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A propos de l’attentat devant les anciens locaux de Charlie et du communiqué d’Ensemble ! publié dans sa lettre du 30 septembre.
A propos de l’attentat
devant les anciens locaux de Charlie
et du communiqué d’Ensemble !
publié dans sa lettre du 30 septembre.
« Il est du devoir de toute la gauche,
de tous/tes les démocrates
de combattre [les terroristes] sans relâche.
ENSEMBLE !,
qui exprime sa solidarité aux victimes,
est et sera partie prenante de ce combat. »
Il s’agit donc de combattre les « terroristes ».
D’accord, mais lesquels et comment ?
Le combat à court terme ne peut être mené que par les polices du renseignement, chargées de la surveillance du territoire, pour découvrir les projets d’attentats et les déjouer à temps.
C’est nécessaire, mais ce n’est pas notre boulot, convenons-en.
Alors que nous reste-t-il ?
Nous ne pouvons que nous attaquer aux causes du terrorisme, de ce terrorisme-là.
C’est un combat de longue haleine et difficile.
Car, par le passé, beaucoup de camarades ont été accusés de « terrorisme », notamment toutes celles et tous ceux qui ont mené des luttes de libération nationale; des causes justes qui ont souvent nécessité l’usage de méthodes que l’on réprouve aujourd’hui dans une société relativement pacifiée et dans un Etat de droit.
Donc si on admet des actes de résistance violents, parce que leur cause est légitime, et si on condamne les attentats actuels, c’est qu’on estime que leur cause n’est pas légitime.
Il faut donc discuter de leurs causes.
Pour combattre le terrorisme d’aujourd’hui, en France, en Europe, en Afrique et dans beaucoup d’autres pays, il convient déjà de le nommer, ce que le communiqué d’Ensemble ! ne fait pas.
Mauvais départ.
On va combattre quoi ?
Il faut oser prononcer l’expression « islamisme radical » ou une formule équivalente.
Je sais bien pourquoi on n’ose pas.
On ne veut pas être confondus avec les racistes, les suprématistes, les anti-arabes, Marine Le Pen, etc.
Et on est littéralement piégés par le terme « islamophobie » que les islamologues islamophiles ont réussi à imposer dans le débat public, jusqu’à en faire un thème de manifestation qui attire nos amis.
Il faut sortir de ce piège.
Mais comment ?
Sur la scène intellectuelle, deux thèses s’affrontent :
ceux qui pensent que l’islam radical inspire les actes terroristes
et ceux qui pensent que des révoltés d’origine diverse instrumentalisent l’islam pour se donner un but ou une caution.
Tout permet de penser aujourd’hui, avec Gilles Kepel, que la première thèse est la plus valide, même si on ne peut exclure la seconde dans certains cas.
Parlons donc de l’islam et des musulman.e.s.
Je crois qu’il y a lieu de faire une distinction fondamentale entre les vieux dogmes religieux qu’il faut continuer à combattre, et les croyant.e.s de bonne foi partageant nos valeurs ou au moins certaines de nos valeurs, et avec qui on peut se retrouver dans des combats communs.
1) Nous devons faire preuve d’empathie à l’égard des personnes exploitées et dominées utilisant des ressources idéologiques qui ne sont pas les nôtres pour mener leur combat.
Ne pas les chicaner sur leurs tenues vestimentaires et leur façon de se nourrir, par exemple…
L’histoire nous montre que les religions populaires ont pu être des points d’appui pour la libération des classes exploitées et des peuples opprimés.
Le catholicisme à certains moments de leur histoire pour les Irlandais ou les Polonais, la théologie de la Libération en Amérique latine, l’islam pendant la guerre d’indépendance algérienne, etc.
2) Nous devons aussi combattre patiemment, mais fermement et explicitement, les vieux dogmes préscientifiques, véhiculées par toutes les grandes religions, et pas seulement par l’islam.
