• La gauche rejette l’ultimatum de l‘Élysée

    La gauche rejette l’ultimatum de l‘Élysée

     

    Parlement

    Au lendemain de l’allocution du président de la République, la Nupes maintient son cap et réclame la tenue d’un vote de confiance.

    Plus que jamais, l’heure est à la reparlementarisation de la vie politique.

     


     
     
     

    «Je ne réponds pas à une injonction du président de la République.

    Nos propositions sont sur la table. »

    Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, le député communiste Pierre Dharréville donne le ton de la réponse de la Nupes à l’allocution d’Emmanuel Macron de la veille.

    «  C’est à lui d’assumer la situation, il en est responsable. Il n’a pas été élu sur son programme, sinon il aurait eu une majorité. »

    À 20 heures, mercredi soir, le président de la République avait tiré les leçons, à sa façon, de la séquence électorale qui s’est achevée sur la perte de sa majorité absolue à l’Assemblée.

    Considérant avoir été élu sur son programme à la présidentielle, ignorant de fait le vote barrage contre Marine Le Pen du second tour, il a appelé les groupes de députés à « clarifier » dans les 48 heures les positions de chacun.

    Mais l’hôte de l’Elysée ne se dit prêt à bâtir des compromis qu’à partir de son programme et dans un cadre d’austérité réaffirmée (pas de dette supplémentaire et pas de hausse d’impôts).

     

    Au Palais Bourbon, cet ultimatum ne passe pas.

    Dès jeudi matin, alors que les groupes socialiste et écologiste élisent leur direction, et que la Nupes tient la première réunion de son intergroupe, la feuille de route reste la même.

    Élisabeth Borne, première ministre, « doit venir solliciter la confiance du Parlement », répètent en chœur les députés de gauche.

    La veille, Jean-Luc Mélenchon avait déjà rappelé cette exigence après l’intervention d’Emmanuel Macron.

    « Si elle reste à Matignon, elle devra se soumettre au fonctionnement des institutions », insiste également l’écologiste Julien Bayou, élu coprésident de son groupe.

    Sa collègue Sandra Regol s’insurge aussi.

    « La première ministre est hors- jeu et le président de la République donne directement ses ordres au Parlement. Ça fait beaucoup. »

    Malgré la contre-offensive médiatisée d’Emmanuel Macron, l’heure est toujours à la reparlementarisation de la vie politique.

     

    Plutôt que de répondre à l’injonction du président, la Nupes a donc poursuivi son agenda parlementaire.

    Notamment afin d’obtenir la présidence de l’incontournable commission des Finances, objet de toutes les manœuvres de la Macronie et de la droite afin d’en écarter la gauche.

    Certains ténors de la majorité, comme Éric Woerth, ont déjà laissé entendre qu’elle pourrait revenir au Rassemblement national (RN), arguant que celui-ci serait moins porté sur le « contrôle fiscal » que la gauche…

    « Si la présidence de la commission des Finances devait tomber dans les mains de l’extrême droite, ce serait un très mauvais signal pour apaiser les débats », prévient la députée FI Aurélie Trouvé.

    En outre, cela signerait la « concrétisation des connivences économiques entre le RN et la Macronie ».

    À travers ce bras de fer, la Nupes entend se faire reconnaître comme la principale force d’opposition à Emmanuel Macron, ce que sa majorité n’a pas encore fait…

     

    Le chef de l’État a laissé des angles morts sur les relations entre sa majorité et le RN

    Par ailleurs, les écologistes et les socialistes lancent une offensive sur le règlement intérieur de l’Assemblée, qui normalise l’organisation des débats dans l’Hémicycle.

    Le nouveau président du groupe PS, Boris Vallaud, plaide pour une «refonte du règlement afin de changer le mode de gouvernance ».

    Le « temps législatif programmé », instauré par la Macronie lors de la précédente mandature (qui permet de fixer en amont la durée d’examen d’un texte de loi en séance), est jugé « désuet » par Julien Bayou, du fait de la nouvelle composition du Parlement.

    « Le cœur de la vie politique aurait toujours dû être à l’Assemblée nationale, en faisant place à la délibération collective et avec un temps de débat nécessaire », poursuit Pierre Dharréville.

    Et d’ajouter « Emmanuel Macron ne peut plus décider seul de tout, dans son bureau, sans contradiction »

    Ni même en conseil de défense.

    Quant à sa volonté de « bâtir des compromis », elle appelle à des actes concrets de la part de sa majorité.

    « Il réclame des compromis aux oppositions mais il n’en a produit aucun durant cinq ans », rappelle Aurélie Trouvé.

     

    Au-delà d’un assouplissement de ses relations avec le Parlement, Emmanuel Macron doit surtout prendre en compte sa dernière claque électorale dans la mise en application de son programme.

    « Enfin, nous avons la possibilité de bloquer le rouleau compresseur ultralibéral de la Macronie. Et le président est en panique », souligne à ce sujet la députée FI.

    « C’est nous qui lui demandons de faire des compromis sur le pouvoir d’achat et l’écologie », rétorque même Julien Bayou à Emmanuel Macron.

    « Sur la loi sur le pouvoir d’achat, nous allons faire valoir nos propositions », renchérit Cyrielle Chatelain, la nouvelle coprésidente du groupe écologiste.

    « Il doit tirer un trait sur les grandes réformes de restructuration libérale et qui sont toujours à l’ordre du jour », considère de son côté le socialiste Boris Vallaud.

     

    Lors de son allocution, le président a laissé des angles morts.

    Notamment sur les relations entre sa majorité et le Rassemblement national.

    Les parlementaires de la Nupes y sont particulièrement vigilants.

    « Il faut être sans ambiguïté, le front républicain n’est pas à géométrie variable », prévient Boris Vallaud.

    Renvoyer dos à dos les députés de la Nupes et le RN, ou banaliser ce dernier pourrait apparaître commode pour le locataire de l’Élysée, qui cherche à tout prix une majorité quels qu’en soient les contours.

    Il n’en est pourtant rien : une telle stratégie tient uniquement du piège, et constitue un danger majeur pour la vie démocratique.

    Devant la bronca qu’ont suscitée ces velléités de vote incluant le RN, la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire a nié « l’idée d’aller chercher des voix, des accords avec le RN », jeudi matin.

    Il en faudra plus pour convaincre.

    Pierre Dharréville dénonçait toujours, au moment où se constituait l’intergroupe de la Nupes, « la tentation d’une majorité à géométrie variable, pour continuer l’application d’un programme d’extrême centre ».


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