et le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne), qui publient, ce lundi, une étude sur la réalité de la répartition des richesses dans les entreprises du CAC 40 et son évolution depuis la crise financière de 2008.

     

    Ainsi, en une décennie (2009-2018), les versements aux actionnaires de ces grands groupes ont bondi de 70 % et enregistrent, sur la période, une croissance annuelle moyenne de 10 %. Dans le même temps, la rémunération des dirigeants de ces entreprises augmentait de 60 %, contre 20 % pour le salaire moyen de leurs employés et 12 % pour le Smic. En une décennie, l’écart entre la rémunération du patron et celle de ses employés a augmenté de 30 %. En somme, « le 4 janvier 2018, un PDG du CAC 40 avait déjà gagné l’équivalant du salaire annuel moyen ! » de son entreprise, affirme l’étude.

     

    Sur le podium, le patron de Carrefour

     

    Sur la première marche du podium, alors même que la crise sanitaire a révélé l’utilité sociale et le manque de reconnaissance salariale des métiers de la grande distribution, Alexandre Bompard, patron de Carrefour, a empoché 413 fois le salaire moyen de son entreprise en 2018. Et la maigre prime Covid, lorsqu’elle est versée, n’y changera pas grand-chose… En réponse au dévouement de ces premiers de corvée, « le gouvernement semble pour le moment recycler des solutions déjà portées dans le cadre de la loi Pacte : la défiscalisation de primes d’intéressement et de participation ». Un dispositif « qui bénéficie principalement à des cadres », soulignent les auteurs de l’étude.

     

    Non seulement injuste, ce creusement des inégalités au sein même des entreprises est devenu à ce point systémique qu’il détermine la stratégie de ces grands groupes – près de 80 % de la rémunération des dirigeants étant « en grande partie indexée sur la performance du cours de Bourse de l’entreprise », rappelle l’étude. De là, les politiques mises en œuvre et la stratégie opérée sont davantage tournées vers les profits à très court terme, au détriment de l’investissement – qui a accusé une baisse générale de 5 % pour les entreprises du CAC 40 depuis 2009 –, de la recherche et développement.

     

    24 recommandations

     

    Alors que la crise économique, liée à l’arrêt brutal de l’activité, s’annonce plus dure encore que la crise financière de 2008-2009, un tel constat implique d’urgence de « réviser en profondeur le pilotage de ces grands groupes », insistent Oxfam et le Basic. Et notamment de « mieux partager les richesses avec celles et ceux qui les créent », de « mieux partager les pouvoirs et investir dans la transition écologique pour répondre à l’urgence du changement climatique ».

     

    Adressée aux entreprises, à l’État et aux marchés financiers, l’étude émet 24 recommandations, au premier rang desquelles « l’encadrement de la part des bénéfices versés aux actionnaires ». À l’appui des chiffres du Climate Disclosure Project, les auteurs précisent d’ailleurs qu’ « un encadrement de 30 % aurait permis de générer, en 2018, un montant équivalant à 98 % des besoins d’investissements dans la transition »

     

    Imposer le ratio de 1 à 20 et la transparence

     

    En parallèle, Oxfam et le Basic ressuscitent le ratio de 1 à 20 (qui constituait en 2016 le cœur d’une proposition de loi de la Gauche démocrate et républicaine sur la limitation des écarts de salaires dans l’entreprise) et préconisent qu’il soit imposé dans les entreprises du CAC 40 entre la rémunération du PDG et le salaire médian des employés. Des salariés par ailleurs sous-représentés dans les organes de décision des grands groupes (12 % dans les conseils d’administration en France, contre 33 % en moyenne en Europe), quand « les intérêts des actionnaires sont fortement représentés (…) et les conseils d’administration principalement constitués d’experts en finance », précise l’étude. Elle préconise d’aligner le taux de représentation des salariés « au niveau des meilleures pratiques européennes ». En matière de fiscalité, enfin, elle exige la transparence, la publication d’une étude d’impact environnemental et social des différents crédits d’impôt, ou encore la progressivité de l’impôt sur le capital…

     

    Alors que l’État se retrouve « à nouveau au chevet des grandes entreprises françaises » et que l’argent public, pour compenser les pertes liées à la pandémie, pleut sans aucune contrepartie, à l’heure où le « monde d’après » s’annonce comme une version plus inéquitable encore de celui d’avant, Oxfam et le Basic, en décortiquant la dernière décennie des grands groupes, avertissent qu’en matière de politique économique, « il est temps de passer des paroles aux actes ».

     

    -------------------------------------------------------
    Le CAC 40, une gouvernance sexiste qui invisibilise les femmes  
     
    Alors qu’elles n’étaient que deux à diriger une entreprise du CAC 40 en 2018 : Ilham Kadri, PDG de Solvay, et Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, cette dernière a été débarquée en février dernier.
     
    Particulièrement sexiste, le modèle de gouvernance des grands groupes perpétue le plafond de verre.
     
    « Fin 2019, souligne l’étude, les femmes ne représentaient en moyenne que 20 % des équipes dirigeantes du CAC 40 alors qu’elles constituent la moitié des salariés » et cinq de ces entreprises ne comptent aucune femme dans leurs instances dirigeantes.
     
    Malgré l’application de la loi Copé-Zimmermann, en 2011, qui oblige les grandes entreprises françaises à tendre vers 40 % de femmes dans les conseils d’administration, elles demeurent « éloignées des postes les plus stratégiques et des espaces de décision ».

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter