À l’Assemblée, la gauche cherche comment abroger la réforme des retraites sans tomber dans le piège du RN
Les insoumis déposeront une proposition de loi pour abroger la réforme des retraites, qui sera examinée lors de leur niche parlementaire, en novembre. Avant, les députés du NFP présenteront des amendements au projet de loi de finances de la Sécurité sociale, courant octobre, dans le même but. Une manière de prendre de court le RN qui a, lui aussi, déposé une proposition d’abrogation dans sa niche, le 31 octobre.
Le Parlement va pouvoir se prononcer sur la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, et notamment sur son article 7 : celui qui reporte l’âge de départ à 64 ans.
La question se repose alors que le Rassemblement national a inscrit son abrogation dans sa niche parlementaire le 31 octobre, posant un dilemme aux députés du Nouveau front populaire (NFP).
Voter une proposition du RN, c’est pour la gauche prendre le risque de normaliser l’extrême droite.
Ne pas le faire, c’est se voir accuser de laisser passer une chance de revenir sur la mesure la plus antisociale de la dernière législature.
Le dépôt par le RN d’un tel texte relève d’un coup tactique.
Même si les députés le votaient, il ne serait pas examiné par le Sénat, où l’extrême droite n’a que quatre élus.
« Cela s’apparente à un coup d’épée dans l’eau, estime Arthur Delaporte, porte-parole des députés socialistes. Il n’y aurait aucun groupe pour reprendre le texte au Sénat » et assurer la navette parlementaire.
De plus, le gouvernement de Michel Barnier, chargé par Emmanuel Macron de conserver son legs antisocial, pourrait opposer l’article 40 qui interdit aux députés toute proposition créant une dépense supplémentaire.
L’imposture du RN
La gauche essaie donc de trouver la parade.
Sur BFM TV lundi 15 septembre, le député insoumis Éric Coquerel a expliqué que son mouvement demandait une session parlementaire extraordinaire sur le sujet.
« On peut peut-être espérer qu’il ait un réflexe démocratique en se disant que les partis qui le proposent ont été majoritaires aux législatives », explique-t-il.
Si ce n’est pas le cas, son groupe déposera un texte dans sa niche parlementaire fin novembre.
Enfin, il sera possible pour le NFP de déposer des amendements lors de l’adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ajoute le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
Cette option, défendue par une partie de la gauche, a un avantage : elle pourrait être activée avant le 31 octobre, lors de l’examen du PLFSS en commission. Soit avant la date de la niche RN.
Concernant le vote de la proposition présentée par l’extrême droite, le NFP en débat encore.
Les députés communistes en discuteront lors de leurs journées parlementaires, jeudi 19 septembre.
Sur France Inter, ce lundi, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, qui dit regarder le contenu des textes plus que celui qui le porte, a interrogé :
quelle sera l’attitude des députés d’Éric Ciotti, qui chez Les Républicains étaient pour la retraite à 65 ans, et sont désormais alliés au RN ?
Fabien Roussel a également rappelé l’hypocrisie du Rassemblement national : « il défend la retraite à 42 annuités. Avec eux les Français vont partir en retraite à 65, 66, 67 ans »
Chez les écologistes aussi, il y a débat sur l’attitude à avoir face à la proposition RN : « qu’on le vote ou on ne le vote pas, dans les deux cas on tombe dans un piège », soupire une cadre des verts.
Chez les socialistes, le groupe n’a pas encore déterminé sa ligne de conduite. «
On n’a jamais rien voté qui vient du RN », prévient Arthur Delaporte qui exprime sa position personnelle :
« Je ne me vois pas voter pour un texte d’une formation qui n’a pas une ligne politique claire sur le sujet. On ne sait pas s’ils veulent la retraite à 63, 64 ou 65 ans. De plus, ils sont alliés à Éric Ciotti. Je ne veux pas participer à légitimer une imposture ».