Crépol : l'extrême droite attise la haine, la justice avance
Une semaine après l’assassinat de Thomas en marge d’un bal dans la Drôme, quatre-vingts militants d’extrême droite ont défilé samedi, à Romans-sur-Isère, afin d’« en découdre ».
Pour la justice, « l’élucidation des faits commis à Crépol n’est pas achevée ».
La bêtise et la haine forment un bien dangereux cocktail.
Dans la Drôme, la mort de Thomas, lycéen de 16 ans, en marge d’un bal à Crépol, la semaine dernière, continue d’alimenter les tensions, avivées par l’extrême droite qui veut voir dans ce drame la manifestation d’un racisme « antiblancs ».
Le 18 novembre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, y avait vu, lui, le signe d’un « ensauvagement » de la société, un terme régulièrement utilisé par le président du Rassemblement national et député européen Jordan Bardella.
« Les ratonnades, on peut recommencer »
Le 20 novembre, c’est Florence Medina, ex-candidate en 2022 du mouvement Reconquête d’Éric Zemmour, dans la première circonscription de l’Hérault, qui avait tout bonnement appelé à des représailles violentes.
« Dans les années 1980, il existait des ratonnades – au risque de choquer on peut recommencer », avait-elle osé sur sa page Facebook.
Samedi 25 novembre, il semble qu’elle ait été prise au mot, puisque environ 80 militants d’ultradroite ont tenté de pénétrer, « pour en découdre » selon la préfecture, dans le quartier populaire de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, d’où sont originaires plusieurs des jeunes mis en cause par la justice pour les violences de Crépol.
Encagoulés et habillés de noir, les manifestants portaient une banderole « Justice pour Thomas, ni pardon, ni oubli » et scandaient « La rue, la France, nous appartient », selon des images diffusées sur les réseaux sociaux. Après des heurts avec la police, vingt personnes ont été arrêtées, dont 17 placées en garde à vue.
Un jeune homme de 20 ans, militant d’ultradroite originaire de Mayenne venu à Romans-sur-Isère pour l’occasion, a été roué de coup par « un groupe d’autres jeunes », « sans que ses jours ne soient en danger », a détaillé le préfet de la Drôme.
Ces « débordements » ne sont pas des faits isolés : à Lyon, jeudi soir, une manifestation interdite de l’ultradroite avait déjà débouché sur une interpellation ; et des tags islamophobes ont été découverts samedi matin, à l’autre bout du pays, sur les murs de la mosquée de Cherbourg-en-Cotentin (Manche), avec ces mots : « Justice pour Thomas, ici on est en France ».
Halte aux « spéculations et interprétations hâtives »
Malgré ce contexte lourd, la justice continue d’essayer de comprendre ce qui s’est passé dans et à l’extérieur de la salle des fêtes de Crépol, où 400 personnes s’étaient rassemblées pour le « bal de l’hiver ». Selon les enquêteurs, qui ont entendu pas moins de 104 témoins, l’altercation initiale aurait éclaté dans la salle, « pour un motif futile » : la « coupe de cheveux » d’un des suspects interpellés depuis par la police. Avant de se prolonger dehors, au moment où la fête se terminait.
Au total, ils sont neuf jeunes, dont trois mineurs, à avoir été mis en examen samedi pour « meurtre en bande organisée », « tentatives de meurtre » ou « violences volontaires commises en réunion ». Mais l’auteur des coups de couteau mortels sur Thomas restait à identifier formellement.
« Le scénario même des passages à l’acte, les mobiles et l’identification de tous les auteurs des faits ne sauraient se résumer à des dénonciations sans preuve, des spéculations ou des interprétations hâtives », a mis en garde le procureur de la République de Valence.
Si neuf témoins sur les 104 auditionnés ont dit avoir entendu des propos hostiles « aux blancs », l’enquête ne permet pas d’affirmer, à ce stade, que les victimes ont pu être visées en raison de leur appartenance à une « prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée », précise aussi le communiqué du procureur.