• Appel 2022 article médiapart : « 2022, (vraiment) en commun »

    Appel 2022  article médiapart

    « 2022, (vraiment) en commun »

     

    La société civile parviendra-t-elle à contrecarrer le rouleau compresseur des logiques partisanes ?

    Alors que, chaque semaine ou presque, un nouveau « présidentiable » fait son apparition à gauche, 1 000 personnalités publient ce jour l’appel « 2022, (vraiment) en commun ».

    Lancé sur le site de France Info ce matin, le texte réclame la coalition de toutes les forces de gauche et de l’écologie pour la prochaine présidentielle.

     

    Selon les signataires qui considèrent que « nous ne parviendrons pas à gagner si nous ne parvenons pas à nous unir », il faut opposer au « néolibéralisme […] une alternative écologique, sociale et démocratique, en promouvant une démarche et une candidature communes […] dans une démarche transparente et démocratique »

    Les lanceurs du d’ores et déjà surnommé « appel des 1 000 » comptent, par la suite, passer aux travaux pratiques : tenir une assemblée générale fin octobre, créer des collectifs locaux partout en France. Et, si la dynamique prend malgré les difficultés liées aux mesures anti-Covid, organiser, début 2021, une grande convention pour faire se rencontrer et discuter « de manière lucide et sincère » partis politiques et société civile.

    Un appel à l’unité parmi tant d’autres ? Ces derniers temps, les tribunes unitaires se sont multipliées, semble-t-il, sans impact significatif. Pis : alors même que les municipales ont démontré que les coalitions « rouge, rose, verte » pouvaient s’avérer gagnantes, les (timides) initiatives unitaires liées à 2022 ont toutes fini par échouer : les universités d’été communes à toute la gauche, lancées par le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, ont fait long feu, de même que la « convention » pour un programme commun qu’imaginaient mettre sur pied Christian Paul et l’économiste Guillaume Duval, les organisateurs du Festival des Idées.

    Sauf que, pour la première fois, l’initiative, dont l’idée a germé dans les têtes durant l’été, provient des mouvements de jeunesse, qu’ils soient issus des partis d’organisations partisanes (jeunes écologistes, jeunes Génération.s, jeunes de la Gauche Républicaine et Socialiste regroupés au sein du mouvement Résilience Commune) ou non partisanes (collectifs liés aux marches du climat, activistes de l’entrepreneuriat social et de l’antiracisme…).

    « Le texte permet de fédérer tout un écosystème de réseaux de jeunesse qui ne supportent plus que des enjeux aussi cruciaux que le climat ou la question sociale attendent encore des années pour être résolus au plus haut niveau, martèle l’écologiste Claire Lejeune, 26 ans. On est dans une phase de recomposition des imaginaires politiques, mais il faut l’accélérer, en travaillant sur l’articulation entre société civile et partis, avec un objectif clair de prise de pouvoir en 2022. »

    Outre ce vent de fraîcheur venu des millenials, l’autre raison de mettre un peu de baume aux cœurs désespérés est le nombre de signataires. Rédigé il y a quelques semaines, « 2022, (vraiment) en commun » a ainsi engrangé à une folle allure près d’un millier de soutiens, élus, activistes, ou simples citoyens – les « présidentiables » déclarés n’ont pas été sollicités, à dessein. Parmi eux, de nombreux écologistes comme Pablo Servigne (théoricien de la collapsologie), le philosophe Dominique Bourg, Noël Mamère, Michèle Rubirola (maire de Marseille), la nouvelle sénatrice Europe Écologie-Les Verts Raymonde Poncet, mais aussi l’essayiste Corinne Morel Darleux ou la journaliste Marie-Monique Robin.

    Ainsi que des dizaines de syndicalistes, d’intellectuels et d’universitaires : les économistes Thomas Piketty, Jean Gadrey ou Jean-Marie Harribey, l’ancienne présidente d’Attac Susan George, le psychanalyste Roland Gori, la sociologue Dominique Méda, ainsi que les cinéastes Robert Guédiguian et Cyril Dion… On y trouve encore des socialistes (le frondeur Christian Paul, l’ancien ministre François Lamy, ou Isabelle This Saint-Jean, secrétaire nationale au PS), des communistes (la députée Elsa Faucillon…) et une petite poignée d’insoumis, dont la députée Clémentine Autain, seule figure connue du mouvement à soutenir la démarche.

    « Si La France insoumise n’a, hélas, pas voulu s’associer, c’est la première fois qu’un appel aussi large, et venu de la base, est lancé pour tenter de briser l’inertie générale et réclamer une candidature commune », veut croire Alain Coulombel, porte-parole d’EELV, qui avoue au passage sa « colère » contre « les désirs d’hégémonie des partis et les carrières personnelles qui bloquent toute perspective de victoire », y compris au sein de son propre parti.

