• LFI :

    Raquel Garrido se dit « humiliée »

    après avoir été sanctionnée par son parti

     

    Raquel Garrido est mise en retrait du groupe FI à l’Assemblée. Interdite de prise de parole dans les travaux parlementaires pendant quatre mois, la députée insoumise se dit « humiliée » et dénonce une mise au ban équivalente à celle d’Adrien Quatennens.

     

    Raquel Garrido, députée insoumise de Seine-Saint-Denis, a été sanctionnée ce lundi 6 novembre à l’issue d’une audition du bureau du groupe parlementaire FI à l’Assemblée nationale.

    « Le bureau a décidé que Raquel Garrido ne pourrait plus être oratrice au nom du groupe dans les travaux parlementaires pour une durée de quatre mois », explique le bureau dans un communiqué.

    En d’autres termes, la députée n’aura plus le droit de porter la parole du groupe, notamment à l’occasion des explications de vote, des motions, ou des Questions au gouvernement.

     

    « Une accumulation d’agissements et de propos répétés qui nuisent » à FI

    « Il lui est reproché, non pas de défendre ses idées, mais une accumulation d’agissements et de propos répétés qui nuisent au bon fonctionnement collectif du groupe parlementaire », détaille le communiqué.

    Si les membres du bureau mentionnent plusieurs faits, notamment « la diffusion de fausses informations dans la presse à propos du groupe ou de ses membres », « la mise en cause et le dénigrement ad hominem de plusieurs membres du groupe » et « la prise à partie de salariés du groupe parlementaire », ils ne donnent aucun exemple ni ne citent explicitement aucune séquence précise en cause.

     

    Ces derniers mois, Raquel Garrido avait émis de vives critiques dans la presse vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon.

    Elle avait par exemple estimé que « Jean-Luc Mélenchon a de loin cherché à mettre des coins entre nous et les organisations syndicales et entre nous et les autres partis de la Nupes » et qu’il « n’a fait que nuire depuis dix mois ».

    Plus récemment, la députée insoumise a affiché sa différence avec plusieurs de ses camarades au sujet du Hamas, que l’ancienne avocate a toujours qualifié de terroristes après les attaques du 7 octobre contre Israël.

     

    « Je suis humiliée, je suis en colère, j’ai honte »

    Raquel Garrido a longuement réagi sur X (ex-Twitter) à cette sanction, comparant son traitement à celui d’Adrien Quatennens après sa condamnation pour des faits de violences sur son ex-épouse.

    « Je suis mise au ban (…) parce que j’ai tenu bon sur le principe de non-cumul des mandats (…), parce que j’ai osé dénoncer la communication masculiniste d’Adrien Quatennens orchestrée par Sophia Chikirou et soutenue par Jean-Luc Mélenchon, parce que j’ai défendu l’unité de la Nupes, du mouvement syndical, et de LFI pendant le grand mouvement des retraites alors que la direction LFI ne faisait que cliver, cliver et cliver encore », estime-t-elle.

    Qualifiant les accusations du bureau du groupe parlementaire insoumis d’« infondées et mensongères », la députée de Seine-Saint-Denis se dit « humiliée » et en « colère ».

    « J’ai honte de voir cette évolution du projet politique auquel j’ai consacré 30 ans de ma vie », conclut-elle.

    Nouvelles tensions au sein de la Nupes

    La décision du bureau insoumis n’a pas manqué de faire réagir nombreux élus Nupes, y compris au sein de la France Insoumise.

    « Quelle honte ! fustige Danielle Simonnet, députée FI de Paris.

    « Au sein d’un mouvement qui veut rassembler une majorité populaire, on ne règle pas les désaccords stratégiques et politiques par des sanctions administratives infondées » estime de son côté Alexis Corbière député insoumis de la Seine-Saint-Denis.

    « La honte n’est pas de ton côté » écrit la députée communiste des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon, qui s’insurge du traitement de sa collègue « comme un auteur de violences conjugales ».

    La sanction fait aussi bondir côté écologiste : « Les paroles des femmes sont considérées en patriarcat comme plus dangereuses que les coups des hommes » résume Sandrine Rousseau, députée de Paris.


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  • "Toutes les histoires derrière les produits vendus ici

    sont des aberrations",

    explique le gérant d'une épicerie anti-gaspi

     

    France Info >>>>>


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  • Pénurie de médecins

     
    Par Christophe Prudhomme

    Nous manquons globalement de médecins et la fausse suppression du numerus clausus améliorera un peu la situation à partir de 2030, mais nous serons toujours loin du compte.

    Cependant, nous disposons actuellement d’un nombre de médecins conséquent qui permettrait une meilleure offre de soins très rapidement si un certain nombre de mesures étaient mises en œuvre.

    Elles concernent principalement le mode d’exercice et le mode de rémunération.

     

    Prenons l’exemple des maternités. Il ne reste actuellement qu’environ 450 maternités sur le territoire et nous disposons d’environ 5 000 gynéco-obstétriciens, soit en théorie 10 professionnels par site.

    Mais, malheureusement, ils sont très nombreux à ne pas ou plus réaliser d’accouchements, ayant orienté leur activité vers des activités moins contraignantes (consultations, échographies ou PMA) en cabinet.

     

    En effet, dans cette spécialité comme dans d’autres qui obligent à effectuer de nombreuses gardes de nuit ou de week-end, il existe une fuite des médecins vers des modes d’exercice moins pénibles et paradoxalement plus rémunérateurs, du moins au regard du nombre d’heures effectuées.

    Des pistes de solutions sont une différenciation très substantielle de la rémunération entre les différents modes d’exercice basée sur la pénibilité, couplée à une régulation de l’affectation des praticiens prenant en compte les questions d’aménagement du territoire et de sécurité de la population.

     

    En ce qui concerne la médecine de ville, il est anormal que les spécialités les moins contraignantes soient les mieux rémunérées.

    Alors que la population vieillit et devient de ce fait moins mobile, des médecins travaillant dans des structures pluriprofessionnelles, avec en priorité des infirmières, permettraient une organisation des soins adaptée, des visites à domicile, la réalisation d’examens grâce à des équipements techniques mutualisés, évitant ainsi aux patients d’être obligés de se déplacer pour une analyse de sang ou un simple électrocardiogramme.

    Une telle organisation diminuerait également les passages aux urgences pour de simples consultations.

     

    Pour cela, le médecin ainsi que les autres professionnels de santé libéraux ne doivent plus être obligés d’investir pour être propriétaires de leur outil de travail mais travailler dans des centres de santé dont ils sont salariés.

    Ils peuvent ainsi dégager au minimum 20 à 25 % de leur temps en étant libérés des tâches de gestion et de logistique.

     

    Bien entendu, ce changement est radical mais il est nécessaire tant pour les patients que pour les professionnels qui, dans le système libéral actuel, souffrent d’un repli catégoriel qui se traduit par des chicaneries entre eux pour savoir qui gardera la responsabilité des actes les plus rémunérateurs.

    La solution du salariat supprime les dépassements d’honoraires pour les patients et permet de rémunérer les soignants en fonction de leur utilité sociale, en incluant la pénibilité et le service rendu à la population.


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  • Cité de la langue française :

    « Emmanuel Macron a un usage de classe de la langue »

     

    Emmanuel Macron a inauguré le 30 octobre la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

    L’hôtel de l’Élysée célèbre ainsi la langue française, mais quel français parle le président de la République ?

    Décryptage avec le linguiste Damon Mayaffre.

     

     

    Alors que le président de la République a inauguré la Cité internationale de la langue française, quelle langue parle réellement Emmanuel Macron ?

    Il utilise plusieurs registres, c’est ce qui le caractérise et le singularise des présidents avant lui.

    Il a le français littéraire, des grandes écoles, très orthodoxe.

    Et, en même temps, il a la langue managériale, avec ses anglicismes qui recouvrent le langage du business, de la start-up nation.

     

    C’est le premier président à l’utiliser de manière aussi marquée, quitte à ce que ces mots divorcent de la réalité. Sa force est de pouvoir jongler avec ces différentes langues. Tantôt, il vient flatter les Français en célébrant la langue française, tantôt il va flatter le monde des affaires.

    À l’intérieur même du français, il brouille les pistes entre un langage parfois très soutenu, avec des expressions désuètes et un usage des temps verbaux perfectionné, et un discours très relâché, un peu démagogique, populaire.

     

    Qu’est-ce que cela dit de son discours ?

    Il a un usage de classe de la langue.

    Quand il s’adresse à des intellectuels, il va montrer toute sa culture aristocratique, utiliser des locutions latines et quand il essaye de plaire aux classes populaires, dont il estime qu’elles ne sont pas capables de les comprendre, il emploie un registre de langage beaucoup plus simple, beaucoup plus direct, quasi argotique (jusqu’à utiliser le terme de « bagnole » – NDLR) .