Pris au pied de la lettre, ils conduisent à mettre la prétendue loi de Dieu au-dessus de nos lois humaines.
Et c’est un danger mortel pour les démocraties.
Sur ce dernier point, il y a longtemps qu’une bonne partie de la gauche en France a baissé la garde, car le danger ne vient plus de l’ancienne religion dominante et de sa puissante organisation, l’église catholique.
Mais il n’est pas nécessaire d’être un historien chevronné pour se souvenir de l’Inquisition, de la Saint-Barthélémy ou des dragonnades sous Louis XIV.
Ou encore des livres interdits de publication, telle que l’Encyclopédie de Diderot.
C’est parce que l’église catholique a subi deux siècles et demi d’une lutte idéologique sans merci, engagée par les Philosophes au XVIIIe, portée par le peuple de Paris pendant la Révolution, poursuivie par les loges au XIXe, puis par les Républicains radicaux de la 3 e République, qu’elle a réduit ses prétentions à énoncer la vérité pour tout le monde.
Ce qui était sa prétention de départ, ne l’oublions pas, car ce n’est pas pour rien qu’elle se déclare « universelle » : un seul Dieu, celui des chrétiens, pour toute l’humanité.
Une perspective crédible du temps du colonialisme triomphant.
Beaucoup moins depuis la décolonisation… et la déchristianisation qui progresse toujours dans ses foyers d’origine, les territoires de l’ancien empire romain.
Il n’en va pas de même pour l’islam, et c’est ce qui fausse notre regard.
L’islam reste une religion d’Etat qui fait la loi dans de nombreux pays, et une religion de recours / de secours pour des catégories opprimées et exploitées.
Les dogmes islamistes n’ont jamais été combattus franchement, tout au moins pas autant que les dogmes chrétiens.
Résultat : on peut se moquer du Christ ou du Pape tout à son aise et sans courir aucun risque, mais oser dire aujourd’hui que Mahomet est un imposteur, un diffuseur de fake-news, fait courir le risque de se prendre une fatwa – même dans un pays libre et laïc.
C’est ce qu’ont fait les journalistes de Charlie Hebdo et on sait ce qu’il leur en a coûté.
Il y a un combat de vérité à mener sur le terrain des croyances anciennes, pour les dissoudre, les affaiblir, leur enlever leur mordant qui fait que certains musulmans prennent au pied de la lettre certains passages des sourates du Coran.
Ce qui leur permet de justifier les actes terroristes qu’ils commettent, et que nous condamnons… quand il est trop tard.
Le Coran « incréé » qui serait la parole de Dieu lui-même !
Mais c’est une pure imposture.
D’abord parce que ce sont les hommes et les sociétés qui ont créé les dieux à leurs images, et pas l’inverse.
Au nom de la tolérance et d’une certaine conception « ouverte » de la laïcité, on ne combat plus ces formes d’obscurantisme, comme si la simple vérité historique était une opinion parmi d’autres.
Il y a longtemps que les théologiens chrétiens ont relativisé les paroles des évangiles, pour les rendre acceptables par la raison humaine.
Ils ont aussi été contraints d’accepter qu’on puisse penser autrement.
Mais c’est pour survivre qu’ils agissent ainsi.
Les islamologues « éclairés », s’adressant à un public non-musulman, disent aussi qu’il faut « contextualiser » les paroles du Coran.
Très bien, rien à redire.
Mais que disent les prêcheurs salafistes dans des mosquées établies en France et financées par l’Arabie Saoudite ?
Comment discerner le double langage ?
Les prédicateurs salafistes se disent pacifiques, mais exigent-ils la même réserve de leur jeune public, souvent sans emploi et sans perspectives sur cette planète, à la recherche du salut éternel, avec en prime la perspective d’une gloire terrestre éphémère ?
Il suffit aujourd’hui d’être armé d’un hachoir, de blesser deux personnes, pour devenir connu dans le monde entier.
Et j