• Discriminations. Jacques Toubon dénonce un « système »

    Mardi, 23 Juin, 2020

    Discriminations.

    Jacques Toubon dénonce un « système »

     

    Dans un rapport rendu ce lundi, le Défenseur des droits critique l’insuffisance des politiques publiques contre les inégalités et appelle à un sursaut pour y remédier.

     

    En plein débat sur les violences policières et leur caractère raciste, Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a mis les points sur les i.

    « Les discriminations fondées sur l’origine restent massives en France et affectent la vie quotidienne et les parcours de millions d’individus », a-t-il rappelé dans un rapport rendu public ce lundi.

    En se basant sur des dizaines d’études réalisées depuis vingt ans et sur les recours examinés par l’institution, il souligne que

    « les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal-logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires ».

    Aucun secteur n’est épargné, ce qui fait dire au Défenseur que ces discriminations ont « un caractère systémique ».

    Loin de s’améliorer, la situation se dégrade puisque 11 % des personnes interrogées se sont déclarées concernées en 2016, contre 6 % en 2008.

     

     

    Les catégories concernées sont larges.

    Parce qu’elles « visent des individus non pour ce qu’ils font mais pour ce qu’ils sont ou sont supposés être », les discriminations « ne se réduisent pas à une question de nationalité ou de parcours migratoire ».

    Elles reposent « sur la mise en œuvre de stéréotypes associés aux individus en fonction de signes extérieurs sur lesquels ils n’ont pas de prise »

    et touchent donc « la population étrangère ou d’origine étrangère (près de 21 % de la population française), mais aussi l’ensemble des générations nées de parents français assignées à une origine différente», souligne le rapport.

    Et leur impact sur les personnes concernées est dramatique.

    Car, ces discriminations constituent « une expérience quotidienne, durable et généralisée » qui a « des conséquences délétères et durables sur les parcours individuels, les groupes sociaux concernés, et plus largement sur la cohésion de la société française ».

    D’autant qu’elles sont souvent cumulées avec d’autres sources de mise à l’écart, sociale ou géographique.

     

    Face à ce fléau, les autorités ont d’ailleurs baissé les bras.

    « La concurrence d’autres paradigmes, particulièrement celui de la promotion de la diversité, est venue freiner l’émergence d’une véritable politique de lutte contre les discriminations fondées sur l’origine, rapidement reléguée aux territoires de la politique de la ville », estime Jacques Toubon.

    Il évoque « un aveuglement des pouvoirs publics et de chacun et chacune sur ces questions qui se traduit par un déni politique ».

    Le recours juridique reste la seule forme de lutte possible, mais en raison de la difficulté à apporter la preuve de la discrimination, de la lenteur des procédures, mais aussi de la faiblesse des sanctions encourues, peu de victimes y ont recours.

    Seulement 12 % des personnes ayant subi une discrimination dans l’emploi ont ainsi lancé une procédure judiciaire.

    Beaucoup les ont intégrées comme inéluctables et adoptent, en réponse, des stratégies d’évitement comme, par exemple, la préférence pour des statuts de profession libérale ou d’autoentrepreneur.

     

    Pour renouer avec les promesses de la République, le Défenseur des droits propose des pistes d’action.

    À commencer par une amélioration des savoirs et de leur diffusion, via la création d’un observatoire des discriminations.

    Constatant que le sujet reste peu investi, il suggère aussi que les pouvoirs publics « veillent à ce que les entreprises et administrations adoptent des procédures transparentes et objectives dans l’emploi, l’accès au logement, l’éducation ou l’accès aux biens et services privés et publics ».

    Enfin, il souhaite une amélioration des procédures pour « assurer l’effectivité du droit au recours et garantir la fonction dissuasive de la condamnation judiciaire ».

    Celle-ci passe, entre autres, par l’autorisation, pour les associations actives dans ce secteur, de mener des actions de groupe.

    Il est temps, estime-t-il, que la lutte contre les discriminations fondées sur l’origine « devienne priorité politique, au même titre que ce qui a été entrepris ces dernières années en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ».

     

    Camille Bauer

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