    Il y a très clairement une distinction dans la qualité de son discours en fonction de son public. Il s’adapte.

    À l’élite, une certaine langue ; au peuple, une autre langue.

    Il a une vision où chacun est à sa place, où chacun a son registre.

    Son usage de la langue est aussi marqué par le flou…

     

    Statistiquement, son mot préféré, c’est « projet ». Mais on s’aperçoit qu’il ne s’applique jamais à l’expliquer.

    Le fait d’avoir un projet est en soi un projet. Il est vidé de son contenu et Macron s’emploie à ne jamais le remplir pour que l’auditoire puisse s’en emparer pour y mettre son propre contenu politique.

     

    Il joue du pouvoir performatif du langage. Ce n’est plus un reflet du monde mais une action sur le monde. Il ne sert pas à expliciter une politique, mais à produire une politique.

    En ce sens, le discours performatif se suffit à lui-même, il a pour simple objectif de diriger les esprits avec des mots autonomes de la réalité.

    C’est le langage lui-même qui fait l’action : c’est le grand débat qui est la solution à la crise des gilets jaunes.

    Macron fait cela parce que la performativité du langage lui permet de se soustraire au principe de vérité.

    S’il dit « je veux que le chômage baisse », personne ne pourra dire que c’est faux. Il ne peut jamais être contredit sur une réalité qui ne serait pas la réalité.

     

    Le langage de Macron a-t-il changé depuis 2017 ?

    Globalement, son secret, c’est de proférer le changement.

    Il prétend changer, mais quand on regarde, on constate que le Macron II ressemble très précisément au Macron I.

    Certes, il y a une forme de droitisation de son discours qui amplifie et va de pair avec la droitisation de son électorat, avec des thématiques comme l’identité ou l’immigration, mais les grandes caractéristiques de son discours, qui dissimule ses intérêts idéologiques, restent de mise aujourd’hui.


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  • La Langue Française s'offre la vie de château...

    Cité internationale de la langue française :

    tout ce qu’il faut savoir sur ce « musée »

    voulu par Emmanuel Macron

     

    À Villers-Cotterêts, Emmanuel Macron a inauguré, lundi 30 octobre, ce qui doit être le grand legs culturel de ses deux quinquennats : la Cité internationale de la langue française. Un lieu de savoir sis dans l’ancienne demeure de François Ier, qui mérite d’aller au-delà de la communication élyséenne.

    « Jamais un lieu n’avait été consacré à l’histoire de notre langue »,
    s’est enthousiasmé lundi 30 octobre le chef de l’État.
     

    Dans quarante ans, on appellera peut-être le château de Villers-Cotterêts la « Cité Macron ». Pompidou a eu son centre, Mitterrand sa bibliothèque nationale, et Chirac son musée des arts premiers.

    Emmanuel Macron a inauguré, ce lundi 30 octobre, ce qui doit être le grand legs culturel d’une décennie passée à la tête de l’État, la Cité internationale de la langue française.

    Côté Élysée, le récit est bien rodé. Le chef de l’État aurait découvert le château pendant sa campagne présidentielle de 2016-2017 et aurait été ému devant l’état de vétusté du bâtiment, pourtant classé aux monuments historiques.

    Réemployée en maison de retraite entre 1889 et 2014, cette ancienne demeure de François Ier a été le lieu de signature de l’ordonnance de Villers-Cotterêts fixant, en 1539, le français comme seule langue de l’administration.

    Le lieu idéal pour accueillir un musée consacré à la francophonie, pour Emmanuel Macron, qui a débloqué une enveloppe de 210 millions d’euros pour sa rénovation.

    « Palabre » et « palindrome »

    frayent avec « tchatcher » et « kiffer »

    « Jamais un lieu n’avait été consacré à l’histoire de notre langue », s’est enthousiasmé lundi le chef de l’État. « Et c’est la première fois qu’un projet culturel porté par un président se construit hors de la capitale », vante-t-on à l’Élysée. C’est exact, bien que Villers-Cotterêts ait constitué historiquement une sorte d’enclave parisienne dans l’ancienne région picarde, un lieu de villégiature pour les têtes couronnées.

    Le château, d’ailleurs, a ensuite appartenu à la Ville de Paris. La commune, dirigée depuis 2014 par le Rassemblement national, ce qui n’a pas manqué de faire grincer des dents au moment d’y implanter la Cité, est facilement accessible depuis la capitale : 45 minutes de train, en partant de la gare du Nord.

    Pour accéder au bâtiment où niche le parcours d’exposition permanent de la Cité, il faut traverser la grande cour de ce qui doit désormais être un « château de la République », selon les mots de Paul Rondin, directeur du lieu. « Cette cour sera un lieu de passage et de flânerie, gratuit et accessible à tous, entre la rue et la forêt domaniale qui s’étend derrière », explique l’ancien secrétaire général de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris.

    À l’intérieur, le visiteur est accueilli par un nuage de mots en lettres géantes, suspendues au plafond. « Polyglotte », « palabre », « palindrome » frayent avec un langage moins soutenu – « tchatcher », « kiffer », « chelou ». Il peut aussi découvrir du français d’ailleurs : « motamoter » (répéter comme un perroquet, au Cameroun), « tatouiner » (tergiverser, au Québec) ou encore le « ziboulateur » (nom donné au tire-bouchon en Afrique centrale).

     

    D’entrée, ils donnent le ton de ce qu’ambitionne d’être la Cité.

    « On voulait célébrer l’identité de la langue française dans l’espace et le temps, dans sa diversité, comme une invention continue, raconte la philosophe Barbara Cassin. Ce n’est pas quelque chose de figé, on a évité de tomber dans du nationalisme bête. »

    L’académicienne est cocommissaire scientifique de la Cité, aux côtés de l’écrivain Xavier North. « Aucune langue ne naît sans le concert des autres », abonde ce dernier.

    Le parcours permanent (9 euros) vise à explorer le français comme une « langue-monde », en mutation constante et dont le devenir a toujours été « une affaire d’État ». 88 pays sont aujourd’hui considérés comme francophones, soit parce que le français y est langue officielle, soit parce qu’il est enseigné comme LV2 à l’école. Si la langue de Molière est la cinquième la plus parlée au monde, c’est autant grâce à la circulation et l’attractivité de ses auteurs illustres que par le commerce et sa diffusion dans son ancien empire colonial.

     

    Le français comme arme de domination

    Un passé que la Cité ne met pas sous le tapis, avec une salle consacrée au français comme arme de domination, devenue parfois une langue d’émancipation dans la bouche de plusieurs figures de la décolonisation. « J’écris en français pour dire aux Français que je ne suis pas français », assurait par exemple Kateb Yacine, figure de l’indépendance algérienne, dont la citation orne un des murs de l’exposition. « Cela doit être un lieu ouvert sur le dehors, qui je l’espère multipliera les partenariats avec les musées des Hauts-de-France mais aussi dans les pays francophones, comme le musée des civilisations noires à Dakar », ajoute Barbara Cassin.

    Au rayon des objets exposés, qui doivent répondre au défi de « matérialiser l’immatériel », le visiteur peut apprécier la Joconde à moustache de Marcel Duchamp et son fameux titre (L.H.O.O.Q.), ou une tapisserie présentant l’un des premiers phylactères de l’histoire, ancêtre de nos bulles de BD.

    Saviez-vous que le mot « abricot » avait fait un tour complet de la Méditerranée, passant du grec au latin, puis à l’arabe et à l’espagnol, avant de rentrer dans notre dictionnaire ? La Cité regorge ainsi de tableaux interactifs et ludiques, pour suivre à la trace l’histoire des mots, jouer avec leur racine, l’orthographe, l’argot ou encore la phonétique. Un support pédagogique qui devrait régaler les scolaires.

    Le lieu devrait accueillir 200 000 visiteurs par an, espère l’Élysée. Mais la Cité « n’est pas un musée », insiste Paul Rondin. Centre culturel, lieu de passage et d’entraide, elle doit accueillir des auteurs en résidence, des projets de recherche, des musiciens, et des ateliers gratuits contre l’illettrisme et l’illectronisme, menés par des écrivains publics.

    Barbara Cassin se prend même à rêver : « Ce serait bien qu’une séance par an du dictionnaire de l’Académie se tienne à Villers-Cotterêts, que du public puisse y assister. »

    Les immortels accepteront-ils de quitter la lourde coupole de l’Institut français de Paris, même occasionnellement ?

    On ne voudrait pas être mauvaise langue.

     

     

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    Emmanuel Macron ne veut pas de l’écriture inclusive

    Féminiser la langue française et ainsi lutter contre l’invisibilisation des femmes dans les mentalités et les textes ? Pas question, juge Emmanuel Macron, estimant que l’écriture inclusive nuirait à la langue de Molière. « La force de la syntaxe est de ne pas céder aux airs du temps », a déclaré, lundi 30 octobre, le président de la République lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, avant d’ajouter : « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin de rajouter des points au milieu des mots ou des tirets pour la rendre visible. » Le soir même, le Sénat, composé en majorité d’hommes, devait examiner une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture inclusive ». Le texte de Pascale Gruny (LR) interdirait à quiconque de l’utiliser pour rédiger des modes d’emploi, des contrats de travail, des règlements intérieurs d’entreprise et des actes juridiques.


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  • L’avenir des Soulèvements de la Terre

    entre les mains du Conseil d’Etat

     

    Les juges examinaient au fond, ce vendredi, le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre qu’ils avaient suspendu en urgence cet été.

    Une foule inhabituelle assistait à l’audience, alors que la décision fera jurisprudence.

     

     

    « La maison brûle, et nous nous demandons qui a jeté un seau de travers », résume Me Paul Mathonnet, vendredi après-midi, quand il prend la parole devant l’austère « section du contentieux » du Conseil d’Etat.

    Une décision en urgence avait permis de suspendre, cet été, la dissolution des Soulèvements de la Terre décrétée par le gouvernement. Cette fois, il s’agit de se prononcer au fond.

    L’heure est grave.

    La décision de la plus haute juridiction administrative, dont le délibéré ne devrait pas prendre plus de quelques semaines, revêtira la solennité d’une jurisprudence.

     

    Longue file d’attente, devant les grilles.

    Petite foule, sur la place du Palais Royal.

    Les soutiens aux Soulèvements de la terre ne s’y trompent pas et sont venus nombreux.

    Auguste, étudiant au musée de l’Homme, bat la semelle avec quatre amis.

    Il n’était pas à Sainte-Soline ni aux manifestations contre l‘autoroute A69, mais s’insurge contre « la criminalisation » de l’écologie et des Soulèvements de la Terre, alors que « les enjeux environnementaux ne sont pas du tout pris en compte par le gouvernement ». Les autres hochent la tête. Ils ont tous moins de vingt-cinq ans et le regard grave.

    Dans l’immense salle aux parquets cirés où s’entasse le public, leurs paroles font écho à celles des avocats.

    Oui, les Soulèvements de la Terre sont « l’expression collective d’une radicalité », admet Me Paul Mathonnet.

    Décrocher le portrait du Président de la République, sectionner des tuyaux, bloquer une rue, désarmer des installations : ces actions « symboliques » visent à « instaurer un rapport de force ».

    Mais la cause est juste. Et les personnes physiques jamais visées.

    Où est le trouble grave à l’ordre public ?

     

    « Dissoudre une association ou un groupement de fait est, par nature, un acte grave », concède le rapporteur du gouvernement.

    Pour lui, les « sabotages » auxquels appellent les Soulèvements de la terre « revêtent un degré de gravité suffisant pour justifier une dissolution », estime-t-il.

    S’ils ont raison de « faire savoir que la gestion de l’eau est une préoccupation majeure », il existe des « voies de droit » pour défendre ces idées. « Aucune cause ne justifie l’atteinte à l’ordre public ».

     

    « Ce mouvement est en avance sur notre époque », estime au contraire Me Antoine Lyon-Caen. Ses membres ont raison d’être « impatients devant l’urgence climatique ».

    Me Katia Guermomprez, à son tour, se lève. « Les questions environnementales n’ont jamais été au cœur des préoccupations de l’État », s’alarme l’avocate. L’urgence, dit-elle, c’est de « réveiller les esprits endormis ».

    Elle rappelle aux magistrats la décision qu’ils ont eux-mêmes rendue, le 1er juillet 2021. « Vous faisiez vous-même injonction à la Première ministre de prendre des mesures pour atteindre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre des accords de Paris. Vous aussi, vous haussiez le ton ! ».

    Les Soulèvements de la terre ne doivent pas être dissous.

    Mieux : les juges doivent « consacrer positivement la légitimité de leur action ».

     

    Sur le parvis, Antonin hausse les épaules.

    « On a les contacts entre nous, on sait qui agit et où ».

    La fin des Soulèvements de la terre, explique en substance le jeune militant, serait une injustice mais pas un drame.

    « On n’a pas besoin d’une association ou d’un mouvement en tant que tel pour agir. Ce sera plus compliqué. Ça prendra une autre forme. Mais notre combat continuera ».

    Il se souvient, il y a quelques années, des manifestations lycéennes.

    A l’époque, lui et ses potes « critiquaient de ouf » ceux qui masquaient leurs visages.

    A présent, surveillance de masse oblige, tout le monde le fait.

    « La première violence, c’est celle de l’État, conclut Béatrice. La radicalité appelle la radicalité ».


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  • Procès du « 8 décembre » :

    comment un fascicule en libre accès

    est devenu la pièce centrale de l’accusation

     

    Après trois semaines de débats au tribunal correctionnel, les procureurs n’y sont pas allés de main morte dans leurs réquisitions.

    Au nom des 7 jeunes libertaires poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste », la défense a démonté une « construction judiciaire » tissée d’insinuations et d’extrapolations.

     
    Devant le tribunal de grande instance à Paris, lors de l’ouverture du « procès du 8 décembre », un rassemblement de soutien aux sept jeunes qui comparaissent pour « association de malfaiteurs terroriste », le 3 octobre 2023.

     

     

    Dans le procès contre sept jeunes gens présentés comme appartenant à un groupe d’« ultragauche » et poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste », qui s’est achevé vendredi 27 octobre au soir, la décision du tribunal correctionnel de Paris ne sera rendue que le 22 décembre.

    Quatre semaines d’audiences denses, suivies avec assiduité par de nombreux soutiens et par les proches de prévenus. Un dossier qui, avec son tissu d’insinuations et d’extrapolations, s’est effrité sous les coups de boutoir des avocats de la défense. Une construction judiciaire, sur fond de lutte armée contre Daech au Rojava (Kurdistan syrien) et sur la base de quelques infractions pénales commises par quelques copains, trentenaires, un peu punks, beaucoup en marge de la bonne société, plus ou moins anarchistes ou libertaires…

    Rien ne devrait être écrit d’avance.

    Pourtant, dès le 5 avril, au Sénat, Gérald Darmanin, affairé à sa mise en scène d’un nouveau péril « écoterroriste » après les affrontements, dix jours plus tôt, autour de la méga-bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), avait livré un verdict. Afin d’inscrire la « menace terroriste de l’ultragauche » dans un paysage dominé par celles des djihadistes et de l’extrême droite, le ministre de l’Intérieur s’était vanté d’avoir « déjoué un attentat » fomenté dans cette mouvance « fin 2020 ». « Il s’agissait d’une action extrêmement violente et mortifère contre des forces de l’ordre », se gaussait-il.

     

    Décrits comme des apprentis terroristes tout au long du procès

    C’était eux : six hommes et une femme, désignés – faute de nom collectif ou d’objectif réel identifié – comme le groupe du « 8 décembre », date de leurs interpellations en 2020, au bout de huit mois de surveillance rapprochée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Et tout au long de leur procès, les deux procureurs antiterroristes les ont décrits – tout en revendiquant « l’indépendance de l’autorité judiciaire » même face à des « déclarations d’un ministre, fût-il de l’Intérieur » – comme des apprentis terroristes.

    De quoi faire des réquisitions lourdes : entre deux à cinq d’emprisonnement avec sursis pour les seconds couteaux, et six ans de prison ferme contre Florian D. « Sans lui, aucun autre prévenu ne serait à la barre », estime ainsi la représentante du ministère public. « On nous parle d’une résistance héroïque au Rojava, mais on a vu aussi d’authentiques résistants devenir des membres de l’OAS ! » lance son collègue, sous la bronca du public.

     

    Dans le dossier déjà, mais plus encore au fil des audiences, tout s’est concentré, pour l’accusation, autour de ce leader « charismatique », habité par une forme de « messianisme révolutionnaire » qui, fort de son expérience sur un théâtre de guerre – dans les rangs des forces démocratiques kurdes (YPG), engagées contre Daech en Syrie –, cherche à « agréger des camarades » rassemblés pour des « réunions conspiratives », afin d’exporter la guérilla en France. Des armes, des explosifs, des entraînements paramilitaires en vue de réaliser un « projet mortifère » et de commettre une attaque… tout à fait indéterminée, voire purement imaginaire !

