• Les enjeux du débat sur le 5G : pourquoi Macron passe en force

    Les enjeux du débat sur le 5G :

    pourquoi Macron passe en force

     
    Mercredi 16 Septembre 2020

     

    Devant les patrons du numérique, le président de la République a caricaturé ceux qui, parmi les élus, exigent un moratoire sur la 5G, en attendant une meilleure connaissance de ses effets sur la santé.

    Certes, le gouvernement s’est vu remettre à point nommé, ce mardi, un rapport sur l’impact sanitaire de la 5G on ne peut plus rassurant.

    Mais pas de quoi dissiper les interrogations ni les demandes légitimes de débat public.

    Ni masquer une stratégie présidentielle de drague à droite qui frise le mensonge.

    Décryptage.

     

    La 5G, ça sert à quoi ?

    À tout accélérer, à démultiplier la vidéo et à connecter tout ce qui ne l’est pas encore. Ou seulement à « regarder du porno en haute définition, même dans un ascenseur », ironise le maire EELV de Grenoble, Éric Piolle. En théorie, cette nouvelle génération de réseaux mobiles offre des débits jusqu’à 100 fois plus rapides que sa petite sœur, la 4G. Pour le gouvernement, elle représente surtout une manne financière. Quitte à discréditer tous ceux qui, depuis des mois, soulèvent des questions légitimes.

     

    « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait (répondre à) la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine », s’est moqué Emmanuel Macron, le 14 septembre, devant des patrons du numérique.

     

    Caricatural ? À dessin. Associations et élus de gauche et écologistes sont loin de rejeter le progrès. Ils exigent, en revanche, une évaluation sanitaire et environnementale de cette technologie, quand l’État voudrait, lui, provoquer la naissance avant terme.

     

    1. Pourquoi le gouvernement accélère sur la 5G

    Cela ressemble beaucoup à un retournement de veste. Le 29 juin, Emmanuel Macron ne tenait pas du tout le même discours. Face à lui, pas de patrons de start-up, mais les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat.

     

    Il avait compris. C’était promis, juré, il reprenait tout de leurs 146 mesures, une fois exfiltrées, toutefois, les plus structurantes (la renégociation des traités internationaux et la taxe sur les dividendes). La 5G y figurait. Dès la première page de leur rapport, les 150 interrogeaient : «  Avons-nous besoin de la 5G ?  » Ils demandaient dans la foulée « d’instaurer un moratoire (…), en attendant les résultats de l’évaluation de la (technologie) sur la santé et le climat ». Septembre est venu, les résultats de l’évaluation, toujours pas.

     

    Pourquoi à tout prix passer outre ? La 5G est aussi une affaire de gros sous. Son déploiement va de pair avec l’attribution de nouvelles fréquences radio aux opérateurs de télécom. Les enchères démarrent le 29 septembre. Au total, « cela devrait rapporter au minimum 2 milliards d’euros à l’État », chiffre Hugues Ferrebœuf, directeur des activités numériques au Shift Project, un think-tank qui œuvre pour une économie décarbonée.

     

    Certes, les opérateurs craignent d’arriver, d’ici dix-huit mois, à des phénomènes de saturation des réseaux 4G dans les zones les plus densément peuplées. « Mais, à lui seul, ce phénomène ne justifie pas que l’on déploie la 5G sur tout le territoire », continue Hugues Ferrebœuf. Surtout, il existe d’autres technologies disponibles. La fibre, par exemple, qui ne nécessite pas la mise en place de 40 000 antennes-relais supplémentaires.

     

    2.  Le « modèle amish » et le besoin de clivage

     

    En habitué des propos outranciers et méprisants, depuis le « pognon de dingue », jusqu’aux « gens qui ne sont rien », Emmanuel Macron a choisi de caricaturer le débat, renvoyant les élus et l’ensemble des citoyens inquiets à des tenants de « la lampe à huile » et du « modèle amish ». Une formule manichéenne visant à discréditer toute pensée qui s’opposerait à la modernité, l’innovation et la technologie dont il se veut le représentant. Pour Damon Mayaffre, linguiste et historien au CNRS, « au XIX e siècle, on vendait l’industrialisme. Macron vend le digitalisme ».

