• Nucléaire militaire Traité / ICAN / Nobel Les questions qui fâchent....

    Voici quelques réflexions... 

    à contre-courant ?

    A contre-courant de qui ?

    A contre-courant pourquoi ?

    Bonne lecture....

     

    Nucléaire militaire 

    Traité / ICAN / Nobel

    Les questions qui fâchent.... par Ben Cramer

     

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    La résolution de bannir l’arme nucléaire de la surface de la Terre a été boycottée par 70 Etats (qui ont préféré s’absenter des débats et du vote).

    Ce chiffre soulève de véritables interrogations ;

    même si la résolution a été approuvée par 122 États avec 1 opposition (les Pays-Bas) et une abstention, celle le Singapour.

    Pourquoi le Japon, seul territoire victime de frappes atomiques, a-t-il boycotté les débats à l’ONU au même titre que les Etats nucléaires ? 

    Pourquoi le Saint-Siège, qui détient un statut de membre observateur à l’ONU, a-t-il été habilité à prendre part au vote sur l’interdiction et pourquoi l’église catholique détient-elle l’exclusivité des voix théologiques ?

    Lorsque le réseau International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN) déclare que la meilleure façon de faire du zéro nucléaire (militaire) c'est avec zéro terreur, zéro vérification et zéro sanction, qui va applaudir et pourquoi ?

     

    Les raccords qui sonnent faux 

    Les Etats qui s’insurgent contre les passe-droits que s’octroient les neuf (9) puissances nucléaires sont au nombre de 133.

    Le réseau ICAN s’en félicite.

    Mais cette coalition bricolée des ‘have not’ n’est-elle pas fantoche ? 

     

    Le panel risque de nous réserver des surprises déconcertantes dans la perspective du désarmement et de la sécurité.

    Le premier effet de la démarche est de nous bluffer.

    En effet, certains claironnent déjà que les convertis représentent une majorité de 63 % des Etats à l’ONU, un chiffre remarquable compte tenu des fortes pressions exercées par les puissances nucléaires sur leurs alliés.

    D’où un discours triomphaliste sur la ‘volonté de la communauté internationale’ .

    Mais les chiffres, comme les statistiques, sont à manier avec des pincettes.

    En additionnant les habitants des territoires vivant au sein d’Etats nucléarisés (les 9 dont l’Inde et la Chine) et ceux sous parapluie nucléaire (étendu), au-delà d’ailleurs des 25 sur les 28 membres de l’OTAN, le nombre de Terriens protégés, pris en otages ou coincés avoisine les 3,5 milliards, soit quasiment 1 habitant sur deux.

    Le fond de l’air est donc moins dénucléarisé que l’affirme ICAN. 


    Les surprises ne s’arrêtent pas là.

    Les Etats qui ont renoncé à la bombe et qu’on surnommera les ‘repentis’ ne s’acoquinent pas volontiers avec les postulants plus ou moins clandestins ou les convertis de force.

    Prenons le cas du Brésil et de l’Irak.

    Certes, ils ont tous deux flirté avec l’aventure nucléaire, ils sont tous deux désormais dans l’abstinence, mais l’un (Brésil) a agi par la volonté de ses dirigeants, l’autre (l’Irak) a subi l’intervention militaire d’une coalition qui s’est arrogée le droit de l’en empêcher.

    Pour étayer le caractère surréaliste de ce patchwork, prenons le Lichtenstein, l’Arabie Saoudite et l’Iran.

    C’est encore plus insolite car le premier (qui a abandonné son armée pour des raisons financières en 1868) n’a pas beaucoup d’atomes crochus avec l’Arabie Saoudite qui louche sur l’option nucléaire depuis plus de 14 ans (si l’on en croit the ‘Guardian’ du 18 septembre 2003) ou l’Iran qui n’a jamais caché ses ambitions militaires depuis le Shah et tente à sa façon, et au nom de la sécurité, de briser le monopole nucléaire israélien dans la région. 


    Pour regrouper ces 133 ‘démunis’ contre les nantis et leurs alliés ou acolytes, ICAN a ratissé large.