    « Ils n’ont pas de cible, admet la procureure antiterroriste. Mais les projets existent, ils sont matérialisés. » Tout dans la démonstration du parquet repose sur quelques journées, juste avant et pendant le premier confinement lié à la pandémie de Covid, à la fin de l’hiver et au début du printemps 2020. Brèves et infructueuses expérimentations sur la fabrication d’explosifs, détention d’une poignée de vieilles pétoires sans permis en bonne et due forme… Toutes ces infractions pénales, les prévenus et leurs conseils les reconnaissent, mais ils en contestent vigoureusement la portée réelle et surtout leur inscription dans le cadre d’un projet de nature terroriste.

    Un fascicule de quelques pages émanant d’un groupuscule grec…

    et en accès libre sur internet

    Afin d’installer à toute force les prévenus dans le panorama du terrorisme d’ultragauche européen, sans grand écho aux débats devant le tribunal, le ministère public ne s’écarte pas de la ligne tracée par la DGSI et les magistrats instructeurs. En ouverture, puis par des références appuyées lors de son réquisitoire – une heure, au bas mot, sur ce sujet –, le procureur antiterroriste « s’appesantit », selon ses propres mots, sur un fascicule de quelques pages émanant d’un groupuscule grec, la Conspiration des cellules de feu, auteur de plusieurs attaques avec des engins incendiaires ou par des colis piégés entre 2009 et 2017.

    Le magistrat relève qu’après une tentative d’attentat à l’ambassade de France à Athènes, le communiqué des Grecs « fait référence à la mort de Rémi Fraisse », le jeune manifestant tué, en 2014, sur la zone à défendre (ZAD) à Sivens (Tarn). « C’est intéressant », appuie-t-il, dans une référence implicite au fait que certains des prévenus se sont connus lors de cette lutte.

    Très peu, voire pas du tout évoqué lors des interrogatoires ces dernières semaines, le document, en accès libre sur Internet, a été découvert parmi les téléchargements de Florian D., et il fait office de pièce centrale pour l’accusation, en dépit du fait – au moins aussi intéressant – qu’aucune relation concrète ni avec ses auteurs, ni avec ses traducteurs en français n’est établie…

    Selon le ministère public, il s’agit de la preuve avérée de « l’inspiration contemporaine grecque de ce terrorisme d’ultragauche » en France. Mécanique, en somme : « La possession d’un tel document ne laisse la place à aucun doute. »

    Et d’assimiler dans cet élan les prévenus aux djihadistes chez qui on trouve des textes de l’« État islamique », ou des militants d’ultradroite qui ont le manifeste d’Anders Breivik, auteur de la tuerie d’Utoya (Norvège) en 2011. Dans la même veine, mais de manière moins appuyée, les représentants du Parquet national antiterroriste (Pnat) convoquent encore l’ombre d’Action directe, puisque l’enquête a permis d’exhumer un « courrier » – une lettre ouverte, en réalité – des prisonniers de la cellule terroriste française dans l’ordinateur de Camille B, la seule femme parmi les prévenus. « Il n’est pas question d’assimiler les prévenus à Action directe, mais simplement resituer ! » lance encore le procureur antiterroriste, avant de fustiger une certaine « mansuétude » face à un « terrorisme d’ultragauche qui a tué ».

    Les « barbouzeries » des agents du renseignement

    et les « punks à chiens »

    Jusqu’à la fin du procès, vendredi 27 octobre au soir, les avocats des sept prévenus ont démonté, dans leurs plaidoiries, ce « récit » de l’antiterrorisme.

    Au nom de Florian D., Me Raphaël Kempf renverse la perspective : pour revendiquer crânement son absence de confiance dans la justice antiterroriste, il dénonce les « barbouzeries » des agents du renseignement – qu’il a cherché tout au long du procès, sans succès, à faire entendre par la cour – et décrit la découverte, parmi des milliers de choses parfaitement anodines, de textes présentés comme des « manifestes », comme « la divine surprise qui devient la colonne vertébrale pour l’accusation ». « Le mot de terrorisme est utilisé par des États pour réprimer des ennemis, insiste-t-il. Or, on voit bien combien cette notion est malléable pour qu’aucun dialogue ne soit possible. »

    Pour le compte de Manuel H., un temps accusé à tort – et c’est l’une des seules erreurs reconnues par l’accusation et les services de renseignements dans l’affaire – d’avoir voulu nouer des liens avec des guérilleros colombiens à l’occasion d’un voyage touristique, Mes Lucie Simon et Camille Vannier avancent qu’il n’y a dans ce dossier, « ni le début ni la fin » d’une association de malfaiteurs terroristes.

    « On n’a pas de groupe, pas de nom, rappellent-elles.

    Ceux qui vont donner un nom au groupe, ce sont les enquêteurs qui, au début, parleront de « punks à chiens ».

    C’est révélateur parce que ça donne aussi une idée du niveau d’alerte que les prévenus éveillent chez les enquêteurs… Comme il n’y a pas de structure, il faut rechercher une filiation idéologique, et on nous parle de l’ultragauche en France et en Europe… Peu importe que les pratiques de luttes armées aient disparu depuis 1986 en France. On va chercher en Grèce, on vient nous dire que le terreau idéologique, c’est la Conspiration des cellules de feu… »

    Sur les « éléments matériels » avancés par les procureurs antiterroristes, la défense ne manque pas d’ironiser et de railler car, même dans un dossier cousu de fil blanc – pour ne laisser apparaître que les pièces à charge –, l’atmosphère globale n’est pas du tout au complot d’ultragauche, mais plutôt à la colonie de vacances bien arrosée…

    Me Servane Meynard, qui défend William D., reprend les procès-verbaux d’écoutes pendant la période où une partie des prévenus fabriquent ce qui ressemble plus à des pétards qu’à des explosifs.

    « Cela rit beaucoup, cela chante pendant cette fabrication d’explosifs, fait-elle remarquer. On entend des bruits de briquets, on craque une allumette. Ce sont des guignols qui s’amusent, ils ne perçoivent absolument pas de dangerosité. Le seul moment où ils imaginent un risque, ils parlent de se cacher derrière un ordinateur… Les explosifs, c’est comme tout ce dossier, ça fait beaucoup de fumée, puis pfiiioou ! Rien. »

    Une note pour avertir

    que Camille B. habite dans la même rue que Julien Coupat

    Me Chloé Chalot déconstruit, elle aussi, des charges qui, dans le cas de sa cliente Camille B. – systématiquement renvoyée, avec un sexisme forcené, à un statut de « femme du chef », Florian D. –, ont été construites en partie après les faits reprochés.

    « On parle d’infractions commises entre janvier 2020 et l’arrestation le 8 décembre 2020, mais on vient justifier les poursuites en exposant un positionnement virulent pendant l’instruction en 2021 », raille-t-elle.

    Avant de conclure en rappelant que, en août 2022, après que Camille s’est installée dans le Limousin, le renseignement fera une note pour avertir qu’elle habite dans la même rue que Julien Coupat, figure clé de l’affaire Tarnac. « Ce n’est pas un élément constitutif mais on prend la peine de le signaler », souligne-t-elle.

    Le rappel est cuisant, car elle enchaîne : « Dans un dossier où on a juxtaposé les mots pour étayer une construction, on peut espérer que le destin de Camille B. s’inscrira dans les pas de monsieur Coupat… dont on n’oublie pas qu’il a été relaxé ! »

    À la fin d’un procès monstre sur la forme,

    et pas vraiment sur le fond,

    entre la condamnation par avance de Gérald Darmanin et les relaxes prononcées dans l’affaire de Tarnac, qui restent comme un fiasco cuisant pour l’antiterrorisme, deux spectres ont fini par s’asseoir dans la salle d’audience.

    Prêts à poursuivre leur bras de fer…

    Jusqu’à l’anniversaire, le 8 décembre, d’interpellations qui ont d’ores et déjà brisé les destins des prévenus et de leurs proches.

    Et enfin, jusqu’au délibéré, le 22 décembre.


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  • Procès de « l’ultragauche » :

    « Je connais les dossiers terroristes,

    celui-ci ne ressemble à aucun d’eux »

     

    Pour clore quatre semaines d’audience, les avocats des sept militants jugés pour « association de malfaiteurs terroriste » ont plaidé la relaxe.

    De façon étayée, ils ont dénoncé le travail de la DGSI et fustigé les interprétations du parquet.

     

    Quel étrange procès !

    Un public qui rit aux éclats, des juges et une greffière qui se pincent les lèvres pour ne rien laisser échapper de leur sentiment et une fin de journée sous des tonnerres d’applaudissements. C’est dans cette ambiance que les avocats des sept militants de « l’ultragauche » jugés depuis le 3 octobre dernier ont plaidé pour clore quatre semaines d’audience. 

    Les charges sont pourtant lourdes contre les prévenus poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste ». Florian D., présenté par l’accusation comme le leader, aurait voulu armer cette petite bande pour mener une guérilla sur le territoire et s’en prendre aux forces de l’ordre.

    « Ultra-gauche : un attentat anti-police déjoué ? », indiquait BFMTV après leur interpellation le 8 décembre 2020. À l’époque, Gérald Darmanin félicitait même les services antiterroristes qui « protègent la République contre ceux qui veulent la détruire », ces « activistes violents de l’ultragauche ». Et pourtant. Pas une audience n’a eu lieu sans que des éclats de rire ne viennent s’ajouter aux débats.

     

    « Quel étrange procès !, répète Lucie Simon, avocate de Manuel H., qui estime que l’infraction n’est pas constituée. Vous ne savez pas plus aujourd’hui qu’il y a quatre semaines quel est le projet terroriste. Vous n’avez rien découvert et nous avons même ri ensemble. C’est un peu étrange de rire dans la 16e [chambre]. On ne rit pas avec des gens qui vous font peur. »

     

    Ni groupe ni projet 

    Personne ne conteste les faits matériels. Ils sont là. Certains se sont retrouvés dans une maison pendant le confinement et ont fabriqué des explosifs. D’autres avaient des armes dont certaines n’étaient pas déclarées ou se sont vus sur un terrain abandonné pour jouer des parties d’Airsoft. Le parquet parle d’entraînement quand eux évoquent un moment ludique et amusant.

    « Et puis il y a ce qui est utilisé pour colorer le dossier. » De la littérature radicale ou révolutionnaire pour les uns, des « idées survivalistes pour certains » et un voyage. 

    Florian D. est parti combattre aux côtés des Kurdes au Rojava contre Daech. Dès son retour en 2018, il est surveillé, puis son camion, en réalité « sa maison », est sonorisé en 2020. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) enregistre tout et capte des propos violents sur les forces de l’ordre ou les institutions. 

    « Vous avez ces faits, mais vous n’avez ni le début ni la fin de l’infraction, ni le groupe, ni le projet », plaide l’avocate. Elle rappelle que ce groupe n’a pas de nom et que c’est la DGSI elle-même qui va le trouver en intitulant son affaire « Punks à chien ». Il n’a pas non plus de projet puisque le Parquet national antiterroriste (Pnat) admet lui-même qu’il n’a pu identifier aucun « passage à l’acte imminent ». « Je connais les dossiers terroristes, celui-ci ne ressemble à aucun d’eux », poursuit Louise Tort. 

     

    Quand on a bu un coup le soir avec mes consœurs, est-ce qu’on n’a pas déjà dit qu’on voulait abolir le Pnat ?

    Raphaël Kempf, avocat de Florian D.

     

    Tour à tour, les avocates s’attardent à démontrer la fragilité de la pièce maîtresse du dossier : les retranscriptions de conversations. Alors elles les lisent et les relisent. Lucie Simon reprend celle qui fait dire au parquet que Florian et son client souhaitent s’armer pour mener une guérilla : « Si ça part en couille demain, faut pas laisser un nouveau pouvoir fasciste en place [...] ; tant que la société n’est pas prête, ce n’est pas à nous d’avancer les pions militairement. » Et l’avocate d’interroger : « Quelle lutte armée, quelle guérilla attend que la société soit prête ? »

     

    Les douze conseils reviennent ensuite sur le travail de la DGSI pour lister les « biais », les « manipulations » et « les erreurs » des services de renseignement. « On nous dit qu’ils vont avoir un passage à l’acte conforme à leur idéologie, mais quelle est leur idéologie ?, demande Émilie Bonvarlet, avocate de William. Peu importe, la DGSI en est convaincue, ils sont anars, ils sont donc dangereux, ils visent donc des policiers. »

    Oui, certains prévenus ont pu lâcher quelques mots très violents. L’un, en passant devant des voitures de la police municipale, s’imaginait les brûler. Un autre se demandait ce qu’il ferait si un policier tombait à terre en manifestation. « Eux, ils nous butent, ils nous mutilent et nous on va taper pour le folklore ? C’est mort, le mec il est là, je le bute », rétorquait Florian, lors d’une conversation très alcoolisée. 

    « Avec des “si”, on ne fait pas des intentionalités », explique Me Émilie Bonvarlet, quand Me Louise Tort rappelle le contexte de l’époque : les manifestations des « gilets jaunes » et leurs nombreuses violences policières, la mort de George Floyd ou la mobilisation massive contre la loi Sécurité globale. Sa consœur, Chloé Chalot, évoque un sondage de juillet dernier révélant que 32 % des Français·es ont un sentiment d’inquiétude ou d’hostilité à l’égard des forces de l’ordre. « Cela ne fait pas 32 % de terroristes. » Et Me Raphaël Kempf de provoquer : « Quand on a bu un coup le soir avec mes consœurs, est-ce qu’on n’a pas déjà dit qu’on voulait abolir le Pnat ? »

    « Vous avez deux ans de surveillance administrative auxquels nous n’aurons pas eu accès, onze mois d’enquête, plus de deux ans d’instruction, plus de 25 000 sonorisations, dix tomes de procédures et quatre semaines d’audience, liste-t-elle. Et au final, je me pose la question de savoir où est la volonté terroriste de mon client. La seule chose que vous avez, c’est une infraction pénale, celle des explosifs, qu’ils ont tous reconnue. »

    Sur ce dernier sujet, justement, les deux visions restent irréconciliables. Le procureur évoque des fabrications d’explosifs pour préparer un attentat quand la défense parle de « pétards » pour tuer le temps du confinement. Alors Me Servane Meyniard, l’autre avocate de William D., détaille à nouveau la vidéo projetée au début du procès (ci-dessous). Lorsque Florian et quelques autres, tous en état d’ébriété, s’amusent « avec des pétards » pour tenter d’exploser une petite barque. « Cette tentative de destruction du bateau est à l’image de ce dossier, un échec.

    Les prévenus ont tous juré que la fabrication d’explosifs servait « à finir le travail » et à détruire entièrement cette petite barque, le parquet n’y croit pas. Mais « ce n’est pas une invention de la défense », insiste l’avocate, qui cite des sonorisations que le parquet a mises de côté. « Le projet de cette confection d’explosifs, c’est bien le bateau, et c’est figé dans le dossier. »

    « Ce procès, c’est celui de la défiance », enchaîne Me Camille Souleil-Balducci, avocate de Simon, artificier de métier. La défiance « à l’égard de Florian qui revient du Rojava et dont on craint qu’il ne revienne avec de mauvaises intentions ». La défiance vis-à-vis « de son entourage, qui a un mode de vie un peu alternatif, qui a des idées de gauche, d’extrême gauche, d’“ultragauche”, sans que l’on sache vraiment ce que cela signifie ». Et la défiance envers des jeunes « qui critiquent la société dans laquelle ils vivent et qui essayent d’apporter des réponses politiques ». 

     

    Les accusations reposent sur 0,7 % de l’ensemble des sonorisations

    Elle évoque ces « miettes » que la DGSI a laissées, ces PV « tronqués » et ces retranscriptions « sélectionnées », qui restent malgré tout infimes. Me Kempf a fait le calcul. Pour les accuser, les services de renseignement s’appuient sur 0,7 % de la totalité des sonorisations : 86 retranscriptions sur 11 000. « Et même dans les miettes de conversations qu’on évoque comme des propos conspiratifs, on ne trouve pas ce que le ministère public veut faire dire aux mots. »

    Sont rappelées « les nombreuses manipulations ». Le colis qu’on veut faire passer pour du matériau pour explosifs, alors qu’il s’agit d’une étagère commandée sur Amazon ; les bruits de cuillère sur une casserole qu’on fait passer pour des tirs en rafale d’armes à feu ; la volonté chez Simon d’identifier un policier, alors qu’il s’agissait d’un proche de sa mère auquel il avait offert une place de spectacle. 

     

    Et cette coïncidence relevée par un agent de la DGSI : Camille B. habiterait la même rue que Julien Coupat, initialement mis en cause pour « terrorisme » dans l’affaire Tarnac. L’agent a oublié de préciser qu’elle a déménagé en 2022, alors qu’elle était déjà mise en examen et placée sous contrôle judiciaire. C’est elle-même qui avait écrit au juge d’instruction pour lui signaler son adresse. « La DGSI a aussi oublié que Julien Coupat a été relaxé », constate Me Chalot.

    Toutes et tous interpellent aussi la présidente, qui a dit non à « toutes les demandes de la défense ». Visionner les auditions de garde à vue pour savoir si la DGSI a menti, faire témoigner anonymement les agents de la DGSI pour évoquer les nombreuses incohérences des PV, consulter un téléphone portable pour vérifier un détail accablant...

    Avant que Me Kempf ne prenne la parole, le public cible le ministère public et lâche des « bruits de serpent » pour signifier son hostilité. La présidente fait noter l’incident par la greffière. L’avocat s’agace : « Si le parquet peut susciter chez certains un sentiment de défiance, je pense qu’il faut l’entendre. La confiance ne se décrète pas, elle se mérite. »

    Il fustige ensuite le travail de l’accusation, « le récit » qu’elle veut imposer pour « imaginer ce qu’il n’y a pas ». Il dénonce la particularité de la justice antiterroriste, avec ses procédures « exceptionnelles », « dérogatoires », et ses « multiples atteintes aux droits de la défense ». Il évoque d’autres affaires jugées dans le droit commun – un camion de gendarmerie brûlé, la porte du ministère de Benjamin Griveaux défoncée – et en tire une conclusion : « Le parquet s’est totalement autonomisé de la loi pour établir ses propres critères et dire ce qui est terroriste et ce qui ne l’est pas. »

    Le procès d’un homme 

    En visant les réquisitions du parquet, il pointe ensuite « l’effilochement de ce dossier ». « Du procès d’un groupe, on est passés au procès d’un homme. » Mercredi, le ministère public a en effet estimé que Florian D. était l’élément central sans qui « aucun autre prévenu ne serait aujourd’hui à la barre ». Il a requis six ans de prison ferme pour lui et seulement du sursis pour les six autres prévenus. 

    Selon Me Kempf, la genèse de ces accusations reposerait en réalité sur une seule présomption : l’idée selon laquelle les combattants partis au Rojava rentreraient commettre des actes violents sur le territoire. « Pourquoi la DGSI tient-elle ce récit ? Cela fait dix ans qu’ils sont confrontés aux djihadistes impliquant des Français partis combattre en Syrie. Ils ont ce schéma de pensée. Je ne leur jette pas la pierre, ils ont ce biais », explique-t-il, avant de citer le PV d’un agent qui, comme pour certains combattants de Daech, qualifie Florian de « revenant ». 

    N’importe quel trotskiste de première année de la Sorbonne aurait fait mieux.

    Matéo Bonaglia, avocat de Bastien A.

    Pendant plusieurs heures, Raphaël Kempf et Coline Bouillon détaillent à leur tour les incohérences du dossier. Leur client aurait « voulu sélectionner des gens pour organiser une lutte armée » ? Des écoutes montrent qu’il hésitait avant de les rejoindre et que son seul but était de passer « des vacances à la campagne ». Le parquet évoque sa volonté « d’armer » ses proches pour se battre ? Le procès a montré que les proches en question avaient déjà des armes avant de le connaître. 

    Et puis il y a « cette divine surprise ». Des documents retrouvés dans les supports informatiques de certains prévenus et de Florian. Une « contribution des prisonniers d’Action directe » pour Camille B., que le parquet à transformée « en manifeste » ; un livret de la Conspiration des cellules de feu, un groupuscule grec prônant « l’action directe », retrouvé sur les supports de Florian D. « On ne s’était pas intéressés à cela jusque-là et cela devient la colonne vertébrale de l’accusation. Le parquet préfère citer un fichier PDF que mon client n’a pas lu plutôt que ses livres retrouvés dans son camion. »

    « J’ai appris au cours des réquisitions que finalement la question des opinions restait centrale », rappelle l’avocat, pour qui les questions posées à son client en garde à vue sont la preuve d’un procès politique. « On pose des questions sur leurs convictions politiques et religieuses, sur la gestion du Covid par l’État. On veut savoir s’ils se définissent comme libertaires… »

     

    Pour Bastien A., le parquet trouvait même suspect qu’il détienne un document sur la justice antiterroriste dans son ordinateur. L’a-t-il au moins lu, ce document ?, interroge Me Matéo Bonaglia, son avocat. Lors de ses premières garde à vue, le jeune homme n’a pas utilisé son droit au silence, a refusé de voir un médecin, a donné son ADN et sa signalétique. « N’importe quel trotskiste de première année de la Sorbonne aurait fait mieux. »

    À la fin de sa plaidoirie vendredi soir, Me Kempf part se rasseoir, mais la présidente le rappelle pour une précision. « Comment avez-vous fait votre calcul pour arriver à 0,7 % des retranscriptions concernant les sonorisations ? », demande-t-elle. Il détaille sa règle de trois pendant qu’elle prend des notes. La salle rit encore et pense que la question dit beaucoup. La décision sera rendue le 22 décembre. 

    David Perrotin


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  • Au procès de « l’ultragauche »,

    le parquet nie toute « persécution »

    et requiert jusqu’à six ans de prison

     

    Le ministère public a requis mercredi six ans de prison pour Florian D., présenté comme le leader, et de la prison avec sursis pour les six autres prévenus, jugés pour « association de malfaiteurs terroriste ». 

    C’est le moment de l’accusation.

    Depuis le début de ce procès de sept militants de « l’ultragauche » jugés pour « association de malfaiteurs terroriste », deux procureurs représentent le ministère public. Une femme et un homme dont on ne peut pas dévoiler l’identité, procédure antiterroriste oblige, selon le parquet. 

    Pendant près de cinq heures et dans une salle pleine craquer ce mercredi, ils prennent la parole tour à tour. D’abord lui pour défendre le dossier et sa philosophie plus générale. Elle, ensuite, pour aborder les détails, « l’addition d’éléments matériels probants » et les peines requises. 

    Contre Florian D., présenté comme le leader, le ministère public requiert six ans de prison ferme et son retour en détention après seize mois déjà effectués. Pour les six autres, qui « ne seraient pas ici » si Florian n’était pas allé les trouver, il réclame des peines de prison avec sursis, entre deux et cinq ans, assorties d’une interdiction de port et de détention d’armes de dix ans. 

    Mais avant de rentrer dans le dossier, le procureur s’est lancé dans un autre réquisitoire en revenant sur les raisons d’être du Parquet national antiterroriste (Pnat), sur la légitimité des services de renseignement, et sur ses succès. 
     

    Une plaidoirie pour le parquet antiterroriste

    « Beaucoup de fantasmes ont été proférés », regrette le procureur, qui juge cette « méfiance injuste » alors que ses actions sont « désormais encadrées par la loi de 2015 ». « Le travail de renseignement n’est pas une science exacte, à l’instar de ce qu’il s’est passé à Arras. Il y a des échecs. Mais ces échecs-là ne doivent pas masquer les incontestables réussites. Des dizaines d’attentats ont pu être empêchés », insiste-t-il.

    « Lorsqu’en 2020, la DGSI détecte les agissements d’un homme d’ultradroite et qu’il est interpellé à Limoges, tout le monde se félicite. Lorsque ce même service repère un duo qui cherche à prêter allégeance à l’État islamique et que ces deux hommes sont interpellés à Marseille avec du TATP [triperoxyde de triacétone, un explosif – ndlr], tout le monde constate l’efficacité des services. Mais on se scandalise que ce même travail soit mené ici. » 

    Depuis le début de ce procès, la défense a en effet éreinté le travail de la DGSI et dénoncé celui du parquet. Pour ce dernier, les sept prévenus interpellés le 8 décembre 2020 sont des membres de l’ultragauche et projetaient bien « une action violente contre les forces de l’ordre ». 

     

    Florian D., justement, serait l’élément central sans qui « aucun autre prévenu ne serait aujourd’hui à la barre ». Un prévenu qui est allé combattre Daech au Rojava et qui avait l’objectif « d’armer » et de « former les autres » : Camille B., Simon G., Bastien A., William D., Simon G. et Manuel H. 

    Le procureur veut « tordre le coup » à deux « contre-vérités ». D’abord, ce dossier ne serait pas monté par un parquet « désœuvré » contraint de justifier ses activités. Pour le prouver, il a listé ces dernières. Il évoque les « 1 500 djihadistes » partis combattre sur zone, mentionne les « dizaines » d’attentats djihadistes déjoués et les différentes menaces terroristes qui pèsent. « L’activisme violent du PKK », « la menace réelle et avérée de l’ultradroite », et la « résurgence de l’activité corse ». « Je vous rassure, le Pnat craint plus le surrégime que le désœuvrement. »

    Il veut ensuite contrer « le récit » que la défense aurait fait de ce dossier. L’enquête de son parquet puis du juge d’instruction aurait « mis en exergue » le charisme de Florian D. et montré qu’il était « obsédé » par son séjour au Rojava. Florian D. ne serait pas poursuivi pour ce simple séjour ou parce qu’il aurait « combattu l’État islamique », mais parce qu’il aurait acquis un savoir-faire « dont la finalité était de l’importer en France ». 

