• A toi le policier de la rue.

    L'Avis de mes Potes

    A toi le policier de la rue.


    A toi dont j'entends la peur et la souffrance, la révolte contre l'injustice, j'aurais aimé être en mesure de t'apporter ma solidarité mais c'est salement compliqué. Ce qui est arrivé à tes collègues d'Essonne est terrible, horrible, insupportable. Ta révolte et ta peine sont immenses. Sont-elles différentes des révoltes et des peines des proches des morts de tes missions ? Voilà pourquoi je voudrais t'exprimer ma solidarité mais pas n'importe comment. Je veux une solidarité de sortie de l'affrontement.

    «La peur doit changer de camp» clame un de tes collègues sur les écrans de télé. L'argument passe en boucle. Est-ce cela ton idéal ? Est-ce cela ta revendication ? Donner le droit de tuer Ali Ziri, donner le droit de gazer les manifestations, ou simplement donner le droit au regard de mépris à l'égard des jeunes de banlieue comme des manifestants de cet été ? Alors ta peine ne me concerne plus car elle est haine. Haines contre haines ne conduisent qu'à l'abime.

    Qu'un homme jeune soit brûlé dans sa voiture incendiée me révolte tout autant que la mort d'un retraité sous la clé d'immobilisation. Il faut que cesse cet engrenage.

    Il se dit que dans des pays nordiques les policiers déambulent dans leur quartier de mission, qu'ils connaissent personnellement les habitants qu'ils croisent tous les jours, qu'ils font partie du « quartier ». Il se dit que dans ces pays la prison n'a rien de comparable aux notre. Je n'éprouverais aucune réticence à être solidaire de ces policiers-là, à les inviter chez moi. Mais toi, quel policier es-tu ? A quels ordres obéis-tu ?

    Policier de la rue, je te dis « tu ». Il faut que je te dise pourquoi. Plusieurs fois je suis « tombé » entre tes mains dans ma vie militante et revendicatrice. Tu avais la force et son autorité. Tu n'avais rien à craindre de ma colère maitrisée. Tu me souriais, me disais « tu » et je sentais un grand dédain. La dernière fois c'était en juin lors des manifestations contre la sinistre loi El Khomry. Une autre fois c'était à Argenteuil alors que nous demandions justice pour la mort Ali Ziri, 67 ans, arrêté par une patrouille de police. Ma colère était maitrisée disais-je, là elle ressort malgré moi. Maintenant que c'est toi qui souffre ce « tu » dédaigneux me sort et s'impose. C'est ma soupape de décompression. Il demeure l'essentiel : une main tendue pour rendre vivable la solidarité, pour que la chanson de Renaud ne soit le produit d'un vieil homme soumis par l'alcool mais une perspective crédible construite par des ordres d'un ordre différent.

    SG !

    Ah oui, tout de même, il faut un petit mot sur un point de la propagande médiatique. L'agression de vos collègues « parce qu'ils dérangeaient », « parce qu'ils protégeaient une caméra de surveillance ». Quelle manipulation ! Je connais assez ces situations pour savoir qu'il faut tout un enchainement pour atteindre ce niveau de violence. J'ignore ce qu'il s'est passé avant mais assurément un tel niveau de violence se construit sur d'autres événements. Cela n'excuse en rien la cruauté du geste mais regarder toute la réalité en face peut seule donner les capacités de sortir de ce gouffre.


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