    Le mixage de ce regroupement hétéroclite d’Etats démocratiques, d’Etats défaillants, faillis ou en faillite, et de quelques entités situées dans des zones dénucléarisées est cocasse.

    Que certains voudraient bien tout pardonner aux ennemis de l’atome, soit.

    Mais l’Autriche, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud, la Suède, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande et le Costa Rica (par exemple) ne sont pas forcément honorés par la compagnie d’Etats semi faillis ou corrompus tels que le Zimbabwe, l’Erythrée, le Cambodge, la Libye ou la RDC…

    Ne s’agit-il pas plutôt d’alliés encombrants ?

     

    Le manichéisme

    Dans leur certitude d’être du bon côté de l’Histoire , les militants d’ICAN s’obstinent à ne pas vouloir construire des ponts avec les représentants d’Etats dont la trajectoire, la géographie et la perception de la menace sont différentes.

    Je fais référence ici à aux propos de la directrice d’ICAN Beatrice Finh qui dirige depuis 2014 la coalition internationale.

    Dans une interview accordée à l’agence de presse Pressenza en septembre 2017, elle explique :

    "Imaginez que des gens auraient dit qu’on devait rechercher des compromis avec les nazis. Cherchons un terrain d’entente, construisons des ponts entre les nazis et les non-nazis (…) C’est juste ridicule ! Soit vous êtes favorable au meurtre massif de civils, soit vous ne l’êtes pas. Pourquoi bâtir des ponts entre les deux points de vue ? "

    En taxant de meurtriers et de ‘nazis’ tous les adversaires au traité, la directrice d’ICAN s’est faite de nombreux ennemis, pas seulement parmi les chefs d’Etat, mais les diplomates qui reçoivent des instructions, mais aussi les missiliers, les travailleurs des centres comme Valduc, Aldermaston ou de l’usine de démantèlement de Pantex au Texas.

    Espérons qu’un auteur qui écrirait un pamphlet intitulé ‘Vive la bombe’ (comme l’a fait Pascal Boniface en 1992) ne ferait l’objet d’aucune poursuite pour apologie de crime…

    Les arguments de B. Finh pour refuser de 'bâtir des ponts' ne correspondent pas tellement à l’esprit de tolérance que veut se donner l’ONU, une ONU capable d’accepter sans heurts que la Corée du Nord accède (six mois en 2011) à la présidence de la Conférence du Désarmement à Genève. 


    Ses propos viennent par contre entretenir l’esprit discriminatoire du TNP, concocté dans les années 60 par Washington et Moscou, décrié tant sur la forme que sur le fond, et dont le texte fut accueilli par un tiers d’opposants lors de sa présentation à l’Assemblée Générale de l’ONU en Juin 1968.

    Le principe d’ ‘apartheid nucléaire’ lui colle toujours à la peau.

     

    Quant-à-soi et sectarisme

    ‘Ne vouloir faire société qu’avec ceux qu’on approuve en tout, c’est chimérique et c’est le fanatisme même’.

    (Alain cité par Albert Jacquard). 


    Se féliciter de se mettre d’accord entre ceux qui sont déjà d’accord représente une piètre victoire, un peu à l’image des négociateurs qui négocient en dictant leurs conditions (de ce qui est négociable) ;

    ou à l’instar des militants disposés à faire des concessions qu’avec leurs alliés de toujours, quitte à se priver par exemple des voix des militaires, même si ces derniers, accusés du pire, ont prouvé qu’ils étaient souvent plus pacifistes que ceux qui s’en réclament,

    y compris parmi les soldats israéliens qui se sont mobilisés au sein de l’organisation ‘Breaking the Silence’,

    y compris parmi les signataires de l’appel international de décembre 1996 pour un monde libéré des armes nucléaires, dont l’amiral Antoine Sanguinetti (le seul Français sur la liste) et qui figurent parmi les résistants notoires au désordre nucléaire actuel. 


     

    Surmonter le ‘quant-à-soi’ s’impose pour la simple raison que la notion d'’entre-soi’ sous-entend l'exclusion des autres.

    Un déni des réalités culturelles, historiques et stratégiques des 70 acteurs récalcitrants ne risque-t-il pas de desservir la cause du désarmement et du pacifisme ?

    Comme disait Condorcet, " Les amis de la vérité sont ceux qui la cherchent et non ceux qui se vantent de l’avoir trouvée".

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    Les Neuf ‘salopards’

    Même parmi les Etats nucléaires et qui sont fiers de l’être, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

    Pourquoi les mettre dans le même sac ?

    Sur les neuf, deux Etats monopolisent 95% des armes nucléaires.

     

    Cinq sont membres du Conseil de Sécurité et grâce au Traité de Non Prolifération (TNP) qui a officialisé leur statut, aucun de leurs dirigeants n’envisage ‘de se priver de ce privilège qui lui a été conféré par un accident de l’histoire’, selon l’expression de Jacques Attali. 

     

    Quatre (4) puissances (Corée du Nord, Inde, Israël, Pakistan) snobent le TNP.

    Le premier dissident a renoncé à ses obligations d’antan en ayant recours à l’article 10 du TNP qui fut réclamé au départ par l’Allemagne.

    Le second outsider (Israël) cultive la clandestinité nucléaire et, au nom de son ambiguïté, n’assume pas son statut, même si Shimon Peres a levé le voile publiquement, une fois, lors d'une conférence de presse le 13 juillet 1998.

    A Tel Aviv, une émission radiophonique ironise sur le fait qu’Israël ne détiendrait un arsenal que "selon des sources étrangères". 

     

    L’Inde et le Pakistan cultivent le ‘nationalisme nucléaire’, et chez ce dernier, les missiles Ghauri sont érigés en statues sur les carrefours des grandes places, monuments érigés sur l’autel de l’assurance-vie ! 

     

    En Inde, ce concept de "nationalisme nucléaire" a été critiqué par des intellectuels tels que Sri Raman.

    Sri Raman est moins vénéré qu’Abdul Kalam (auteur des "Ailes du Feu") surnommé "l’homme du missile indien", mais il a réussi à se battre sur 4 fronts.

    Primo, créer les conditions d’un dialogue social entre la gauche organisée et la société civile en rendant le discours nucléaire accessible à tous.

    Secundo, mobiliser les médias en créant une association de journalistes contre la bombe (Journalists against Nuclear Weapons, JANW) depuis la première explosion de 1974 qui avait suscité peu de protestations (et fut présentée comme une expérimentation pacifique avec le nom de code "Operation Smiling Buddha".

    Tertio, soutenir l’organisation anti-nucléaire indienne COSNUP ou Comittee for a Sane Nuclear Policyanimée par le professeur Dhirendra Sharma qui s'inquiétait (à juste titre) de la résurgence d'un ‘lobby pour la bombe’ dès juin 1981.

    Enfin, se prononcer en faveur de la mise sur pied d’une convention des Nations Unies pour l’abolition des armes nucléaires. 

     

    La France et le Royaume-Uni s’accrochent le plus à l’ordre nucléaire existant car ces puissances se sont vu accorder un statut disproportionné par rapport à leur pouvoir réel.

    La France, - qui abrite une base de sous-marins nucléaires au sein du parc naturel régional d’Armorique (Finistère) - est désignée par ICAN comme l’un des principaux empêcheurs de "désarmer en rond".

    Pourtant, sa population représente 1 % de la population mondiale, elle vit sur 1 % du territoire mondial, et tente de jouer un rôle - de frein plutôt que d’avant-garde – en disposant d’un arsenal qui constitue 1 % de l’arsenal nucléaire mondial.

    Sa dissuasion – promue aux quatre coins du monde - ne pèse finalement pas lourd dans les enjeux sécuritaires sur l’avenir de l'Union européenne, encore moins sur les processus de désarmement à l’échelle planétaire.

