• Le mouvement des gilets jaunes souligne le besoin de redynamiser les organisations populaires. La démocratie, une cause à défendre

    Le mouvement des gilets jaunes

    souligne le besoin de redynamiser

    les organisations populaires.


      La démocratie, une cause à défendre

     

     

    Jeudi, 1 Août, 2019

    Martine Boudet

    Auteure spécialiste d’anthropologie culturelle

     

    https://www.humanite.fr/le-mouvement-des-gilets-jaunes-souligne-le-besoin-de-redynamiser-les-organisations-populaires-la

     

    Si la mobilisation, historique, des Gilets jaunes dynamise profondément la vie socio-politique depuis un an, et si elle constitue une référence à l’échelle internationale également, ses suites donnent lieu à de multiples interrogations.

    La répression policière et judiciaire dont elle fait l’objet est méthodiquement gommée, au profit d’une lecture sécuritaire qui amalgame souvent Gilets jaunes et casseurs, d’une part, et, d’autre part, présente la note des passifs occasionnés dans cette période : destruction de matériels bancaires, commerciaux, municipaux, perte d’activité de commerçants des centres-villes, budgets exceptionnels alloués aux forces de l’ordre…

    Ces effets collatéraux sont indéniables et regrettables, encore ne faudrait-il pas imputer aux seuls Gilets jaunes, et principalement à eux, leur responsabilité.

    En premier lieu, la réponse des pouvoirs publics, qui a fait suite à un « grand débat » souvent orienté, n’est pas à la hauteur des attentes du plus grand nombre et des possibilités existantes en matière de rééquilibrage plus équitable des affaires publiques.

     

    Concernant les responsabilités propres du mouvement social et écologique, elles portent sur le peu de défense des libertés publiques, et sur le peu d’organisation des citoyen-ne-s et des militant-e-s sur cet axe.

    Comment ne pas comprendre que la dérive autoritaire du régime, qui a fait d’ores et déjà trop de victimes en termes de blessé-e-s et de condamné-e-s, ne peut que se renforcer, ce faisant ?

    La mouvance anarchiste-autonome ne peut à elle seule assumer ce combat, d’autant qu’il s’agit également d’effectuer un bilan non complaisant de la dérive gauchiste dans nos rangs, celle des casseurs et de celles et ceux qui provoquent les forces de l’ordre.

    Cette stratégie est au minimum contre-performante puisqu’elle entraîne la répression policière et judiciaire sur la base de l’arsenal législatif mis en place d’année en année, et qu’appuie désormais une part importante de l’opinion publique.

    Au maximum, cette stratégie, dont les acteurs sont occultes, peut être déviée par des provocateurs professionnels, infiltrés des forces de l’ordre par exemple, pour alimenter un dialogue de sourds néfaste.

     

    Le vrai combat est politique, en premier lieu en termes d’éducation populaire et citoyenne, pour réorienter le jeu des influences et la bataille médiatique.

    Il passe par la dynamisation de nos propres organisations, pour remonter la chaîne des habitudes gestionnaires qui confine à un certain immobilisme face aux évolutions stratégiques.

    Il passe aussi par leur ouverture aux quartiers populaires et aux peuples ex-colonisés qui connaissent depuis belle lurette la férule de l’État autoritaire, policier ou militaire, selon le cas.

     

    Comment s’étonner, dans ces conditions, que l’extrême droite tire les marrons du feu de cette stagnation socio-politique ?

    Si elle est, pour la deuxième fois consécutive, le leader des élections européennes, c’est, entre autres, car elle joue un double jeu gagnant : celui de la répression au sein des forces de l’ordre, celui du doublage du mouvement social sur les questions socio-économiques et mêmes écologiques, voire celui d’avant-garde de façade sur les questions démocratiques…

                 

    C’est en pleine trêve estivale qu’a éclaté l’affaire de Rugy, ministre d’État et ancien président de l’Assemblée nationale.

    Elle rappelle celle de Benalla, ancien garde du corps mafieux du président, qui a feuilletonné tout l’été dernier.

    En somme, il s’agit des deux faces d’une même médaille : corruption de l’oligarchie, d’un côté, de l’autre, répression des représentant-e-s du peuple qui appellent à la fin de ces privilèges.

    « Du homard partout, de la justice nulle part », scandaient les Gilets jaunes le 14 Juillet, sur les Champs-Élysées.

     

    Il est heureux que la « démocratie d’opinion » soit alimentée par les médias indépendants comme l’Humanité et les réseaux sociaux, qui étayent l’urgence de réformer en profondeur l’actuel régime politique, voire de le transformer en une République plus sociale, décentralisée et solidaire.

    La commission sénatoriale a également pris ses responsabilités à l’égard de l’exécutif.

    Si la justice, cet autre contre-pouvoir trop souvent aux ordres, peine à décider de sanctions pénales adaptées – pendant que les comparutions immédiates de manifestant-e-s incriminé-e-s à tort ou à raison conduisent trop souvent à des peines fermes ou infamantes –, la justice populaire, quant à elle, est efficace, à en juger au nombre de « dégagements » de responsables et d’élu-e-s dont les délits sont avérés, ou qui ne peuvent plus supporter la pression au sommet de l’État.

     

    Une douzaine de démissions de ministres en deux ans qui succèdent aux scandales politico-financiers des mandats précédents : il est temps de faire le constat des crises à répétition du régime, et d’organiser en conséquence une résistance unitaire à sa gestion.

    En dépend le sort des contre-réformes austéritaires que celui-ci tente d’imposer à marche forcée dans des secteurs essentiels de l’État social, la fonction publique, les retraites, l’éducation nationale, ou des contre-réformes néolibérales menées sur le plan international (Ceta, Mercosur)…

    Les privatisations d’ADP et d’autres rendent visible l’appropriation par une petite minorité des richesses du pays, alors qu’une grande partie de la population voit ses revenus et ses conditions de travail se détériorer.

    L’exigence d’honnêteté des élu-e-s s’inscrit donc comme une première étape dans la réappropriation du patrimoine national.

     

    À la différence de l’an dernier, les organisations du mouvement social et écologique prendront-elles la mesure de la faiblesse réelle de ce régime – électoralement très minoritaire, élu par 16 % des électeurs, ses politiques étant désavouées comme en font foi les sondages –, faiblesse qu’il tente de compenser par l’excès de violences institutionnelles à l’encontre des opposant-e-s ?

    Il leur incombe de rendre hommage aux victimes de la période, en rétablissant la hiérarchie des valeurs, et en amplifiant leur combat avec les armes organisationnelles et médiatiques qui sont les leurs.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter