• Police. Arié Alimi : « Il existe une vraie culture raciste et antisémite dans la police »

    Mercredi, 29 Juillet, 2020

    Police.

    Arié Alimi :

    « Il existe une vraie culture raciste et antisémite dans la police »

     

    Dans l’affaire du tribunal de Paris, Arié Alimi, avocat du policier lanceur d’alerte, dénonce l’omerta de la police et le caractère systémique du racisme. 

     Insultes racistes et homophobes, vols, refus de soins médicaux…

    Dans une enquête glaçante, StreetPress révélait lundi 27 juillet les traitements subis par les justiciables de passage dans les cellules du TGI de Paris, grâce notamment au témoignage du brigadier-chef Amar Benmohamed. 

     

    Sur un peu plus de deux ans, plus de 1 000 prévenus ont été maltraités au tribunal de Paris, le plus grand d’Europe. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle affaire de racisme dans la police ?

    Arié Alimi

    Les propos racistes, les violences auraient pu être des cas isolés.

    Mais ce qui revient toujours dans ces dossiers de maltraitance policière, c’est l’impunité délibérée par la hiérarchie – dans ce cas précis par le préfet de police de Paris, Didier Lallement – et la volonté de faire taire les lanceurs d’alerte.

    Amar Benmohamed considère que la plupart de ses collègues sont d’excellents policiers et que l’affaire concerne une douzaine de personnes.

    Mon opinion, en tant qu’avocat et membre de la Ligue des droits de l’homme, c’est que, depuis quelque temps, des affaires comme celle du tribunal de Paris se multiplient. Et ça commence à faire beaucoup.

    Le caractère systémique vient de la récurrence de ces actes et des révélations.

     

    Que risque aujourd’hui le lanceur d’alerte Amar Benmohamed, qui a eu le courage de témoigner à visage découvert ?

    Arié Alimi

    Mon client est devenu lanceur d’alerte par la force des choses.

    Il avait essayé depuis plusieurs mois de signaler les actes de violence et les propos racistes, antisémites, homophobes de ses collègues aux autorités, il a réalisé des rapports et voulait obtenir des condamnations.

    Mais c’est lui qui paie le prix fort aujourd’hui.

    Il subit un harcèlement permanent de la part de sa hiérarchie, qui l’envoie chez le médecin, qui le convoque toujours pour des raisons futiles qui n’aboutissent jamais.

    C’est flagrant : il s’agit de briser la carrière d’un policier de vingt ans d’ancienneté, extrêmement bien noté.

    Malheureusement, c’est le fonctionnement de la police.

    De l’armée aussi d’ailleurs.

    Finalement, ces deux institutions agissent comme la mafia, avec une réelle omerta et la destruction par la hiérarchie de ceux qui dénoncent parce qu’ils ont une vision différente de leur fonction et de l’institution dont ils font partie.

    Avec mon client, nous avons déposé plainte pour harcèlement.

     

    « Bicot », « bougnoule », « négro », « pédé »… Que ce soit à Rouen avec les échanges racistes sur WhatsApp, à L’Île-Saint-Denis avec la vidéo d’une interpellation ou au tribunal de Paris, ce sont toujours les mêmes termes qui sont utilisés…

    Arié Alimi

    Oui.

    Des propos récurrents, des mots fréquemment utilisés qui constituent une forme de code de reconnaissance.

    Ce que dit mon client à demi-mot, c’est qu’il existe une vraie culture « Alain Soral » parmi les jeunes recrues de la police.

    Il semblerait que cette culture antisémite et raciste ait imbibé la nouvelle garde policière.

     

    Aujourd’hui, cinq policiers ont fait l’objet de sanctions administratives et un sixième doit passer en conseil de discipline. Il semblerait que l’action du lanceur d’alerte ait payé…

    Arié Alimi

    Oui, mais contrairement à ce qu’a annoncé la préfecture, il n’y avait jamais eu de sanctions auparavant, alors que les faits étaient connus.

    La préfecture n’a bougé que lundi dernier, lorsque l’affaire a été médiatisée.

    J’ai l’impression que beaucoup de policiers s’aperçoivent qu’ils ont été trahis dans les raisons pour lesquelles ils étaient entrés dans la police.

    J’ai bon espoir que de plus en plus oseront parler.

    C’est ce que je constate au quotidien.

     

    Entretien réalisé par Nadège Dubessay
     

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