     

    Pas un hasard si le président de la République a prononcé ces mots devant son public préféré : le gratin de la French Tech. Surtout, le chef de l’État, à la façon d’un Trump, a besoin de cliver : après la poussée écologiste dans plusieurs grandes villes lors des dernières municipales, il avait voulu « verdir (s)on discours », tentant, grâce à quelques mesures symboliques, de récupérer un électorat qui lui semblait à portée de main. La stratégie semble déjà avoir fait long feu, avec un coup de barre à droite toute axé sur les thèmes du sécuritaire et du séparatisme. Il s’agit, à présent, de parler à un électorat très réactionnaire, adepte des anathèmes anti-écolos sur l’air du « retour à la bougie » et des « Khmers verts ». Tout en nuance.

     

    3. Moratoire et débat public : les demandes légitimes des élus

    Cette stigmatisation laisse croire que ses opposants seraient dans une position ferme de rejet de la 5G, donc du progrès. Entre autres, la soixantaine d’élus – dont Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin et Yannick Jadot – signataires d’une tribune publiée ce dimanche dans le JDD. Ils ne demandent pourtant pas au gouvernement de renoncer à la 5G, mais l’exhortent à décider d’un moratoire sur son déploiement. Ils regrettent, surtout, que les fréquences soient attribuées aux opérateurs « sans qu’aucun véritable débat n’ait jamais eu lieu », alors que « des questions environnementales, sanitaires et démocratiques sont posées » et que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) doit rendre un rapport en 2021 (lire ci-dessous). Les impacts de la 5G – comme son utilité – étant incertains, la demande des élus est légitime. Le Sénat, d’ailleurs, l’avait formulée dès janvier, six mois avant la Convention citoyenne.

     

    Face à l’inflation numérique, et alors que les inégalités territoriales restent criantes, un débat démocratique semble par ailleurs urgent quant aux besoins de la société en la matière. « Et ce choix ne doit être ni celui d’opérateurs, ni même celui d’experts, mais bien un choix de l’ensemble des citoyennes et citoyens afin de décider de façon éclairée et démocratique l’installation ou non de la 5G », concluent les signataires de la tribune.

     

    4. Effets sanitaires : un rapport mais toujours autant d’inconnu

    À point nommé, le gouvernement s’est vu remettre, ce mardi 15 septembre, un rapport sur l’impact sanitaire de la 5G on ne peut plus rassurant. Réalisé par la l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’économie (CGE), celui-ci restitue les données publiées dans 26 pays, dont 21 ont déjà lancé la téléphonie de nouvelle génération. Les effets sanitaires de cette dernière « sont non avérés dès lors que les valeurs limites d’exposition (aux ondes) sont respectées », conclut la synthèse, assurant qu’en la matière, « la France est dotée d’un solide dispositif de contrôle ».

     

    Rien à voir, cependant, avec l’étude d’impact environnemental qu’appellent de leurs vœux élus et citoyens. Commandée en urgence le 2 juillet, cette analyse n’aura mis que deux mois à être réalisée. Une réelle évaluation des effets sanitaires de la 5G prendra, quant à elle, plus de temps.

     

    Les projets de déploiement à court terme de la technologie se situent dans la bande 3,5 GHz. Or, concernant cette fréquence, « nous manquons d’informations », affirmait Olivier Merckel, chef de l’unité des risques physiques à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) , lors d’une table ronde organisée par le Sénat en juillet. Les experts travaillent à combler les lacunes, mais leurs conclusions ne seront pas connues avant 2021.

     

    Services Politique et Planète

     

    En Chine, les antennes 5g sont éteintes la nuit

     

    L’opérateur chinois Unicom éteint la 5G la nuit dans certaines villes. L’objectif est de réduire les dépenses d’électricité. Tous les promoteurs de la 5G le disent : à débit constant, elle consomme moins que la génération précédente. Sauf que l’intérêt de la 5G étant de démultiplier les usages et de multiplier le trafic par 100, elle conduit, de fait, à une augmentation de la consommation d’énergie.

    L’équipementier Huawei estime ainsi que les besoins énergétiques de ses antennes vont être multipliés par trois. Sans compter que la 5G exige de changer de smartphone. Or, 99 % de leur empreinte carbone est émise lors de la production. L’immense majorité est fabriquée dans des pays où l’énergie est fortement carbonée.


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