    Mais, selon les prévenus, l’accusation ne ferait pas la différence entre les combattants du Rojava et leurs ennemis. Pourquoi croire cela, interroge le procureur. « Parce que [Florian D.] est investi d’une cause noble ? Parce qu’il est allé au Rojava combattre Daech ? On a vu des membres de l’OAS être auparavant d’héroïques résistants… » Et d’enchaîner : « Parmi les dizaines d’individus qui se sont retrouvés sur zone, un seul est visé par une enquête. Il s’agit de  Florian D. »

     

    Balayer l’idée d’un procès des idées

    Si la défense fustige un « procès politique », le procureur réfute « le fantasme de la persécution antiterroriste contre l’ultragauche ». « Le cœur de la menace est djihadiste », admet-il. Et « l’ultradroite est désormais considérée comme le second niveau de menace et représente 15 % des mises en examen ».  

    Dans le détail, ensuite, il égrène « la réalité meurtrière » de l’ultragauche : les années de plomb avec les Brigades rouges en Italie, la Fraction armée rouge en Allemagne, la Conspiration des cellules de feu en Grèce et Action directe en France. « En évoquant Action directe, nous n’avons pas le but d’assimiler ces prévenus à ce groupe. Nous faisons la part des choses », prévient-il, avant d’attaquer la défense et la presse qui participeraient à « romantiser » autant le terrorisme de gauche que cette affaire. 

    Qu’y a-t-il de ludique dans le maniement et la fabrication de substances pénalement réprimées par la loi pénale ? Vous n’avez pas affaire à de jeunes adolescents en mal de frissons.

    La procureure

     

    Vient le temps du dossier. « Avant tout celui de Florian D. », puisqu’il s’agit moins d’un groupe que « d’un homme radicalisé qui a agrégé ses camarades ». Un groupe qui n’est pas Action directe, « mais qui [y] est lié » par certaines littératures retrouvées ou certains propos captés.

    L’enquête n’a pas été simple, confesse le magistrat, face à une défense qui a dénoncé des pressions, des manipulations, des mensonges et des mauvaises interprétations. Les investigations « ont été rendues difficiles par l’extrême prudence des mis en cause, qui ne communiquaient que par des moyens chiffrés », par « leur grande mobilité » et « deux périodes de confinement »« Pourtant, à l’issue des dix mois d’investigation, les éléments à charge vont être égrenés par des actes d’investigations nombreux. »

    L’affaire Tarnac, qui s’était soldée par un non-lieu général, réunissait des faits « de basse intensité », tandis que dans ce dossier, « ils sont de haute intensité ». La détention d’armes, la fabrication d’explosifs, les entraînements paramilitaires et les sonorisations seraient démontrés. Et si aucun passage à l’acte imminent n’a pu être établi, l’envie des prévenus de s’en prendre aux forces de l’ordre et de semer la terreur ne ferait plus de doute. 

     

    De dangereuses lectures

    Ces derniers admettent avoir tenu des propos violents et fabriqué de l’explosif, mais contestent vivement l’interprétation qui en est faite. La défense pointe un dossier bancal, dénonce des retranscriptions très sélectives de sonorisations et le travail des enquêteurs. « Une vaste stratégie d’intimidation », dénonce le magistrat devant le tribunal, qui ne viserait qu’à « tenter de sauver le camarade Florian ».

    « Après avoir fait le procès des renseignements, on veut vous imposer d’écarter les sonorisations, car on a fait la démonstration, avec trois mots isolés, qu’elles ont été mal interprétées. On vous demande d’exclure les PV de garde à vue, d’ignorer les interrogatoires parce qu’ils auraient été réalisés sous contrainte, et on justifie des propos par une alcoolisation massive ou une amnésie. » 

     

    Sa collègue du ministère public prend ensuite le relais pour expliquer en quoi Florian D. serait « le leader charismatique », pourquoi les six autres, « qui ne sont pas de jeunes adolescents en mal de frissons », sont aussi coupables et pourquoi tous les critères de l’infraction sont réunis. « L’entente de tous ces agissements ne peut se lire que comme un tout. »

    L’action que projetait toute la bande serait tirée de l’idéologie « d’Action directe ou de celle de la Conspiration des cellules de feu ». Parce qu’ils détenaient certaines lectures, « parce qu’on a retrouvé un fichier rédigé par ses membres dans l’ordinateur de Florian D. ». 

    Au regard « de son rôle central », qui irrigue « l’ensemble des agissements de cette procédure », elle a donc requis six ans de prison avec mandat de dépôt différé pour Florian D. et son retour en détention.

    Pour les autres, les peines sont plus légères : deux ans de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende pour Loïk M., trois ans de prison avec sursis pour Manuel H., Camille B. et Bastien A., quatre ans de prison avec sursis pour William D. et cinq ans de prison avec sursis pour Simon G. Pour tous, le parquet souhaite leur inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), une interdiction de port d’armes pour 10 ans et 1 500 euros d’amende pour la plupart. 

    L’affaire sera mise en délibéré le 27 octobre, après deux journées de plaidoiries prévues jeudi et vendredi.

    David Perrotin


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  • De lourdes réquisitions

    au procès de l'ultragauche du «8 décembre »

    Le procès de sept jeunes gens poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste » dans le cadre de l'« affaire du 8 décembre » doit s’achever ce vendredi soir. Les avocats de la défense tentent de défaire une approche ultra-répressive qui coïncide parfaitement avec celle de Gérald Darmanin… Le délibéré sera rendu le 22 décembre.

    Un rassemblement en soutien aux « inculpés du 8 décembre » était organisé, mardi 3 octobre 2023, devant le palais de justice de Paris.
     

    C’était le 5 avril dernier.

    Au Sénat, Gérald Darmanin, affairé à sa construction d’une nouvelle menace « écoterroriste », intervient dans un débat après les affrontements, quelques jours plus tôt, autour de la méga-bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

    « Non, nous ne considérons pas que la menace principale provienne de l’ultragauche, concède le ministre de l’Intérieur au détour des échanges. La principale menace terroriste en France est bien évidemment la menace islamiste. Nous avons déjoué 41 attentats islamistes depuis 2017. Nous avons déjoué 9 attentats de l’ultradroite depuis 2017. Et nous en avons déjoué un de l’ultragauche, fin 2020. »

    Avant de conclure : «il s’agissait d’une action extrêmement violente et mortifère contre des forces de l’ordre (…) Je constate que personne n’en parle. Pourtant, oui, il existe aussi une menace de l’ultragauche. »

    Ultimes plaidoiries

    Maintenant, plus de doute, on en parle, et ce n’est pas forcément plus probant… Car c’est bien cet « attentat déjoué », une « action extrêmement violente et mortifère contre des forces de l’ordre », qui occupent depuis quatre semaines le tribunal correctionnel de Paris.

    Le procès contre 7 jeunes gens, interpellés le 8 décembre 2020 – une date qui, faute de nom du groupe ou d’objectif identifié, servira à désigner l’affaire – et poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste », touche à sa fin, avec les ultimes plaidoiries de la défense, dans l’après-midi de ce vendredi 27 octobre.

    Pendant près de cinq heures, mercredi, les représentants du ministère public, occupés, au passage, à défendre et illustrer l’utilité de la DGSI ainsi que l’honneur du parquet national antiterroriste (Pnat), s’offusquent. « Il faut en finir avec les fantasmes de persécution de l’ultragauche, avec le mythe de la cabale d’Etat, c’est foncièrement injuste », invite ainsi le procureur antiterroriste, avant de rappeler « l’indépendance de l’autorité judiciaire », même face à des « déclarations d’un ministre, fût-il de l’Intérieur ».

    Un « projet mortifère » qui n’a toutefois pas de cible

    En pratique, et en toute indépendance donc, le réquisitoire à deux voix a, sans grand écho ou référence directe aux débats, repris les éléments d’un dossier passablement étrillé par la défense depuis début octobre. Chacun son rôle : à monsieur le procureur antiterroriste, le soin d’empiler les calques pour planter un décor et recréer une atmosphère de violences d’« ultragauche » en France et en Europe ; à madame le procureur antiterroriste, celui d’inscrire dans ce paysage les « éléments matériels », imputés à chacun des sept jeunes gens, trentenaires, un peu punks, beaucoup en marge de la société, plus ou moins anarchistes ou libertaires.

    Au centre, il y a Florian D., un leader « charismatique », habité par une forme de « messianisme révolutionnaire », revenu, ou « revenant » – selon l’expression d’habitude réservée aux djihadistes partis en Syrie mais du côté de l’« Etat islamique »(Daech) –, du Rojava qui, fort de son expérience sur un théâtre de guerre, cherche à « agréger des camarades » rassemblés pour de « réunions conspiratives ». Des armes, des explosifs, des entraînements paramilitaires en vue de réaliser un « projet mortifère » et de commettre une attaque encore… indéterminée.

    « Ils n’ont pas de cibles, nous sommes de ce fait devant le tribunal correctionnel, admet la procureure antiterroriste. Mais les projets existent, ils sont matérialisés. » Tout dans la démonstration du parquet repose sur quelques jours, juste avant et pendant le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, à la fin de l’hiver et au début du printemps 2020, sur la base d’éléments recueillis au début de la surveillance rapprochée, avec mise sur écoutes de téléphones et surtout du camion qui sert de domicile à Florian D.