     

    Les nucléarisés ‘malgré eux’

    Les Etats qui sont nucléarisés malgré eux (et stigmatisés parmi les 70 absents dont le Japon, la Corée du Sud ou l'Australie) bénéficient d’un parapluie nucléaire plus ou moins étanche et sont devenus des protectorats par le biais d’une trouvaille des artisans du TNP : la "dissuasion étendue", toujours en vigueur depuis les années 60.

    Quelle que soit l’efficacité de ce concept qui perdure, un opposant à la bombe se doit de reconnaître que la dénucléarisation est à géométrie variable et que les États Européens, géographie oblige, ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour revendiquer le statut (dénucléarisé) de la Mongolie par exemple.

    Le meilleur exemple est l’Islande.

    Ce pays, membre de l’OTAN, qui figure au hit-parade de l’Index Mondial de la Paix n’a pas d’armée.

    Il interdit l’entreposage et le transport d’armes nucléaires sur son territoire, soutient mordicus "l’éradication de ces armes en tant que signataire du TNP" , mais le gouvernement de Reykjavik s’est prononcé contre le traité d’interdiction. 


    Quant aux autres "clients" du parapluie (nucléaire), tels l’Allemagne ou le Japon, ils ont bénéficié (même malgré eux) de campagnes de vaccination, mais nul ne peut jurer qu’ils soient immunisés à tout jamais vis-à-vis de certaines tentations.

    A Tokyo, un vice-ministre japonais de la défense a été contraint à la démission pour avoir affirmé que se doter de l’arme nucléaire pourrait être opportun, en 1999.

    En 2017, toujours au Japon, le gouvernement snobe la convention d’interdiction, bien qu’il soit l’unique territoire à avoir été victime d’attaques nucléaires.

    Cette évolution peut paraître incompréhensible mais l’opinion publique est fluctuante ; si, aujourd’hui, 90 % des Japonais se déclarent opposés à l’option atomique, la donne pourrait changer si jamais les Japonais étaient confrontés à une menace réelle de missiles nucléaires nord-coréens. 


     

    L’offensive d’ICAN a été menée selon des règles (d’interdiction) qui ne tiennent pas compte de la complexité et de la diversité du monde.

    Or, les obstacles à n’importe quelle victoire sur le front du désarmement varient d’un pays à l’autre, aussi en fonction des opinions publiques qui influent sur la politique des gouvernants.

     

     

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    ICAN - une victoire en trompe-l'oeil

     

     

    Depuis 1945, les Etats qui ont renoncé à l'aventure nucléaire correspond peu ou prou au nombre de "prétendants" à l'atome.

    En ce qui concerne les premiers, les élites au pouvoir se sont donné les moyens d’amorcer une évolution/révolution par rapport à leurs sujets-citoyens et aussi par rapport à leurs voisins ou ennemis.

    Cette démarche est vertueuse, en raison de leur renoncement et du pourquoi de ce renoncement. 

    Se débarrasser à un moment précis de l’Histoire d’un outil qui devenait un fardeau encombrant ou insupportable est un acte politique et pas seulement un calcul d’opportunités. 

     

    Le Brésil

    Au Brésil et en Argentine, par exemple, les élites ont frayé leur chemin vers la dénucléarisation et le processus, unique en son genre, s’est joué en duo.

    Depuis, le Brésil se singularise. Alors qu’il est l’un des rares États dans le monde à maîtriser l’ensemble du cycle de l’uranium (extraction, enrichissement), et qu’il ambitionne d’enrichir son uranium pour propulser ses futurs sous-marins, il a inscrit (1988) dans sa Constitution,  l’interdiction de posséder une arme nucléaire . 

     

    Les cas suédois et sud-africain

    Si la Suisse a abandonné ses recherches dans la plus grande discrétion en 1985 (après avoir consulté son peuple par référendum en 1962, tel n’est pas le cas de la Suède, comme le confirmeront des représentants qui se sont retrouvés à Helsinki en octobre 2013 à l’initiative des médecins d’IPPNW (Helsinki, octobre 2013).

    Pourquoi ce pays, techniquement capable d’acquérir la bombe, a-t-il renoncé 25 ans après avoir débuté ses recherches ?

    Comment est-il passé de l’option nucléaire à la promotion du "non" ?

    On serait tenté de tout expliquer par le manque d’appétence d’un peuple qui ne pense pas que le prestige national passe par l’acquisition de ce type de pouvoir militaire.

    Mais cette explication culturelle ne suffit pas : au sein de l’armée, des oppositions divergentes se manifestent.

    Au sein du parti social-démocrate, quelques personnalités vont bousculer les indécis et notamment la fédération des femmes de la social-démocratie qui va être rejointe par l’association des jeunes sociaux-démocrates.

    Dès 1958, un groupe d’action contre l’arme atomique suédoise (AMSA) initié par des intellectuels se mobilise sur tout le territoire.

    Le débat fait émerger dans la société civile le plus important mouvement populaire que le pays ait connu.

    L’opinion publique va basculer : alors qu’une majorité de 40% était en faveur de la bombe en 1958, 69% des sondés se disent opposés à un arsenal nucléaire en 1967. 

     

    Que ce soit en Suisse, en Suède ou en Afrique du Sud, (sans mentionner les autres), aucun de ces Etats n’est passé par la "case" abolition ou interdiction, et aucun n’a subi de consigne étrangère ou de pression internationale pour se diriger vers la sortie.

    Même pas l’Afrique du Sud.

    A ce propos, l’ex-président De Klerk a démenti la thèse (propagée par le ‘New York Times’) selon laquelle son gouvernement en 1993 était motivé par un seul objectif : empêcher que ces armes atomiques (au nombre de 7) ne tombent entre les mains d’un gouvernement noir.

    Il a rappelé que l’ANC ne s’en préoccupait pas et ajouté : "La conviction intime des leaders du pays a pesé plus de poids que la pression internationale".


    Avec l’appui d’un Mandela capable à lui tout seul de faire la différence, De Klerk a pris un virage politique en révisant l’évaluation des menaces.

    Il a alors soutenu que "La sécurité à long terme, pour nous, ce n’est pas la supériorité militaire, mais nous confronter aux enjeux qui sont les nôtres, les enjeux de survie avec toutes les différentes composantes de la société sud-africaine" .

     

    Cette évolution, avec ou sans juges et procureurs, a donc été le fruit d’un combat politique dans un rapport de force entre les populations concernées et une classe qui s’est trouvée contrainte de prendre en compte leurs aspirations.

     

    Un phénomène analogue est apparu en URSS sous Gorbatchev : le mouvement en faveur de la transparence (glasnost) et de la perestroïka a débouché sur une remise en cause des forces armées et ces ouvertures ont entraîné de nouvelles priorités sociales avec un programme de réduction des armements.

     

    Le primat du politique

    Le cas de l’Union Soviétique ne peut pas être calqué sur celui de l’Afrique du Sud, mais enfin l’URSS a renoncé à une partie de son stock nucléaire et bradé une autre grâce au physicien Thomas Neff du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui fut à l’origine du projet russo-américain, ‘Mégatonnes pour Mégawatts’ ; 

    dans ce cas aussi, la posture militaire a accompagné une nouvelle politique et non pas le contraire.

    Comme le soutiennent certains experts dont l'allemand Michael Rühle (de la division des défis de sécurité émergents à l’OTAN créée en août 2010 au sein du secrétariat international) :

    "Espérer modifier les postures militaires afin de provoquer des changements politiques ne se matérialise jamais". 

    C’est plutôt l’inverse.

    En URSS, de nouvelles conditions politiques et sociales ont permis de disloquer le régime et favorisé le virage entrepris dans le domaine de l’armement.

     

    La prise en compte de ces séquences est essentielle. 


    C’est pourquoi les bouleversements majeurs dans le domaine du désarmement (comme sur le front climatique) s’opèrent en dehors des instances onusiennes. 

    Tout comme les avancées sociales n’ont pas attendu les règlementations de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) !

     

    Les frustrés en voie de radicalisation

    Les États sanctionnés et stigmatisés ont subi le TNP en tant que Traité de Prolifération, (TDF), comme l’a fait valoir Greenpeace (...) au début des années 90.

    Ces États ont aussi été victimes de ce "Traité de Non Protestation" selon l’expression de Susan Watkins.

    Cette non protestation s’est manifestée dès les années 90, quand la majorité des États du Sud (les "non alignés" ou NAM) cède face au diktat des nantis de la bombe (et le bloc occidental en général).

    En imposant la prolongation indéfinie de ce TNP au-delà de 1995, il s’agissait de neutraliser les revendications des "démunis", leur ôter toute marge de manœuvres dans les tractations futures.

     

    Le forcing a abouti.

    Les militants anti-nucléaires n’y trouvèrent rien à redire.

    Toutefois, cette défaite est mal vécue dans le camp anti-impérialiste et parmi ceux pour qui " l'atome perturbateur d'alliances, destructeur d'empires, guérit de la discipline des blocs et relâche les soumissions" comme le formule alors Régis Debray (colloque de Bellerive, Genève juin 1985) ;

    en adaptant le credo du Grand Timonier pour qui "Sans la bombe atomique, nous ne pouvons pas nous libérer de l’oppression" (1956). 


    Cette posture peut sembler dépassée mais, si l’abstinence ne convient pas à tout le monde, la contrainte ne peut s’opérer à n’importe quelle condition.

    Les thérapies de choc à l’encontre de l’Irak ou de la Libye, labellisés "mauvais élèves du désarmement", soulèvent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

    Elles ont été appliquées pour tordre le coup à la thèse de G. Perkovich pour qui "il n’existe pas dans l’histoire de cas d’un pays qui abandonne son arsenal pour se plier à la pression internationale, même pas un".

    Mais nul ne peut faire abstraction des États en état de "privation nucléaire" et qui se sentent floués.

    Les promesses non tenues sont vécues comme des trahisons.

    C’est ce qui s’est passé en Libye.

    L’Occident s’était engagé à récompenser Kadhafi s’il renonçait à son programme nucléaire, mais au lieu de le gratifier, avec de nouvelles incitations, il fut évincé et le pays dévasté.

    On comprend mieux pourquoi la Libye ne figure pas dans la liste des 133 qui soutiennent le traité d’interdiction.

    Qu’on les traite de rétros, ringards, voire de "nazis" (cf. les propos de Beatrice Finh) montre à quel point certains ne mesurent pas le degré de ‘Haine de l’Occident’ comme dirait Jean Ziegler.

     

    Au-delà de l’esprit de vengeance se profilent de nouvelles politiques jusqu’au boutistes qui font le lit des nouveaux adeptes, qu’on pourra qualifier d’États nucléaires radicalisés.

    Leurs dirigeants et une partie de leurs opinions publiques sont convaincus que le Libyen ou/et l’Irakien n’aurait pas subi le sort qu’ils ont connu s’ils avaient disposé de l’équivalent de ce que brandit Kim Jong Un…

     

    Le regret, l’aigreur et la rancune se manifestent aussi du côté de l’Ukraine et la Biélorussie.

    Leurs dirigeants estiment qu’ils ont perdu au change lorsqu’ils ont bradé (des 1991 à 1996) leur stock d'armes nucléaires stratégiques, un stock qui dépassait celui de la Grande-Bretagne, la France ou la Chine.

    Pour compenser leur sacrifice, Washington, Londres, Paris et Moscou leur avaient promis des garanties de sécurité.

    Mais le jour où l’Ukraine a été menacée dans son intégrité territoriale, les garanties se sont évanouies.

     

    Bref, la démarche pro-abolitionniste d’ICAN a été menée selon des règles (d’interdiction) qui ne tiennent pas compte de la diversité du monde et de sa complexité. 

    Comme nous l’enseigne l’histoire des repentis du nucléaire, modifier les postures militaires ne provoque pas de changements politiques ;

    ce sont les changements politiques qui permettent de modifier les postures militaires. 

    Et la privation forcée du nucléaire militaire peut être un faux gage de sécurité.

    B.C.


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