    « Notre objectif n’est pas de créer une machine de guerre contre tel ou tel parti, prend soin de préciser Pierre Khalfa, de la Fondation Copernic, persuadé que 2022 ne se fera pas sans Jean-Luc Mélenchon. Mais de dépasser les logiques d’appareils qui émiettent les candidatures et favorisent les intérêts particuliers, pour aboutir à un socle commun de propositions et à un seul candidat. » « Candidat et programme : il faut tout faire en même temps », insiste celui qui se souvient avec un peu d’amertume du travail programmatique réalisé, des mois durant, par les collectifs antilibéraux à la suite du référendum constitutionnel européen de 2005 : faute de candidature commune pour les porter en 2007, les propositions avaient fini à la poubelle…

    Cette fois donc, plus question de laisser passer le coche. « Dernièrement, l’inflation des appels et tribunes exigeant l’unité avait un côté un peu ridicule, mais, en l’occurrence, il n’y a pas d’autre solution si on ne veut pas offrir un boulevard au bloc libéral de Macron et au bloc identitaire de Le Pen, souligne le réalisateur du documentaire Demain, Cyril Dion. Le paysage actuel montre qu’il n’y a ni dynamique, ni récit d’avenir qui peut mobiliser les gens. Il faut donc que ça change. »

    « J’ai signé comme citoyen désespéré par la situation actuelle, explique quant à lui le sociologue Camille Peugny. Et il ne faudrait surtout pas que l’on imagine pouvoir seulement dupliquer ce qui a été fait aux municipales autour d’EELV. Prendre trois grandes villes avec 30 % de participation, ce n’est pas la même chose que concourir à une élection nationale où 80 % des électeurs vont aux urnes. On a besoin de tout le monde. Et notamment de La France insoumise. »

    Sébastien Barles, ancien candidat EELV aux municipales à Marseille, était parti en solitaire en mars dernier. Aujourd’hui, il ne veut plus reproduire les mêmes « péchés d’orgueil ou de pureté » qu’il y a six mois : « On doit sortir de la logique individuelle stérilisante de la Ve République et créer un vrai collectif qui ressemble à ce qu’on prône concernant la réforme des institutions », souligne celui qui imagine un ticket, si possible paritaire, de deux candidats, avec un Jean-Luc Mélenchon qui aurait pour charge de mettre en œuvre la constituante qu’il appelle de ses vœux pour passer à la VIe République.

    Une campagne présidentielle où une nouvelle force viendrait subvertir les règles de la rencontre « d’un homme et d’un peuple » : un doux rêve politique ?

    Le socialiste François Lamy, lui, ne croit guère qu’un appel bousculera les routines et aventures personnelles. Ce qui ne l’empêche pas de voir dans l’appel « une bonne piqûre de rappel » à l’endroit des états-majors : « Quand on regarde les divisions à l’œuvre, on peut se dire que c’est désespéré, mais quand on va sur le terrain, les gens veulent l’unité, car ils savent qu’à plusieurs, la partie est perdue, et que seule une gauche écologisée peut répondre aux problèmes écologiques et sociaux. »

    « L’union, si elle peut avoir lieu avant 2022 – ce qui est très court –, suppose à la fois un aggiornamento des anciens partis de gouvernement, mais aussi une ouverture des partis qui se battent sur une ligne radicale », avertit, de son côté, Clémentine Autain qui a observé avec inquiétude le récent sondage du JDD du week-end dernier. Testant un certain nombre de candidatures pour 2022, il montrait le manque de fluidité entre les électorats d’une gauche représentant, en tout et pour tout, quelque 25 % du corps électoral...

    Le chemin vers 2022 sera donc ardu. D’abord, parce que tenter de mobiliser les foules pour l’unité en pleine crise du Covid n’est pas une mince affaire. Ensuite, parce qu’entre la probable déclaration de candidature de Jean-Luc Mélenchon fin novembre, le congrès du PS en décembre, les élections régionales au printemps prochain, et la primaire des Verts qui pourrait être organisée dans la foulée, les occasions de se déchirer ou, du moins, de rester dans son couloir, ne manqueront pas.

    Reste que le désir d’unité continue, par petites touches, de s’inviter dans le débat public. La semaine prochaine, les trentenaires composant le mouvement de la « Rencontre des Justices » se réuniront à Jambville (78), pour fédérer les luttes autour de l’égalité. Hier, est aussi paru, sur le site de Mediapart, un appel à faire l’unité entre les Verts, les roses et les rouges aux régionales en Île-de-France, pour battre la sortante de droite, Valérie Pécresse. Les deux principaux concurrents à gauche, Julien Bayou, qui veut être tête de liste pour les Verts, et la socialiste Audrey Pulvar, ont, paraît-il, lu le texte avec bienveillance.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter