• Seconde guerre mondiale. « Peuple de France », l’appel du 10 juillet 1940

    Vendredi, 10 Juillet 2020

    Seconde guerre mondiale.

    « Peuple de France »,

    l’appel du 10 juillet 1940

    Jacques Duclos - Maurice Thorez

    Premier texte programmatique du PCF dans le contexte de la défaite, cet écrit est d’une importance particulière dans la constitution de la Résistance communiste.

     

    Le 10 juillet 1940, les parlementaires réunis à Vichy votent la fin de la IIIe République.

    C’est cette date symbolique que choisit Jacques Duclos pour lancer l’écriture du texte qu’il finit de rédiger vers le 15 juillet 1940 et qu’il intitule simplement « Peuple de France », diffusé clandestinement dès la fin juillet, mais principalement en août et en septembre.

    Il est réédité ensuite à plusieurs reprises, et sera parfois signé « Thorez-Duclos » dans les publications destinées aux cadres du Parti et dans des numéros spéciaux, ce qui marque l’importance qui lui est accordée, même si d’autres appels de ce type se succèdent les mois et les années suivants.

     

    Le 14 juin 1940, les Allemands sont entrés dans Paris.

    L’armistice signé le 22 juin 1940 a fractionné la France.

    Son territoire le plus peuplé et le plus productif est occupé.

    L’exode a mis des millions de Français sur les routes pour fuir l’invasion allemande.

    Le traumatisme est absolu.

     

    Le PCF, illégal depuis son interdiction le 26 septembre 1939, est profondément désorganisé.

    Avec la guerre, de nombreux militants ont été mobilisés.

    D’autres, choqués par le pacte germano-soviétique, l’ont quitté.

    Des centaines de militants et de dirigeants ont été emprisonnés ou internés par les gouvernements Daladier et Reynaud.

    La direction est atomisée :

    Benoît Frachon, qui l’a assurée depuis l’automne, a trouvé refuge en Haute-Vienne ;

    Charles Tillon est à Bordeaux ;

    Maurice Thorez est à Moscou depuis novembre 1939.

    Jacques Duclos est revenu de Bruxelles le 15 juin, avec un vieux mot d’ordre léniniste : utiliser toutes les possibilités légales.

     

    Les occupants ont reçu l’ordre de se montrer « corrects » avec la population.

    Ils veulent apparaître comme libérateurs.

    Pour ce faire, ils délivrent quelques centaines de prisonniers, la plupart incarcérés pour propos défaitistes divers, dont quelques dizaines de communistes.

    Ils engagent une négociation pour la reparution d’un journal d’apparence communiste.

    Leur objectif est simple : maintenir l’ordre pour exploiter au mieux le pays.

     

    Le texte de Jacques Duclos se propose de donner à comprendre les causes de la défaite et de définir une ligne politique.

    L’exercice n’est pas facile.

    En octobre 1939, le PCF a opéré un tournant de sa ligne politique, jusqu’alors radicalement antifasciste.

    Sur injonction de l’Internationale communiste à la suite du pacte germano-soviétique, il considère la guerre comme « impérialiste » et se prononce pour la paix.

    Face à la défaite brutale de la France, il faut évidemment désigner les responsables et tracer des perspectives d’action.

     

    Le lien entre la libération nationale et la libération sociale

    Le document attaque principalement les gouvernements précédents, les partis qui les ont soutenus, les capitalistes et le gouvernement de Vichy.

    La dénonciation des occupants est prudente, mais cependant transparente, notamment par la problématique de l’indépendance nationale, rappelée comme une litanie une douzaine de fois dans l’ensemble du texte et renforcée sans ambiguïté par l’évocation d’une armée allemande qui occupe la moitié du territoire aux frais de la France, le peuple de France qui ne sent pas chez lui, le gouvernement « de traîtres et de valets » qui ne se maintient au pouvoir que par ses appuis extérieurs, contre la volonté de la nation.

    La phrase célèbre : « Jamais un peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves », est une forme de synthèse de ces dénonciations.

     

    La quasi-absence du thème de la guerre impérialiste, qui n’est évoquée que par le biais de l’utilisation par les occupants des ressources françaises, constitue un changement notable (bien que provisoire) par rapport à la dénonciation permanente dont elle faisait l’objet depuis octobre 1939, impérialisme britannique et impérialisme allemand n’étant d’ailleurs pas placés sur le même plan dans le texte.

     

    De nombreux passages sont cependant de l’ordre de l’incantation.

    L’union et la constitution d’un « front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France » auquel il est appelé doivent être guidées par le Parti communiste et étroitement reliées aux perspectives de renversement du capitalisme, ce qui en limite évidemment la portée.

    Le lien entre la libération nationale et la libération sociale soumet l’impératif immédiat de la reconstruction du pays à un programme de rupture avec le capitalisme totalement irréaliste.

    Au-delà de l’exhortation au renversement du gouvernement, les perspectives concrètes d’action sont plus que vagues.

     

    Ce texte de circonstance, malgré ses faiblesses, constitue tout entier un refus total de la situation présente particulièrement remarquable à cette date, y compris chez de futurs résistants de premier plan.

    Il ne mérite ni excès d’honneur, ni indignité, mais demande d’être lu à l’aune de ce temps où la France plonge dans les années noires de l’Occupation, il y a exactement quatre-vingts ans aujourd’hui.

     

    Louis Poulhès
    Historien 

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