    « Il n’y a pas de récit, pas de scénario, mais une réalité matériellement établie par une enquête policière », assène-t-elle. Son homologue écarte tout sentiment sur la lutte contre Daech en Syrie. « On nous parle d’une résistance héroïque au Rojava, mais on a vu aussi d’authentiques résistants devenir des membres de l’OAS », lance-t-il, sous les protestations dans le public.

    Expérimentations sur la fabrication d’explosifs – ou, en l’occurrence, selon eux, de pétards -, détention d’armes, ou de vieilles pétoires, sans permis en bonne et due forme… Toutes ces infractions pénales, les prévenus et leurs conseils les reconnaissent, mais ils en contestent vigoureusement la portée réelle, et surtout leur inscription dans le cadre d’un projet de nature terroriste.

    Un spectre venu d’Athènes invité par le parquet

    Afin d’installer à toute force les prévenus dans le panorama du terrorisme d’ultragauche européen, le ministère public ne s’écarte pas d’un millimètre du tissu d’insinuations tracés par la DGSI et les magistrats instructeurs. En ouverture, puis par des références appuyées tout au long de son réquisitoire – une heure, au bas mot, sur ce sujet -, le procureur antiterroriste « s’appesantit », selon ses propres mots, sur un fascicule de quelques pages émanant d’un groupuscule grec, la Conspiration des Cellules de Feu, auteur de plusieurs attaques avec des engins incendiaires ou par des colis piégés entre 2009 et 2017.

    En présentant minutieusement les activités de ces anarchistes qui se sont donnés un nom servant à l’édification, le magistrat relève qu’après une tentative d’attentat à l’ambassade de France à Athènes, leur communiqué « fait référence à la mort de Rémi Fraisse », le jeune manifestant tué, en 2014, sur la Zone à Défendre (ZAD) à Sivens (Tarn). « C’est intéressant », appuie-t-il, dans une référence implicite au fait que certains des prévenus se sont connus lors de cette lutte.

    Très peu évoqué lors des interrogatoires ces dernières semaines, le document, paru en Grèce en 2011, traduit en 2017 et en accès libre sur Internet, a été découvert parmi les téléchargements de Florian D, et il fait office de pièce centrale pour l’accusation, en dépit du fait – au moins aussi intéressant – qu’aucune relation concrète ni avec ses auteurs, ni avec ses traducteurs en français n’est établie…

    « La présence de ce texte qui est une incitation à la guérilla armée est tout sauf anecdotique », considère le ministère public. Il s’agit, pour lui, de la preuve avérée de « l’inspiration contemporaine grecque de ce terrorisme d’ultragauche » en France.

     

    D’après l’accusation, il n’y a pas à tortiller, c’est mécanique : « la possession d’un tel document ne laisse la place à aucun doute. » Ce qui, dans cet élan, permet d’assimiler les prévenus aux djihadistes chez qui on trouve des textes de l’« Etat islamique », ou des militants d’ultradroite qui ont le manifeste d’Anders Breivik, auteur de la tuerie d’Utoya (Norvège) en 2011.

    Dans la même veine, mais de manière moins appuyée, le parquet convoque encore l’ombre d’Action Directe puisque l’enquête a permis d’exhumer un « courrier » – une lettre ouverte, en réalité -, des prisonniers de la cellule terroriste française dans l’ordinateur de Camille B, la seule femme parmi les prévenus.

    « Attention, il n’est pas question d’assimiler les prévenus à Action directe, mais simplement de resituer », lance encore le procureur antiterroriste, avant de fustiger une certaine « mansuétude » face à « un terrorisme d’ultragauche qui a tué ».

    Des réquisitions très lourdes pour Florian D.

    Au bout de leur réquisitoire, mercredi soir, les procureurs antiterroristes distinguent Florian D. de ses amis, réclamant une peine de six ans de prison ferme, avec mandat de dépôt, contre celui qui s’est battu au Rojava, et des peines avec sursis probatoire, entre deux et cinq ans pour les autres. « Sans Florian D., aucun autre prévenu ne serait à la barre », estime ainsi la représentante du ministère public.

    Jusqu’à la fin du procès, ce vendredi soir, c’est le tour des avocats des sept prévenus de démonter le dossier, désormais dans leurs plaidoiries, après avoir tenté de le faire au fil des audiences, notamment en réclamant – sans succès – la convocation des agents de la DGSI ayant participé aux opérations de surveillance.

    Pièce par pièce, il s’agit pour eux de saper la construction de l’antiterrorisme et ramener l’affaire à des infractions pénales, strictement déconnectées de tout projet terroriste. « On a affaire à une inversion totale de la charge de la preuve, dénonce, avec fougue, Me Louise Tort. Nous sommes face à des arguments qui sont limite faiblards et limite déloyaux. On part d’un préjugé pour construire une faute juridique. »

    Pour le compte de Manuel H., un temps accusé à tort – et c’est l’une des seules erreurs reconnues par l’accusation et les services de renseignement dans l’affaire – d’avoir voulu nouer des liens avec des guérilleros colombiens à l’occasion d’un voyage touristique, Mes Lucie Simon et Camille Vannier avancent qu’il n’y a dans ce dossier, “ni le début ni la fin” d’une association de malfaiteurs terroristes.

    « On n’a pas de groupe, pas de nom, rappellent-elles. Ceux qui vont donner un nom au groupe, ce sont les enquêteurs qui, au début, parleront de « punks à chiens ». C’est révélateur parce que ça donne aussi une idée du niveau d’alerte que les prévenus éveillent chez les enquêteurs… Comme il n’y a pas de structure, il faut rechercher une filiation idéologique, et pendant près d’une heure et demie de réquisitoire, on nous parle de l’ultragauche en France et en Europe… Peu importe que les pratiques de luttes armées aient disparu depuis 1986 en France, on va chercher en Grèce, et après n’avoir quasiment pas interrogé les prévenus sur le sujet, on vient nous dire que le terreau idéologique, c’est la Conspiration des Cellules de Feu…

    Les avocats remettent les « éléments matériels » à leur juste place

    Après que son confrère, Me Guillaume Arnaud, a brocardé un vrai-faux groupe qui, selon les « manifestes » mis en avant par l’accusation, devrait passer son temps, lors du premier confinement, à s’entraîner physiquement pour constituer une « unité milicienne » et qui, « comme en attestent les écoutes, passent bien plus de temps à boire des coups, à s’adonner à l’humour et la convivialité », Me Servane Meynard reprend les procès-verbaux d’écoutes sur la même période, celle pendant laquelle une partie des prévenus fabriquent ce qui ressemble plus à des pétards qu’à des explosifs.

    « Cela rit beaucoup, cela chante beaucoup pendant cette fabrication d’explosifs, fait-elle remarquer. On entend des bruits de briquets, on craque une allumette. Cela se passe dans le camion de Florian D. garé dans la cour de la maison, avec les chiens à côté… Ce sont des guignols qui s’amusent, ils ne perçoivent absolument pas de dangerosité. Le seul moment où ils imaginent un risque, ils parlent de se cacher derrière un ordinateur… Les explosifs, c’est comme tout ce dossier, ça fait beaucoup de fumée, puis pfiiioou, rien… »

    Me Chloé Chalot déconstruit, elle aussi, des charges qui, dans le cas de sa cliente Camille B. – systématiquement renvoyée, avec un sexisme forcené, à un statut de « femme du chef », Florian D. -, ont été construites en partie après les faits reprochés.

    « On parle d’infractions commises entre janvier 2020 et l’arrestation le 8 décembre 2020, mais on vient justifier les poursuites en exposant un positionnement virulent pendant l’instruction en 2021, c’est une nouvelle illustration des arguments limite faiblards », raille-t-elle. Avant de conclure en rappelant qu’en août 2022, après que Camille s’est installée dans le Limousin, le renseignement fera une note pour avertir qu’elle habite dans la même rue que Julien Coupat, figure clé de l’affaire Tarnac.

    « Ce n’est pas un élément constitutif mais on prend la peine de le signaler », souligne-t-elle. Le rappel est cuisant car elle enchaîne : « Dans un dossier où on a juxtaposé les notes, les mots pour étayer une construction, on peut espérer que le destin de Camille B. s’inscrira dans les pas de Monsieur Coupat… Dont on n’oublie pas qu’il a été relaxé ! »

     

    Les plaidoiries se poursuivent ce vendredi.

    Dans la salle pleine à craquer, le spectre de Tarnac et du cuisant fiasco qu’il constitue pour l’antiterrorisme a pris place. Et il attend son heure, au cas où. Délibéré attendu le 22 décembre.


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