• Coronavirus et santé au travail : comment le patronat tente de se dédouaner

    Mercredi, 6 Mai, 2020

    Coronavirus et santé au travail : 

    comment le patronat tente de se dédouaner

    Loan Nguyen - L'Humanité >>>>>
     

    Via un lobbying tous azimuts, les employeurs veulent modifier la loi pour éviter les poursuites de salariés contaminés par le Covid-19.

     

    Le droit semble parfois être un bagage bien encombrant pour le patronat, à la manœuvre ces derniers jours pour tenter d’infléchir la législation dans un sens plus clément à leur égard.

    Face aux contaminations au Covid-19 qui se multiplient sur les lieux de travail, les employeurs en appellent au gouvernement pour tenter de restreindre leur responsabilité juridique.

     

    Ce mercredi, le réseau de PME Croissanceplus s’alarmait dans un communiqué « des menaces judiciaires qui semblent illimitées et incontrôlables » de la part des salariés, se félicitant par ailleurs de l’amendement adopté la veille par le Sénat visant à limiter la responsabilité pénale des décideurs publics et privés dans la gestion de la crise du coronavirus.

     

    Le 30 avril, le Medef, la CPME, l’U2P (entreprises de proximité), la FNSEA, l’Udes et l’UNAPL avaient déjà envoyé un courrier commun à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour exiger une clarification « du périmètre de l’obligation de moyens renforcés » posée par la jurisprudence en matière de responsabilité civile.

    Une manière pudique de demander un réel changement législatif, notamment la transposition d’une partie d’une directive européenne de 1989 permettant « l’exclusion ou la diminution de la responsabilité des employeurs pour des faits dus à des circonstances qui sont étrangères à ces derniers, anormales et imprévisibles, ou à des événements exceptionnels, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée ».

     

    Aucune modification de loi n’est envisagée par le gouvernement

     

    Pour tenter de rassurer les chefs d’entreprise, le gouvernement ne ménage pas ses efforts.

    Sans toutefois envisager de modifier la loi pour l’instant.

    « Je ne vois pas comment les élus locaux ou les employeurs qui donneraient les instructions nécessaires afin d’assurer notamment le respect des gestes barrières et des dispositifs de sécurité pourraient voir leur responsabilité engagée », avait par exemple pointé dès le 29 avril la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, lors d’une séance de questions au gouvernement au Sénat.

    Ce mercredi, c’est sur les ondes d’Europe 1 que Muriel Pénicaud a estimé qu’ « un employeur qui respecterait les fiches métier du ministère du Travail et le protocole national de déconfinement remplirait ses obligations de moyens renforcés ».

     

    La jurisprudence impose à l’employeur de prendre « toutes les mesures » de prévention posées par le Code du travail

     

    Pas sûr pour autant que les juges aient la même appréciation que le gouvernement de ce que recouvre cette fameuse obligation de moyens renforcés en termes de préservation de la santé et sécurité des salariés.

    « Muriel Pénicaud dit n’importe quoi sur l’obligation de moyens renforcés, qui est quasiment aussi contraignante que l’obligation de résultat (avant un arrêt de la Cour de Cassation de 2015, la jurisprudence posait une obligation de résultat aux employeurs en matière sanitaire – NDLR) », s’agace Jean-Paul Teissonnière, avocat spécialisé dans les procédures liées à la santé au travail.

    « Même vis-à-vis des employeurs, ce n’est pas très raisonnable de les induire en erreur », souligne-t-il.

    Sans se prononcer sur la validité des documents évoqués par la ministre du Travail, l’avocat rappelle que la jurisprudence impose à l’employeur de prendre « toutes les mesures » de prévention posées par le Code du travail (articles L.4121-1 et L.4121-2).

    Sur le volet de la responsabilité pénale, Me Teissonnière nuance l’importance de l’amendement adopté par le Sénat dans la nuit de lundi à mardi.

    « Je ne vois pas bien ce que ce texte apporte par rapport à la loi Fauchon, qui va déjà très loin dans l’exonération des décideurs en cas de délits non intentionnels. Il semblerait tout juste que cela puisse s’appliquer aux personnes morales, mais c’est en tout cas très mal rédigé », estime-t-il.

     

    La proposition d’un fonds d’indemnisation des victimes

     

    « La question à laquelle devrait répondre le gouvernement devrait plutôt être ce qu’on fait des malades et comment on les prend en charge », pointe-t-il, rappelant la proposition d’un fonds d’indemnisation des victimes du coronavirus, en faveur de laquelle il plaidait déjà dans nos colonnes il y a plusieurs semaines.

    Une mesure qu’exigent également l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), la Fnath (association des accidentés de la vie) et le collectif Coronavictimes, fondé par les membres du Comité anti-amiante Jussieu.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter