À l’issue du sommet de l’Otan, le 14 juin à Bruxelles, la Chine s’est découvert de nouvelles frontières.

Désigné comme « défi systémique » pour l’ordre mondial et la sécurité de l’Alliance atlantique, le pays s’est ainsi retrouvé propulsé aux portes de l’Europe.

Quoi de mieux, en effet, pour sceller l’union retrouvée entre Européens et Américains qu’un ennemi commun même si celui-ci ne menace pas la zone atlantique à proprement parler ?

Après le renforcement du Quad (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité qui regroupe les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde), en mars, l’Otan est-elle en train de se transformer en machine opérationnelle contre la Chine ?

« L’Otan est très loin de la Chine ; même si la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont décidé d’envoyer un ou deux bateaux de guerre sillonner en mer de Chine, sous prétexte de protéger la liberté de circulation, on sait que c’est plutôt symbolique », relativise l’économiste Ding Yifan, conseiller auprès du gouvernement chinois.

La mission chinoise auprès de l’Union européenne abonde, sur un ton toutefois plus agacé : « Nous ne poserons de “défi systémique” à personne, mais si on nous pose des “défis systémiques”, nous ne resterons pas indifférents. »

Washington ne domine plus dans le Pacifique

Après l’intervention en Afghanistan, la focalisation de l’Otan sur la zone indo-pacifique prouve que les États-Unis continuent de dicter l’agenda. Washington entraîne ainsi ses partenaires militaires dans son pivotement vers l’Asie initié par Barack Obama.

Il n’a pas fallu beaucoup pousser la France qui, dès 2019, engageait une frégate dans le détroit de Taïwan.

En mai, elle allait plus loin en participant à des exercices militaires conjoints avec le Japon, les États-Unis et l’Australie, signant son entrée dans « l’axe indo-pacifique » qui vise à endiguer la Chine. Pour Washington, qui n’a plus la prééminence militaire dans le Pacifique, selon un rapport du Centre des études sur les États-Unis de l’université de Sydney daté de 2019, l’enjeu est de taille.

Des missiles supersoniques chinois

Si la Chine récuse toute velléité hégémonique, elle revendique en revanche des « droits historiques » sur les eaux de mer de Chine méridionale ; des droits contestés par ses voisins directs.

Elle ose d’ailleurs affirmer sa puissance.

Selon Ding Yifan, Pékin joue la retenue, mais aurait « les moyens de dissuader les challengers potentiels, ce que les Américains ont parfaitement compris en s’adonnant à toutes sortes d’ex ercices d’intimidation opérationnel sur le détroit de Taïwan. Mais la Chine est suffisamment confiante aujourd’hui dans cette partie du monde. Ses missiles supersoniques pourraient dissuader les adversaires éventuels d’aventures militaires ».

L’an dernier, des simulations du Pentagone ont montré que, dans tous les scénarios, une confrontation avec la Chine se solderait par une défaite et une mise en péril des bases américaines de Guam et d’Okinawa, ou des groupes aéronavals de la marine états-unienne.

D’où l’utilité pour Joe Biden de commencer à préparer les esprits européens à une aventure en eaux troubles.

En fin de semaine dernière, les États-Unis profitaient enfin du sommet du G7 pour souder leurs alliés et annoncer la création d’un programme rival des routes de la soie.

La Chine, de son côté, se gausse de ce club dépassé.

« Le G7 est une invention des années 1970, pour coordonner les politiques macroéconomiques des plus grandes économies de l’époque après le choc pétrolier. Aujourd’hui, le PIB du G7 ne pèse plus que 40 % de l’économie mondiale, ce qui est à parité avec les économies émergentes », insiste Ding Yifan.

Pékin plaide ainsi pour que le G20 prenne le relais.

Et de se faire le chantre d’un multilatéralisme non feint.